L’emploi au Québec : sur une pente dangereuse
Les « deux solitudes » au Canada existent aussi dans le marché du travail… malheureusement pour le Québec.
Les plus récents chiffres de Statistique Canada sur l’emploi démontrent une tendance fort différente quant à la nature des emplois créés au Québec (lorsqu’il y en a), versus le reste du Canada.
Le Québec perd des emplois dans le secteur privé à un rythme inquiétant, tout en créant des emplois publics… à un rythme tout aussi inquiétant!
Ottawa a réussi à éliminer 41 300 emplois au gouvernement au cours des 12 derniers mois, pendant que le secteur privé au pays créait 128 500 emplois. Au Québec, le secteur privé a perdu 26 100 emplois durant la même période, pendant que le gouvernement ajoutait 14 800 nouveaux salariés sur sa liste de paye.
Comme le souligne le blogueur Jérôme Lussier, le Québec perd près de deux emplois du secteur privé pour chaque emploi créé au gouvernement.
À ce rythme, tous les travailleurs de la province, sans exception, devraient travailler pour le gouvernement du Québec d’ici… 2110 environ. Il s’agit bien sûr d’une métaphore, mais elle illustre la tendance en cours.
Laissons respirer les entrepreneurs
Nous sommes en période électorale au Québec, et la plupart des partis disent vouloir améliorer l’économie et créer des emplois. Mais si le passé est garant du futur, il y a de quoi s’inquiéter.
Lors d’une présentation en janvier devant le Cercle finance du Québec à Montréal, l’économiste en chef de la Banque Nationale, M. Stéfane Marion, a montré un tableau plutôt inquiétant : 80 % des nouveaux emplois créés au Québec durant les trois dernières années l’ont été au gouvernement et dans la construction, un secteur qui dépend en bonne partie des dépenses publiques en infrastructures. Le reste du secteur privé n’a quant à lui presque pas bougé.
Ce n’est certes pas une direction saine pour l’économie québécoise.
Certains emplois publics sont bien sûr nécessaires. Mais il faut garder en tête que l’argent qui financera ces emplois provient du secteur privé. Et justement, cette lourde facture est une des raisons pourquoi le secteur privé au Québec peine à créer des emplois.
Plus de 90 % du secteur privé québécois est constitué de petites et moyennes entreprises (PME) — dans la plupart des pays industrialisés, les PME génèrent plus de 60 % de la création d’emplois. Or il se trouve que l’environnement d’affaires au Québec est loin d’être un paradis pour entrepreneurs. Le taux d’imposition des PME (8 %) est notamment le plus élevé.
Mais le plus gros handicap dont souffrent les entreprises québécoises se trouve dans les taxes sur la masse salariale, qui sont les plus élevées au Canada. Une entreprise doit payer ces taxes même lorsqu’elle ne génère aucun profit. Et ces taxes ajoutent environ10 % au coût d’un employé pour celle-ci. Les PME dénoncent depuis longtemps cette situation, mais sans succès.
L’État préfère octroyer des faveurs à sa guise, généralement sous forme de subventions. Une politique qui a l’avantage d’être rentable politiquement pour un gouvernement, mais dont l’efficacité s’avère plus que douteuse.
Les politiciens préfèrent fournir des aides financières directes, des prêts sans intérêts et même des emplois directs, au lieu de chercher à améliorer le régime fiscal pour que celui-ci encourage l’entrepreneuriat, tout en égalisant les chances pour toutes les entreprises, petites comme grosses.
Afin de réduire le fardeau fiscal des entreprises et du coup stimuler l’emploi privé, le gouvernement doit d’abord et avant tout mettre fin à ce cercle vicieux. Il doit corriger le problème à la source en réduisant ses dépenses – qui sont en réalité de futures taxes à être payées par les consommateurs et les entrepreneurs.
Une telle approche améliorerait à terme le portrait de l’emploi, et aiderait le marché du travail québécois à se rapprocher de la tendance (plus saine) du reste du Canada.
Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this column are his own.