Une idée pour le nouveau Commissaire à la santé
Le Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), qui avait été aboli par le précédent gouvernement, va bientôt renaître de ses cendres, a décidé la ministre de la Santé Danielle McCann. Il s’agit d’une excellente nouvelle.
Le rôle joué par le Commissaire est particulièrement important étant donné l’opacité de notre système de santé: le Québec étant avare de ses données. La seule façon d’obtenir une mesure pour bien des indicateurs — par exemple, le temps d’attente aux urgences — est de faire des demandes d’accès à l’information.
Même par les standards canadiens, qui sont loin d’être à l’avant-garde, le Québec fait piètre figure. En outre, l’Institut canadien d’information sur la santé, qui compare la performance des provinces entre elles, doit ainsi souvent se passer de données pour le Québec (je soupçonne que ça n’est pas lié à un excès de modestie).
C’est tout à l’honneur de la ministre McCann de vouloir ressusciter ce nécessaire empêcheur de tourner en rond.
Comment en avoir pour notre argent
En plus, le nouveau titulaire du poste aura le mandat de vérifier si les Québécois «en ont pour leur argent», résumait une manchette récente. Le cliché est d’une rare pertinence.
Le Québec est l’un des endroits dans le monde où l’on dépense le plus en santé en proportion de notre richesse. Et on peut dire, sans être accusé de mauvaise foi, que cela ne se reflète pas toujours dans les performances de notre système public. L’ancien Commissaire à la santé ne se gênait pas pour le rappeler.
Le CSBE a ainsi montré, à l’aide de données internationales, que le Québec était dernier parmi 11 pays riches (ainsi que les dix provinces canadiennes) pour l’accès à une consultation médicale le jour même ou le lendemain, dernier pour l’accès à un spécialiste, dernier pour l’accès aux chirurgies non urgentes et, à tout seigneur tout honneur, dernier pour l’attente aux urgences.
Pourquoi, si on dépense autant, obtient-on d’aussi piètres résultats quand on se compare aux autres pays développés? Les déterminants d’un système de santé sont complexes, mais j’ose néanmoins présenter une piste de réponse.
La plupart des pays développés, le Canada inclus, offrent à leurs citoyens une couverture universelle des soins médicaux (les États-Unis demeurent l’exception notable).
En Allemagne, en France et en Suède, par exemple, l’hôpital que vous choisirez sera peut-être géré par l’État, peut-être par un organisme à but non lucratif, ou peut-être même par une entreprise à but lucratif. Pour le patient, ça ne fait pas de différence sur le plan des coûts.
Pour le dynamisme et l’innovation par contre, c’est autre chose. Le Commissaire à la santé pourrait ainsi examiner comment des pays qui partagent les valeurs sociodémocrates chères à bien des Québécois ont permis à des entrepreneurs d’intégrer le système public, et les effets que cela a eus sur l’offre, le volume et la qualité des soins.
Enfin, le nouveau CSBE pourrait jeter un coup d’œil un peu plus approfondi sur les l’apport actuel des entrepreneurs au sein du système de santé québécois: on peut penser aux projets-pilotes en cours avec la clinique de chirurgie RocklandMD et celle du DIX30, ou encore aux CHSLD privés conventionnés, bien intégrés au réseau public et qui sont généralement en mesure de donner de meilleurs services que leurs équivalents gérés par l’État, le tout avec les mêmes revenus et dépenses.
Avec la demande de soins et les dépenses qui risquent d’exploser vu le vieillissement de la population, le thème de l’entrepreneuriat et de l’innovation dans les systèmes de santé universels semblent plus que jamais pertinents.
Patrick Déry is a Senior Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.