L’éducation, la bière et le maïs soufflé
Dans sa mise à jour économique du 20 novembre dernier, le ministre des Finances a annoncé diverses mesures, dont un chèque annuel de 100 $ aux parents de chaque enfant d’âge scolaire, afin de les aider à assumer les frais de fournitures scolaires. Cette mesure devrait coûter 112 millions $ cette année.
Or, plusieurs commentateurs ont critiqué la décision, en faisant valoir que l’État (les écoles, les commissions scolaires) aurait pu faire mieux en dépensant lui-même le montant de 100 $ que le ministre Leitão a plutôt décidé de retourner aux parents. Certains ont fait le décompte de mesures précisesqui auraient pu être mises en vigueur et qui auraient selon eux directement aidé les enfants.
Cet exercice est bien sûr légitime, mais il mérite d’être mis en contexte.
Avec mon collègue Alexandre Moreau, j’ai publié en août dernier une recherche portant sur les dépenses en éducation dans le secteur public primaire et secondaire. Nous avons alors découvert que, de 2006-2007 à 2015-2016, les dépenses ont augmenté de 14 % de plus que l’inflation, alors que le nombre d’élèves a diminué de 6,5 %. Les dépenses réelles pour chaque élève sont ainsi passées de 10 791 $ à 13 162 $, une hausse de 22 % en dix ans. Or, ces dépenses beaucoup plus élevées ne semblent pas avoir eu d’effet sur les résultats scolaires ou le taux de décrochage, qui demeure catastrophiquement élevé.
Depuis 10 ans, les gouvernements successifs ont augmenté de façon récurrente leurs dépenses réelles en éducation de vingt fois 112 millions, avec des résultats plus que décevants. En fait, si les dépenses par élève étaient restées stables, les dépenses totales de l’État auraient été de 2,3 milliards $ moins élevées en 2015-16.
Ajoutons une autre information importante pour comprendre le contexte : dans la mise à jour du 20 novembre, le gouvernement annonçait aussi une hausse des dépenses en santé (+ 4,5 %) et en éducation (4,6 %) pour l’année financière 2018-19. Soyons clairs : le ministère de l’Éducation et les commissions scolaires ne manquent pas de fonds.
Il serait peut-être temps de cesser de voir les sommes dépensées par l’État comme plus efficaces que celles consacrées par les parents à l’éducation de leurs enfants. Plusieurs se souviennent encore de la réaction d’un stratège politique de l’opposition, qui avait critiqué le programme de prestations universelles pour frais de garde d’enfants (PUGE) du gouvernement fédéral, en faisant valoir que les sommes envoyées aux parents seraient « dilapidées en bière et en maïs soufflé ». Cette attitude face au libre choix des parents est méprisante. Les parents sont aux premières loges et savent au moins aussi bien que des fonctionnaires ce qui est bon pour leur progéniture.
Il serait temps de remettre en question nos façons de faire, par exemple en diminuant la bureaucratie, en augmentant la concurrence et en donnant une plus grande liberté de choix aux parents. Il faut s’assurer que chaque dollar dépensé en éducation contribue à améliorer la performance du système d’éducation et les perspectives d’avenir de nos enfants, ce qui n’est absolument pas le cas en ce moment. Entretemps, il est naïf de penser qu’il suffit de lancer plus d’argent sur le problème pour le régler.
Germain Belzile is a Senior Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.