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Op-eds

L’État « austère » qui grossit, grossit…

Le gouvernement du Québec a présenté cette semaine un budget non déficitaire pour la troisième année consécutive. Une rareté dans l’histoire moderne du Québec.

Parmi les aspects positifs du budget, on peut noter l’existence d’un surplus, qui servira en partie à alimenter le Fonds des générations, donc à « réduire » la dette du gouvernement. Ceci en a conduit plusieurs à parler d’« austérité » et à demander un « réinvestissement » dans les dépenses sociales.

Vous me permettrez d’ajouter mon grain de sel au sujet de l’austérité et de la dette.

Premièrement, peut-on vraiment parler d’austérité budgétaire depuis quelques années ? De l’année fiscale 2010-2011 à 2017-2018 (soit l’année du budget récemment déposé), les dépenses totales du gouvernement du Québec sont passées de 85,1 G$ à 103,7 G$, soit une augmentation de 21,9 %. Si on ne regarde que les dépenses de missions, la hausse est plutôt de 23,3 %. Pour la même période, les revenus du gouvernement sont passés de 82,7 G$ à 106,3 G$, pour une hausse de 28,6 %.

Pendant ce temps (2010 à 2017), les prix à la consommation ont augmenté de 12,2 % et la population d’environ 5,5 %. Une hausse d’environ 18 % aurait donc permis de maintenir constants les revenus ou dépenses réelles par habitant du gouvernement.

Mais les dépenses réelles par habitant du gouvernement ont donc augmenté et ses revenus réels par habitant, encore plus. L’État n’est donc pas vraiment plus « austère ». En fait, il grossit année après année. Et on peut expliquer le passage du déficit au surplus budgétaire par le fait que les revenus ont augmenté beaucoup plus rapidement que les dépenses. Pas par une diminution de ces dépenses.

Mon deuxième point : malgré la création de surplus, la dette ne cesse quand même pas d’augmenter.

Rappelons qu’en proportion du PIB, le gouvernement du Québec est le plus endetté de tous les gouvernements provinciaux au Canada, quelle que soit la façon de mesurer cet endettement. Si on mesure la dette en comptant les déficits accumulés, un concept beaucoup trop restrictif, elle semble diminuer. Si l’on calcule plutôt la dette brute ou nette, ou encore la dette du secteur public (ultimement assumée par le gouvernement provincial), cette dette continue à augmenter, malgré les surplus budgétaires. La dette du secteur public, actuellement de plus de 276 G$, augmentera pour la prochaine année d’environ 5,8 G$.

Notons donc que de parler d’une réduction de la dette est plutôt trompeur. En fait, la dette diminuera le jour où le compteur de la dette tournera dans l’autre sens. On est loin d’être rendus là.

Tout n’est pas rose avec le dernier budget Leitao, mais il faut tout de même reconnaître que le gouvernement actuel a fait ce que peu d’observateurs croyaient possible : produire des surplus budgétaires, en partie en réduisant le rythme d’augmentation de ses dépenses. Pour cela, au moins, je lui lève mon chapeau.

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher, Current Affairs at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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