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Les cloisons doivent tomber dans le secteur de la construction

Savez-vous combien de travailleurs sont nécessaires pour changer une porte dans une école du Québec? Il en faudrait jusqu’à sept, selon le ministre du Travail, Jean Boulet.

Cette situation découle du fait que le charpentier-menuisier qui travaille sur ce qui est à l’intérieur du mur doit laisser la pose du cadre de porte au poseur de systèmes intérieurs, qui doit laisser le plâtre au plâtrier, etc. Pour pallier cette réalité, le ministre a déposé un projet de loi visant notamment à accroître la polyvalence des travailleurs de la construction.

Si ce texte législatif réduit le nombre de travailleurs et travailleuses nécessaires pour changer cette porte, ce n’est que parce que ces tâches peuvent être effectuées dans une même journée.

Si le projet de loi est un pas dans la bonne direction, il n’est qu’un pas de souris.

À l’heure des grands chantiers en habitation, ce dont le Québec a besoin n’est pas un simple pas, mais bien une marche dans la bonne direction.

Au lieu de conserver le même nombre de métiers réglementés et ouvrir une petite porte pour leur permettre un iota de polyvalence, le gouvernement devrait en revoir le nombre à la baisse, permettant plus de flexibilité à tous les travailleurs et travailleuses.

Un cadre trop rigide

Au Québec, le cadre réglementaire qui gouverne les métiers de la construction est particulièrement rigide, établissant 25 métiers à certification obligatoire. Les cloisons entre les différents métiers ne permettent pas aux travailleurs de la construction d’effectuer des tâches connexes ou requérant peu de formation.

À titre d’exemple, si vous souhaitez refaire votre cuisine dans les règles de l’art, en posant un nouveau dosseret en céramique et un plancher en linoléum, vous devrez faire appel à deux professionnels distincts. Pourtant, plusieurs compétences connexes pourraient être transposables d’un projet à l’autre.

Le projet de loi ne répond que partiellement à cette rigidité en permettant à un travailleur du secteur d’effectuer des tâches connexes qui s’inscrivent dans une même séquence de travail et lors d’une même journée.

Comme modernisation de l’industrie de la construction, on a déjà vu plus ambitieux. Un vrai gain de productivité dans l’industrie impliquerait de faire tomber certaines cloisons.

Le Québec est la province où l’industrie de la construction opère le plus en silo. À titre de comparaison avec ses 25 métiers à certification obligatoire, l’Ontario n’en a que 7, tout comme la Colombie-Britannique.

En Ontario, un seul travailleur est nécessaire pour accomplir ces tâches, car le secteur de la construction est bien moins cloisonné.

À cela s’ajoute la nécessité, au Québec, d’effectuer plusieurs centaines d’heures de cours pour exercer l’un des 25 métiers de la construction.

Le cas des peintres en bâtiment démontre l’absurdité de cette approche. Afin de pratiquer ce métier, le gouvernement provincial requiert le suivi d’une formation de 900 heures. Ailleurs au pays, ceux et celles qui optent pour cette profession n’ont pas de tels prérequis, ce qui rend leur expertise plus flexible et leur permet de mieux s’adapter aux réalités du marché du travail.

Dans ces provinces, lorsque les tâches se font rares pour les peintres, ils peuvent se réinventer en plâtriers ou poseurs de gyproc. Et lorsque les tâches sont trop nombreuses pour le nombre de peintres, ceux qui pratiquent des métiers connexes peuvent plus facilement venir mettre la main à la pâte.

C’est ainsi que la certification devient un carcan, ne reconnaissant pas la polyvalence des travailleurs et travailleuses et nuisant à l’entrée dans la profession.

Le métier de peintre n’est pas le seul dans cette situation. Sur les 25 métiers de la construction à certification obligatoire au Québec, 13 ne nécessitent de certification qu’ici.

Le retrait de la certification obligatoire pour ces 13 métiers devrait être le point de départ. Cela permettrait d’outiller le secteur pour faire face aux défis de productivité alors que le secteur vit avec une pénurie de 7760 travailleurs.

Avec ces gains, il serait possible de construire plus avec le même nombre de travailleurs et travailleuses qu’en ce moment. Après tout, s’il faut moins de personnes pour faire chaque tâche, il est possible d’en faire davantage collectivement.

Au lieu d’essayer de confiner nos travailleurs de la construction dans quelques cases bien définies, faisons confiance à leurs compétences et au fait qu’ils peuvent en faire bien plus que ce que croient les fonctionnaires.

Gabriel Giguère is a Public Policy Analyst at the MEI and the author of “Decompartmentalizing Construction Trades: How Much Is Enough?” The views reflected in this opinion piece are his own.

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