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Le Pacte : une initiative qui donnera des résultats?

Le « Pacte pour la transition » fait beaucoup jaser ces jours-ci. Près de 500 artistes et personnalités ont uni leurs voix pour demander au gouvernement d’agir et de prendre des mesures concrètes dans la lutte aux changements climatiques. D’emblée, je précise que je ne m’oppose pas à des initiatives individuelles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais on peut tout de même se demander jusqu’à quel point les Québécois peuvent « sauver » la planète en modifiant leur style de vie.

Regardons les chiffres

Les émissions de GES canadiennes représentent 1,6 % des émissions mondiales en 2013 (l’année la plus récente pour laquelle ces chiffres existent). Ce pourcentage va en diminuant depuis quelques années. En 2016, le Québec émettait 11 % des GES au Canada; le Québec est donc responsable d’environ 0,18 % (18 centièmes de 1 %) des émissions mondiales.

Si la province atteint ses objectifs extrêmement ambitieux de réduction de ses émissions de 20 % de 1990 à 2020, cela représentera 0,038 % (ou 38 millièmes de 1 %) des émissions mondiales d’aujourd’hui. Ceci dit, comme le Québec a déjà réduit ses émissions de 11 % entre 1990 et 2016, il ne resterait qu’à aller chercher 9 % de plus, ce qui représenterait 0,018 % (ou 18 millièmes de 1 %) des émissions mondiales de GES.

Notons aussi que le pourcentage des émissions canadiennes sur le total mondial est en baisse et que le pourcentage des émissions canadiennes en provenance du Québec l’est aussi. Les chiffres calculés précédemment sont donc sans doute légèrement surestimés pour 2018.

Par ailleurs, même si les Québécois, qui produisent 9,4 tonnes de GES par habitant par année, devenaient les plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre de la planète (parmi les champions, on retrouve notamment le Rwanda, le Burundi, la République démocratique du Congo et le Liberia), la Terre ne s’en rendrait pas compte.

Ajoutons finalement qu’il y a en général des « fuites de carbone » lorsqu’un pays fait cavalier seul en mettant en place des politiques de réductions des émissions de GES : une partie de la réduction locale vient du déplacement de la production vers des pays moins « verts », avec un effet net très faible sur les émissions de CO2. Autrement dit, ces politiques ne font qu’enrichir les autres pays à nos dépens, et ce sans donner de résultats tangibles quant à la réduction totale des GES.

Pour que ces politiques fonctionnent et atteignent les objectifs escomptés, il est nécessaire que l’effort soit mondial.

Ne restons pas les bras croisés

Les chiffres en disent long, mais ça ne veut pas dire qu’il faut rester les bras croisés. Le monde est perpétuellement en transition de quelque chose, dont l’énergie. La transition énergétique actuelle est bien engagée. Nos émissions de GES ont baissé de 11 % depuis 1990. En partie grâce à la demande des consommateurs, qui exigent souvent des produits moins polluants. En partie aussi grâce aux innovations technologiques, stimulées par la tentative de faire des profits. Les gouvernements doivent aussi faire leur part, en développant des ententes mondiales pour mettre un prix sur le carbone.

Le problème c’est que les États mettent souvent en place des politiques publiques inefficaces. Par exemple, la subvention à la cimenterie McInnis, qui sera le plus grand émetteur de CO2 du Québec, les subventions à l’achat de véhicules électriques, qui coûtent une fortune par tonne de GES non émis et le Fonds vert, qui réduit les émissions à un coût de plus de 2000 $ par tonne (à titre de comparaison, le prix du carbone à la bourse est présentement d’environ 20 $, et la taxe fédérale atteindra un sommet de 50 $ la tonne en 2022).

En fait, le véritable changement ne se produira que lorsqu’une transition technologique sera accomplie. Ces transitions prennent du temps. À titre d’exemple, le charbon, qu’on a commencé à utiliser d’une façon importante vers 1800, a atteint son sommet dans le mix d’énergie mondiale vers 1910 (environ 60 % du total) lorsque, vers la fin du 19e siècle, le pétrole a commencé à le remplacer. En 2018, le charbon n’a toujours pas disparu et représente encore environ 25 % de l’énergie primaire. La même chose est en train de se produire pour le pétrole. L’arrivée des nouvelles technologies moins émettrices de GES va se faire, mais ça prendra du temps.

On peut bien sûr faire de nobles efforts pour diminuer nos rejets de CO2, mais la solution aux problèmes des changements climatiques passe avant tout par l’innovation technologique et de bonnes politiques publiques.

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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