Normes du travail : on va nuire à ceux qu’on veut aider
Le 20 mars dernier, la ministre responsable du Travail a déposé le projet de loi no 176 modifiant la Loi sur les normes du travail. Le projet a son importance, car il risque de rendre la vie de nombreux chefs de petites entreprises plus compliquée qu’elle ne l’est déjà. Il viendra ajouter plusieurs couches à une réglementation déjà lourde : le Québec est la province où l’emploi est le plus réglementé.
La loi prévoit beaucoup de changements pour, soi-disant, permettre une meilleure conciliation travail-famille. Comme bien souvent en matière de politiques publiques, ce ne sont pas les bonnes intentions du gouvernement qui comptent, mais les conséquences des lois, souvent inattendues et nuisibles.
Si la loi est adoptée telle quelle, le nombre d’absences autorisées pour des raisons parentales augmentera et les entreprises seront tenues d’accorder trois semaines de vacances à leurs employés dès qu’ils auront trois années d’ancienneté. Les heures supplémentaires que le salarié pourra être tenu de faire seront fortement limitées et il pourra même choisir de ne pas travailler s’il n’a pas été informé à l’avance de ses horaires de travail précis (sauf cas particuliers).
Ce genre de mesures, qui paraissent bien sur le papier, donneront des maux de tête à certains employeurs, notamment ceux qui font appel à des travailleurs saisonniers. Ces employeurs devront remplir encore plus de paperasse pour informer les autorités réglementaires de leurs embauches. De telles mesures créeront également de nombreux tracas pour la comptabilité des petites entreprises dont les marges de profit sont réduites.
Le secteur agricole redoute déjà les conséquences de cette loi, qui est très mal adaptée pour des tâches pour lesquelles il est impossible de déterminer les horaires à l’avance (on a encore du mal à prévoir la météo…).
Le projet prévoit aussi de renforcer le contrôle gouvernemental sur les agences de placement. Cela va nuire à ces entreprises, qui constituent bien souvent un tremplin vers l’emploi à des jeunes ou à des nouveaux arrivants. En plus de toutes ces mesures, les entreprises seront obligées de se conformer à des règles salariales qui vont rendre le coût du travail plus cher lorsqu’elles voudront recruter un salarié à temps partiel ou par l’entremise d’une agence de placement. Cela va inciter les entrepreneurs à y penser à deux fois avant d’embaucher un jeune.
Plus de règlements, moins d’embauches
Rendre la réglementation plus rigide rend plus difficile le processus d’intégration au marché du travail et particulièrement pour certaines populations vulnérables. C’est d’ailleurs en Europe, notamment en France, où les marchés du travail sont moins flexibles, que le chômage, surtout celui des jeunes frappe le plus. Rappelons que réglementer est coûteux : la ministre estime que sa réforme coûtera entre 600 et 690 millions $ aux entreprises du Québec.
Tout ceci vient s’ajouter à la récente hausse historique du salaire minimumet aux augmentations de cotisations sociales, dans un contexte où les entreprises peinent à trouver de la main-d’œuvre. Bref, il s’agit d’un bâton de plus dans les roues des entrepreneurs dans un contexte déjà difficile.
La conciliation travail-famille est un enjeu primordial. Mais pourquoi intervenir par la loi? Les nouveaux salariés ont déjà un grand pouvoir de négociation étant donné les nombreuses opportunités qui s’offrent à eux. D’ailleurs, on connaît tous des employeurs (et l’IEDM en fait partie) qui n’attendent pas les politiciens pour choisir de donner plus de semaines de congés à leurs employés ou pour tenir compte de leurs contraintes familiales. Un sondage récent montrait d’ailleurs qu’une forte proportion d’entreprises présentent déjà des mesures qui permettent de bien concilier la vie personnelle et le travail.
Ce n’est pas au gouvernement de s’immiscer dans les détails des relations de travail. Les premières victimes du projet de loi no 176 seront celles que le gouvernement essaie d’aider : les petits entrepreneurs, les jeunes et les immigrants.
Jasmin Guénette is Vice President of Operations at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.