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La croissance économique a le pouce vert

Une frange du discours populaire aime opposer le concept de croissance économique à celui de la protection de l’environnement. Pour les tenants de ce discours, c’est comme si chaque emploi additionnel que l’on crée ou chaque nouvelle entreprise qui ouvre signalent la dégradation de notre environnement. On devrait supposément choisir entre une société prospère ou un environnement sain.

Pourtant, les données sur le couvert forestier, pour ne prendre que cet exemple, montrent le constat inverse : la croissance économique a le pouce vert. En observant l’évolution du PIB par habitant dans 103 pays, on observe que pour chaque gain de 10 % du revenu moyen, le couvert forestier — la superficie totale d’un État couverte par des forêts — croît par 0,02 point de pourcentage. Cela peut sembler petit, mais cela représente un cinquième du changement annuel moyen (0,1 point de pourcentage).

Cette reforestation s’explique notamment par le fait que plus nous devenons productifs, plus nous devenons prospères et mieux nous utilisons les terres agricoles qui sont à notre disposition. Selon les données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, il y avait 125 millions d’hectares de terres agricoles de moins en 2020 — la dernière année pour laquelle les données étaient disponibles — qu’il n’y en avait en 1998.

Au cours de la même période cependant, l’offre de nourriture en kilocalories par personne a crû de 11 %. Sur la même période, la population mondiale a crû de 31 %. Ce que cela implique, c’est donc que notre production de nourriture est 45,6 % plus élevée qu’il y a 22 ans, malgré le fait qu’on utilise moins de terres pour y arriver.

Cette croissance de la productivité agricole a tout d’un exploit, et elle est directement attribuable à l’innovation et aux nouvelles technologies agroalimentaires. Elle fait aussi en sorte que l’on peut retourner certaines terres moins productives à l’état de forêts.

Le cas russe

C’est d’ailleurs un phénomène que nous avons pu observer en accéléré avec la chute de l’Union soviétique. Des chercheurs se sont penchés sur l’évolution du couvert forestier dans l’ex-URSS et ont constaté un regain de 10 millions d’hectares de forêts entre 1985 et 2012, représentant une croissance de 4,7 %. Dans certains États, comme en Moldavie ou en Hongrie, la superficie forestière a crû de plus de 25 % !

En Russie, la croissance de l’efficacité de la production agricole et la disponibilité d’aliments d’un peu partout dans le monde ont mené à l’abandon de 34 % des terres cultivées — étant autrefois utilisées pour d’énormes fermes collectives peu productives. Progressivement, la nature reprend ses droits sur ces terres qui redeviennent des forêts.

Et comme ailleurs dans le monde, la quantité de nourriture disponible par personne a néanmoins crû en Russie — de 16 % depuis la chute du Rideau de fer — malgré une diminution de la superficie cultivée.

Encore une fois, la croissance ne rime pas ici avec une dégradation de l’environnement, bien au contraire.

Il y a deux erreurs que font ceux et celles qui tentent d’opposer prospérité et croissance à un environnement sain.

La première est qu’ils partent généralement du principe qu’aucune valeur n’est attribuée ou attribuable au fait d’avoir un environnement sain. Les données indiquent non seulement l’inverse, mais la valeur qui y est attribuée augmente au fur et à mesure que le revenu disponible augmente. Pour pousser l’exemple à l’extrême, on comprendra que la protection d’une forêt est un enjeu bien secondaire pour quelqu’un qui est en proie à une famine chronique.

La seconde est de croire que la croissance économique se fait avec des technologies de production statiques. Bien au contraire, une économie en croissance l’est généralement parce que sa productivité — ce qu’elle réussit à produire ou à accomplir en fonction des ressources dont elle dispose — augmente elle aussi.

Ces deux facteurs entraînent une courbe en forme de « U » inversé, appelée en économie la courbe environnementale de Kuznets — nommée d’après Simon Kuznets, lauréat d’un prix Nobel en économie.

L’observation de cette courbe implique que l’environnement se dégrade d’abord à mesure que les revenus augmentent, mais uniquement jusqu’à un certain point. Au-delà de ce point, l’accélération de la croissance serait bénéfique pour l’environnement. Cette relation s’observe tant sur la question du couvert forestier que sur celle de la production de déchets, de la biodiversité ou des pêcheries.

Comme quoi une économie saine n’est pas en opposition avec un environnement sain.

Vincent Geloso is Senior Economist at the MEI and the author of “Why Economic Growth Is Good for the Environment.” The views reflected in this opinion piece are his own.

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