Le Québec ne peut plus se passer de la production indépendante d’électricité
Le Québec manque d’électricité.
Nous n’en sommes pas au point où il existe un risque que vos lumières ne s’allument pas chez vous le soir, mais nous en sommes rendus au point où la faible puissance électrique disponible ralentit le développement de notre économie et nous fait passer à côté de bons emplois.
Pas plus tard qu’en août dernier, le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon annonçait que près de la moitié des projets de développement industriel sur son bureau avaient dû être rejetés l’an dernier. La raison : Hydro-Québec n’a pas assez d’électricité pour répondre à la demande de ces usines potentielles.
Pour ces entrepreneurs, il y avait donc le choix suivant : réaliser leur projet ailleurs qu’au Québec et y déplacer les emplois et investissements anticipés, ou encore trouver le moyen de répondre eux-mêmes à leurs propres besoins en énergie.
Alors que plusieurs ont fait le choix de plier bagage, d’autres comme Rio Tinto ont plutôt choisi la deuxième option : investir ici pour créer des emplois pour les gens d’ici.
Pour répondre à ses besoins, l’entreprise travaillerait sur un projet de parc éolien au Saguenay–Lac-Saint-Jean dont la capacité de production pourrait atteindre 1000 mégawatts.
À titre de comparaison, la capacité de production d’électricité restante pour le développement industriel chez Hydro-Québec est estimée à 500 mégawatts, soit la moitié, jusqu’en 2028.
Il est très clair que si Rio Tinto ne développe pas sa propre production, le monopole d’État sera un frein à l’expansion et à la décarbonation de ses installations. Et ce n’est ici que l’exemple d’une seule entreprise sur les centaines qui ont des projets au Québec.
Il faut dire aussi que ce que Rio Tinto propose de faire n’a rien d’inédit. Il existe déjà de nombreuses entreprises québécoises qui produisent, à tout le moins, une partie de l’électricité qu’elles consomment.
Déjà, au Saguenay, Rio Tinto est propriétaire de sept centrales hydroélectriques, construites entre 1926 et 2012, qui ont une capacité de production totale d’un peu plus de 3000 mégawatts et qui répondent à la vaste majorité de ses besoins en énergie.
Produits forestiers Résolu, un fleuron québécois du domaine des pâtes et papiers, peut compter sur 11 centrales hydroélectriques et de cogénération pour répondre à ses besoins au Québec.
Même Boralex, l’un des plus grands producteurs d’électricité indépendants au Québec, a longtemps été la propriété du groupe Cascades et de sa division énergie.
Dans le contexte où Hydro-Québec n’a plus la capacité de production nécessaire pour subvenir aux besoins créés par le développement du Québec, le gouvernement a tout intérêt – comme il le fait, d’ailleurs – à encourager la production indépendante d’électricité.
D’une part, le gouvernement en sort gagnant grâce aux recettes de taxes et d’impôt générées par les investissements de ces entreprises et les emplois bien rémunérés qu’elles créent.
D’autre part, le développement de ces projets de production indépendante d’électricité se fait sans que les contribuables aient à en assumer le risque financier.
S’il importe de reconnaître que le Québec a besoin de nouveaux approvisionnements en électricité, nous devons aussi réaliser que ceux-ci coûtent cher.
Dans le cadre de son Plan d’action 2035, Hydro-Québec prévoit augmenter sa capacité de production de 8000 à 9000 mégawatts. Pour ce faire, la société d’État estime qu’il lui faudra au moins 90 milliards de dollars – cela représente plus de 10 000 $ par Québécois et Québécoise. Et c’est sans compter les milliards de dollars de plus que la société d’État prévoit dépenser pour améliorer la qualité et la fiabilité de ses installations.
Chaque fois qu’une entreprise comme Rio Tinto au Saguenay ou encore TES Canada en Mauricie choisit de bâtir ses propres installations de production afin de subvenir en totalité ou en partie à ses besoins en électricité, elle réduit la pression sur les contribuables et les finances publiques. Après tout, il s’agit ici de mégawatts pour lesquels l’argent du public n’a pas besoin d’être dépensé, puisque le financement provient du privé.
C’est d’ailleurs un avis que partage le professeur de HEC Montréal et titulaire de la Chaire en gestion du secteur de l’énergie Pierre-Olivier Pineau, qui affirme: « Dans la mesure où Hydro-Québec a énormément de défis […] Dans la mesure où des entreprises privées veulent avoir de l’énergie et sont prêtes à faire l’investissement, je pense que c’est une excellente nouvelle. »
Ultimement, le Québec a besoin d’une plus grande production d’électricité. On ne peut pas se passer de l’apport des producteurs indépendants.
Gabriel Giguère is a Public Policy Analyst at the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.