Leonard E. Read, l’homme derrière l’histoire
Leonard Edward Read (1898 – 1983) a été un fervent promoteur de la liberté aux États-Unis. Pendant près de 40 ans, il a agi à titre de président de la Foundation for Economic Education (FEE), une organisation qu’il a fondée, consacrée à la promotion et à la défense des idées libérales classiques.
Après un court séjour dans les forces armées durant la Première Guerre mondiale et un épisode entrepreneurial qui échoue, Read s’établit en Californie, où il travaille pour la Chambre de commerce de Burlingame. C’est en 1933, lors d’une rencontre avec l’industriel Bill Mullendore, que Read découvre les idées libérales classiques et les méfaits de l’intervention gouvernementale.
Haut dirigeant de la Southern California Edison, Mullendore faisait partie d’un groupe d’hommes d’affaires californiens très critiques à l’endroit du New Deal. En tant que représentant de la chambre de commerce régionale, Read rencontre alors Mullendore pour tenter de le convaincre d’appuyer le programme de réformes du président Roosevelt. Mullendore explique alors avec éloquence à Read pourquoi le New Deal est fondamentalement inéquitable, et pourquoi il ouvre grande la porte à ce qu’on appelle aujourd’hui la recherche de rente.
C’est à ce moment que Read comprend l’importance de la liberté pour le bien-être des gens et réalise le danger que représente l’intervention gouvernementale. Sa rencontre avec Bill Mullendore a un tel effet sur lui qu’il entreprend de lire les écrits de penseurs libéraux tels que Bastiat, Hayek et Rand, ce qui change complètement sa façon de concevoir l’économie et la société.
Le crayon qui changea tout
Leonard E. Read quitte ses fonctions à la Chambre de commerce de Burlingame en 1945 et crée la Foundation for Economic Education l’année suivante, le premier think tank libéral classique moderne aux États-Unis.
On attribue généralement à la FEE la renaissance des idées libérales classiques en Amérique. Le think tank est d’ailleurs toujours actif. Leonard E. Read a pour sa part écrit à lui seul 29 livres et une centaine d’articles dans lesquels il défend et promeut le libre marché et l’entrepreneuriat. Un ouvrage en particulier a grandement marqué la littérature libérale classique et demeure encore pertinent de nos jours : I, Pencil.
Ce livret, publié en 1958, relate en quelques pages le processus de production d’un objet qui semble d’une simplicité ennuyante, mais qui est en réalité le fruit d’une chaîne de production complexe et fascinante : le crayon à mine. Du bois d’œuvre récolté dans une forêt de la Californie à la mine de graphite au Sri Lanka, en passant par la dizaine de produits nécessaires à la création de la gomme à effacer, la production d’un simple crayon nécessite l’effort de plusieurs milliers de personnes installées dans des régions souvent bien loin les unes des autres.
On l’oublie, mais la scierie qui transforme le bois utilise elle-même plusieurs machines complexes qui sont elles aussi le fruit d’une mise en commun de milliers de facteurs de production. La scierie doit aussi être approvisionnée en énergie et en eau, alors que ses employés, eux, doivent être nourris, vêtus et transportés.
Ce qui peut sembler simple au départ demande en fait la contribution d’innombrables facteurs à toutes les étapes de la production.
Ce qui est fascinant dans la démonstration de Read est que parmi les gens impliqués dans la production du crayon, personne ne sait ce qu’il contribue finalement à produire. Ce n’est pas important. Tous le font parce qu’ils calculent qu’échanger leur activité contre une rémunération est bénéfique pour eux. De plus, et aussi incroyable que ça puisse paraître pour certains, il n’y a personne qui planifie ou dirige cette mise en commun des ressources : la main invisible s’en occupe.
Plus pertinent que jamais
I, Pencil a rarement été aussi pertinent que dans le contexte actuel, alors que de nombreuses voix s’élèvent partout dans le monde pour prôner plus de protectionnisme. L’exemple de Leonard Read démontre que même la production du plus simple objet est le fruit d’une coopération internationale que des obstacles au commerce pourraient empêcher ou rendre plus ardue.
Selon Read, les gouvernements ne peuvent espérer diriger l’économie de leur pays et faire en sorte que tout ce que les individus désirent soit produit localement. D’abord, personne à ce jour ne peut prétendre connaître ce dont tout un chacun a besoin à tout moment. Ensuite, comme les facteurs de production ne sont pas répartis également sur la planète, nous avons besoin d’échanger librement afin de répondre à nos besoins.
Encore aujourd’hui, la Foundation for Economic Education se consacre à enseigner au plus grand nombre les bienfaits d’une société libre. Leonard E. Read croyait fermement en cette mission, ayant lui-même été convaincu en l’espace d’une seule conversation. Cet échange avec Bill Mullendore aura changé sa vie et par le fait même, celle de nombreuses personnes grâce aux travaux de la FEE.
Jasmin Guénette is Vice President of Operations at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.