Le président Trump et le protectionnisme canadien
Le président Trump a fait campagne et a été élu, entre autres, sur la promesse de régler les nombreux problèmes d’iniquités sur le plan commercial dont les Américains seraient victimes de la part des étrangers. Parmi les accusations qu’on a pu entendre depuis des années à Washington et dans les régions qui ont le plus souffert de la désindustrialisation, on peut noter les manipulations de sa devise par le gouvernement chinois, les marchés étrangers fermés aux produits américains, ainsi que les pays étrangers qui « volent » des jobs aux Américains.
Beaucoup des accusations ont peu de mérite ou sont difficiles à démontrer. Évidemment, elles sont certainement fausses dans le cas du Canada. Vraiment ?
En réalité, nous sommes un peu hypocrites sur ce plan. Le cas de la gestion de l’offre en agriculture est particulièrement évident. En maintenant un système de quotas de production et des tarifs douaniers énormes sur certains produits, les producteurs ont réussi à obtenir une exclusion à peu près totale de la production étrangère du marché canadien pour certains pans entiers de notre économie. Les secteurs fautifs sont bien connus : le lait, les œufs, la volaille et la dinde.
Certains acteurs du marché agricole canadien, qui sont bien satisfaits de la situation actuelle, espéraient sans doute que le regard du président Trump resterait tourné vers le Mexique et ses producteurs de voitures et de pièces. Leurs espoirs seront déçus, si l’on se fie à la lettre ouverte que des groupes laitiers américains viennent de faire parvenir au nouveau président et à ses futurs représentants au commerce extérieur.
En bref, le International Dairy Foods Association, le National Milk Producers Federation, le U.S. Dairy Export Council et le National Association of State Departments of Agriculture se plaignent que les politiques protectionnistes du Canada en matière de lait violent la lettre et l’esprit de l’Accord de libre-échange nord-américain et de l’Organisation mondiale du commerce. Ils font aussi remarquer que ces politiques mettent de nombreux emplois américains en danger, en bloquant de façon intentionnelle les importations en provenance des États-Unis, grâce à des tarifs « exorbitants ».
Difficile de dire qu’ils ont tort. Les secteurs sous la gestion de l’offre sont en effet « protégés » des importations, avec des tarifs élevés, qui vont de 238 % sur les œufs à 298,5 % pour le beurre. Ces arrangements, qui excluent les producteurs étrangers, font des perdants chez les producteurs américains, mais aussi chez les consommateurs canadiens qui paient beaucoup trop cher. On retrouve aussi des perdants chez les producteurs canadiens utilisant le lait comme matière première et qui ne peuvent produire fromage, yogourt, et autres crèmes glacées à coût concurrentiel. À long terme, les producteurs de lait canadiens sont aussi perdants, car ils ne peuvent pas exporter, leur produit coûteux est moins consommé et l’innovation est découragée.
On dit souvent que cet arrangement institutionnel à peu près unique dans le monde ne peut pas durer. À chaque nouveau cycle de négociations internationales, les gouvernements étrangers demandent au Canada de cesser de soutirer ces secteurs à la concurrence. Sans succès, car la dynamique politique a rendu jusqu’à maintenant presque suicidaire pour les dirigeants politiques de s’attaquer aux puissants lobbies agricoles.
Mais cette dynamique est peut-être en train de changer. Si M. Trump tourne ses menaces vers les industries canadiennes sous gestion de l’offre, il pourrait faire un extraordinaire cadeau aux citoyens des deux côtés de la frontière en contribuant à régler un problème qui empoisonne nos relations commerciales depuis des années.
Germain Belzile is a Senior Associate Researcher, Current Affairs at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.