L’échec de l’austérité, vraiment?
La victoire du parti de gauche Syriza aux élections grecque de dimanche dernier a été décrite par de nombreux médias comme «un dur coup pour les partisans de l'austérité». Je me sens obligé de remettre les pendules à l'heure en ce qui a trait à l'abus populaire du mot «austérité».
Existe-t-il vraiment des groupes masochistes favorables à l'austérité, qui souhaitent que la population se prive de consommer et de recevoir des services essentiels? C'est peut-être le cas de quelques rares moines tibétains qui ont renoncé aux possessions matérielles. Sinon, personne ne souhaite l'austérité. Par contre, certains sont conscients qu'il est parfois nécessaire d'adopter des mesures désagréables pour ramener un semblant d'ordre dans les finances publiques. Ce qui ne signifie d'ailleurs pas nécessairement que ces mesures aient réellement été adoptées.
En Europe, le mot austérité réfère presque toujours au fait que les déficits budgétaires ont diminué. Pourtant, un déficit qui diminue ne signifie pas nécessairement une réduction de la taille de l'État.
Selon Eurostat, au troisième trimestre de 2014, les dépenses publiques totales dans l'Union européenne s'établissaient à 48% du PIB, bien au-delà du 45,6% de 2007 avant la crise. Ces dépenses ont crû de 6,3% entre 2009 et 2012, durant la période où des politiques dites d'«austérité» ont surtout été mises en oeuvre. Les fameuses «compressions budgétaires» ne correspondaient donc pas à des réductions absolues dans les dépenses, mais à une croissance moins rapide que prévu.
Comment les déficits ont-ils pu diminuer pendant que les dépenses augmentaient? C'est simple: les recettes fiscales ont augmenté encore plus vite, de 12,9% entre 2009 et 2012, soit deux fois plus. Pas étonnant qu'on s'indigne devant des mesures d'«austérité» qui demandent des sacrifices uniquement de la part des contribuables.
Si nous définissons l'austérité très étroitement comme des mesures prises pour réduire les déficits, alors oui, l'Europe a subi de l'austérité ces dernières années. Mais si nous la définissons plus correctement comme des politiques entraînant une réduction de la taille d'États boursoufflés, alors ces politiques ne peuvent être tenues responsables de la crise qui se poursuit en Europe, puisqu'elles n'ont jamais vraiment été appliquées. Presque tous les États en Europe ont gardé la même taille, ou sont encore plus gros, qu'ils ne l'étaient lorsque la crise financière a débuté en 2007.
La rhétorique politique ne change rien à cette réalité. Les problèmes financiers de ceux qui dépensent trop par rapport à leurs revenus, et conséquemment qui empruntent trop, ne disparaitront pas par magie simplement parce que des politiciens déclarent être contre la fausse austérité de leurs opposants. Un pays, tout comme une famille ou un individu, doit rembourser ses créanciers et honorer ses engagements, qu'il soit dirigé par la «gauche» ou par la «droite». S'il ne le fait pas, ceux-ci demanderont des conditions encore plus exigeantes pour lui prêter à l'avenir, ou alors refuseront tout simplement de le faire.
Il est vrai que les Grecs ont vécu une situation particulièrement difficile, mais il faut bien comprendre que c'est le pays le plus corrompu d'Europe, avec une économie dysfonctionnelle et un gaspillage de fonds publics systématique. Selon Eurostat, les dépenses publiques y sont passées de 97 à 108 milliards d'euros de 2006 à 2013, et de 44 à 59% en proportion du PIB durant la même période. Austérité?
Le traitement approprié pour les maux dont souffrent la Grèce et l'Europe en général, c'est de vraiment réduire les dépenses publiques, de déréglementer les marchés du travail et d'encourager l'entrepreneuriat, les investissements privés et la création d'emplois. Les gouvernements doivent se mettre au régime pour que les citoyens et les entreprises puissent s'épanouir de nouveau. Prétendre que ce genre d'approche de libre marché a déjà été essayée, a échoué et est maintenant rejetée par les populations en Europe, est franchement ridicule, pour ne pas dire intellectuellement malhonnête.
Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this column are his own. Read the op-ed on La Presse's website.