Cette forêt qui est injustement malmenée
Les temps sont particulièrement durs pour le secteur forestier et les communautés qui dépendent de l’activité économique qui en découle. La prolifération de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, les tarifs américains sur le bois d’œuvre et le papier et les feux de forêt sont les principales sources de l’incertitude qui guettent les régions forestières. À cela s’ajoute le perpétuel combat de certains groupes écologistes et opposants qui ne manquent pas une occasion pour dénoncer les pratiques de nos compagnies forestières et de notre gouvernement. Aujourd’hui, c’était au tour de Léo-Paul Lauzon.
Non, nos forêts ne sont pas en voie de disparition
En dépit des activités qui y ont cours, le couvert forestier est demeuré relativement stable depuis 1990. Des 761 100 km2 de forêts couvrant le territoire québécois, seulement 36 % sont consacrés aux travaux forestiers. Une infime partie des volumes de bois s’y trouvant sont annuellement récoltés, soit un peu moins de 1 % depuis 1990. D’ailleurs, le niveau de récolte dans les forêts sous aménagement a toujours été considérablement inférieur à ce que les forêts pouvaient annuellement produire. La grande majorité de forêts récoltées se régénère naturellement alors que le reste repousse avec l’aide des travaux sylvicoles. Ainsi, contrairement à ce que l’on peut penser, la récolte forestière n’est pas synonyme de déforestation.
D’ailleurs, les usines sont de plus en plus performantes et cela leur permet de produire plus avec moins tout en valorisant l’ensemble des sous-produits issus des scieries. Ces dernières peuvent produire une quantité de planches équivalente avec de 25 % moins d’arbres. Ensuite, les résidus de coupe sont utilisés pour alimenter les usines de seconde transformation comme celle de pâtes et papier. L’approvisionnement en bois de ces dernières est d’ailleurs passé de 80 % dans les années 1970 à moins de 20 % aujourd’hui, alors qu’elles utilisent de plus en plus les matières recyclées et sous-produits comme les copeaux et écorces. L’innovation permet donc de produire toujours plus sans menacer la pérennité de la forêt alors que chaque produit est valorisé au maximum à travers toutes les étapes de transformation.
Oui, les Québécois ont accès aux forêts publiques
Certains affirment à tort que seules les compagnies forestières profitent des chemins forestiers alors qu’ils sont en partie financés à même les coffres de l’État. Les chemins forestiers profitent non seulement aux activités de récolte forestière, mais aussi à tous les utilisateurs de la forêt, que ce soit pour la chasse, la pêche ou toute activité de villégiature et récréotouristique. On parle souvent des 59 000 emplois dans le secteur forestier, mais il ne faut pas oublier que la forêt, c’est aussi près de 33 000 emplois liés aux activités de plein air et aux déplacements d’intérêt faunique. En 2012, c’est près de 4,6 millions de visites et plus de 1,8 milliard $ en retombés économiques à l’échelle du Québec.
Non, nos forêts ne sont pas un buffet à volonté où les compagnies se gavent sans lendemain
Un autre mythe constamment brandi par certains opposants à l’activité forestière est celui que nous donnons essentiellement nos arbres aux compagnies forestières. Il est important de comprendre que la majorité de la récolte forestière a lieu en forêt publique. En ce sens, la rentabilité de l’activité forestière du point de vue du gouvernement ne se limite pas à un calcul comptable basé sur le solde entre les redevances perçues et les dépenses du gouvernement. Les dépenses pour aménager les forêts et développer le réseau routier sont des investissements qui rapportent à long terme. En 2016-17, les dépenses du ministère des Forêts, Faunes et Parcs étaient d’un peu moins de 370 millions $ uniquement pour la forêt, alors que l’activité économique qui en découlait représentait à elle seule 6,5 milliards $, soit 2 % du PIB québécois.
Le système utilisé pour déterminer les redevances exigées aux compagnies a d’ailleurs été revu afin que le prix exigé pour la fibre se rapproche du prix du marché. En 2013, un système de mise aux enchères a été mis en place où environ 25 % des volumes récoltés y sont transigés. Cela permet d’établir un prix en fonction de la qualité des arbres, des coûts liés à la récolte et évidemment de la demande pour les produits transformés sur le marché.
Oui, il y a un avenir pour le secteur forestier
En dépit de tous ces mythes et embuches qui menacent les travailleurs et communautés, il y a une lueur d’espoir à l’horizon. Il faut considérer l’activité forestière à sa juste valeur et réaliser qu’il s’agit d’une activité durable dans la mesure où c’est une ressource renouvelable et que la valorisation des sous-produits permet de créer une quantité croissante de richesse à partir d’un même arbre. Il s’agit d’ailleurs d’une contribution à la réduction des gaz à effet de serre puisque les arbres, avant d’atteindre un certain point dans leur cycle de vie, absorbent et emprisonnent une quantité importante de carbone. L’aménagement forestier permet aussi de mitiger l’impact de feux de forêt qui font des ravages. Ce sont là des contributions parfois méconnues et qui devraient donner espoir aux Québécois quant à l’avenir de nos forêts.
Alexandre Moreau is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.