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L’audace du RRQ

À la suite de mon texte du 24 février dernier dans lequel je comparais le Régime des rentes du Québec (RRQ) à une chaîne de Ponzi, son président-directeur général, André Trudeau, s’est fait un devoir de réagir dans une lettre ouverte publiée hier. Pour lui, pareille comparaison relève de la démagogie. Vérifions donc les faits.

Une chaîne de Ponzi est une escroquerie financière reposant sur le principe pyramidal. On verse des revenus aux plus anciens investisseurs grâce aux apports de capitaux des derniers arrivés. On paie Pierre avec l’argent de Paul, tout simplement. Cette manoeuvre exige donc des entrées d’argent toujours supérieures aux sorties, sans quoi la pyramide s’effondre.

Maintenant, le RRQ. Le régime est financé par répartition avec capitalisation partielle. Concrètement, le régime dispose d’une réserve, mais les prestations payées au cours d’une année proviennent des cotisations versées par les travailleurs au cours de la même année. M. Trudeau écrit d’ailleurs que « le RRQ n’a pas nécessairement besoin d’accumuler une réserve puisque, par sa nature publique, il nous assure que les cotisations seront toujours payées ». Le PDG de la Régie confirme donc la nature pyramidale du régime, mais tente de nous « rassurer » en invoquant le fait que l’État aura toujours le pouvoir de nous obliger à alimenter la machine. Si le RRQ n’est pas une chaîne de Ponzi, coercitive de surcroît, les ressemblances sont saisissantes!

M. Trudeau déclare également qu’il est faux et malhonnête de ma part d’affirmer que les coffres du RRQ pourraient être vides dans une trentaine d’années. Peut-être devrait-il donc consulter la dernière analyse actuarielle du Régime, document sur lequel figure d’ailleurs sa signature. On peut y lire que dès 2014, les sorties de fonds seront supérieures aux cotisations, que pour combler la différence « une partie des revenus de placements de la réserve doit être utilisée », que « le recours aux revenus de placement permet de combler l’écart entre les revenus et les sorties de fonds jusqu’en 2023 », et qu’« à partir de 2024, les revenus de placements ajoutés aux cotisations deviennent insuffisants pour financer les sorties de fonds, de sorte que la réserve commence à diminuer. En 2039, la réserve devient nulle ». Mais attention, n’affirmez surtout pas que les coffres seront vides!

Ce n’est pas tout. La plupart des cotisants au RRQ l’ignorent, mais l’argent qu’ils versent ne leur appartient plus. Supposons un couple où madame et monsieur sont tous deux âgés de plus de 65 ans. Si monsieur décède, et à moins d’indication contraire dans son testament, madame héritera de la totalité de son épargne privée comme, par exemple, ses REER. L’épargne que monsieur a péniblement accumulée reste donc dans la famille. Ce n’est pas le cas avec les cotisations au RRQ. Le Régime versera au conjoint survivant un maximum de 60 % du montant de la rente acquise par le cotisant décédé. Madame pourrait même ne rien obtenir du tout du RRQ de son conjoint si elle-même a droit à une rente, ce qui revient à la pénaliser pour avoir contribué à son propre Régime. Les cotisations de la personne décédée sont donc toujours accaparées en partie ou en totalité par le RRQ. Si le cotisant décédé n’a ni conjoint ni enfant mineur, les cotisations d’une vie sont alors entièrement empochées par le Régime. Rien pour les héritiers sauf, au mieux, une misérable prestation de décès de 2500 $. N’est-ce pas scandaleux? Et la Régie a l’audace d’appeler cela de « l’équité intergénérationnelle »!

Tout bien considéré, parce qu’il bénéficie de l’appui de l’État, le RRQ est bien plus insidieux qu’une chaîne de Ponzi!

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.
* This column was also published in Le Journal de Québec.

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