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De bons conseils

Depuis quelques semaines, les Québécois sont visés par deux campagnes de matraquage publicitaire : l’une au profit de la Régie des rentes du Québec (RRQ) et l’autre pour la bannière gouvernementale Épargne Placements Québec (EPQ).

En soirée, à chaque pause publicitaire ou presque, la Régie nous invite à planifier notre retraite en consultant son site Web sur lequel on trouve à la fois trois clips insipides de 50 secondes chacun et un simulateur plutôt intéressant. Quant à EPQ, sa publicité suggère aux Québécois de confier leurs économies au gouvernement du Québec. Au premier coup d’oeil, ces publicités sont légitimes. Vivre selon ses moyens en pensant à l’avenir, prendre aujourd’hui les mesures adéquates pour s’assurer une retraite paisible, aspirer à l’indépendance financière et placer son argent prudemment sont de sages conseils.

En revanche, quand on réfléchit au fait que ces bons conseils nous sont donnés par le gouvernement du Québec, on ne peut qu’hésiter entre rire de l’absurdité de la chose ou s’offusquer de l’arrogance et du paternalisme déplacé de la classe politique.

La RRQ est effectivement bien mal placée pour nous sermonner sur la planification de la retraite. Depuis plusieurs décennies, elle administre un régime financé par répartition avec une capitalisation partielle. Concrètement, cela signifie que les cotisations perçues aujourd’hui servent à payer les rentes des retraités actuels. La RRQ n’est donc qu’une gigantesque chaîne de Ponzi qui, en dépit de sa légalité, n’en est pas moins immorale que celle du funeste Bernard Madoff. Et comme toute chaîne de Ponzi, celle de la Régie court à sa perte. On apprenait d’ailleurs en décembre dernier que sa réserve actuarielle serait épuisée en 2039. La Régie, qui pourrait être incapable de verser des prestations aux futurs retraités, veut nous donner des leçons de planification! Elle, qui opère un système insoutenable à long terme, fait la promotion de la responsabilité individuelle. Le gouvernement du Québec nous encourage à l’indépendance financière, lui qui a reçu 8,5 milliards de dollars au titre de la péréquation et qui entretient une culture de mendicité à l’égard d’Ottawa. Plutôt comique, non?

Quant à EPQ, ses publicités nous invitent à épargner « l’esprit tranquille » en achetant des titres financiers émis par le gouvernement du Québec. En pratique, chaque dollar que les Québécois confient à EPQ permet au ministre des Finances, Raymond Bachand, de financer son budget de fonctionnement. L’État se sert donc de nos économies pour payer ses dépenses. Or, peut-on vraiment avoir l’esprit tranquille quand on sait que l’on prête à un État qui a accumulé une dette qui représente plus de 225 milliards de dollars, faisant de lui le cinquième État le plus endetté au monde? Peut-on réellement être certains que notre argent est en sécurité quand on sait que Québec est coupable d’avoir fait pendant longtemps de la comptabilité créative pour camoufler son déficit? Surtout, quelle assurance avons-nous que nos économies si durement amassées seront sagement dépensées alors que notre ministre des Finances déclarait en janvier 2010 que « La finalité, ce n’est pas d’équilibrer le budget. La finalité, c’est d’être heureux comme peuple ».

Certes, tous les produits offerts par EPQ sont garantis par le gouvernement du Québec. Et pour cause! Quand un placement arrive à échéance, Québec s’acquitte de ses obligations en empruntant à Pierre les sommes qu’il doit rembourser à Paul. À l’instar de la RRQ, EPQ opère une chaîne de Ponzi à côté de laquelle Madoff fait figure de néophyte.

Les conseils prodigués par notre intelligentsia politique quant à l’épargne sont excellents. Serait-ce maintenant trop lui demander que de prêcher par l’exemple?

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.
* This column was also published in Le Journal de Québec.

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