Le travail atypique a supplanté le travail permanent à temps plein
Au début des années 2000, bien des rapports soulignaient la transformation du marché du travail en raison de la montée du travail atypique. Aujourd'hui, ce qu'on qualifiait d'emploi atypique est devenu une réalité courante et plus fréquente que l'emploi « traditionnel ».
Doit-on s'en plaindre ou s'en réjouir?
Certains y voient une menace de précarité, d'insécurité ou de déqualification. Pourtant, il s'agit d'un choix pour les trois-quarts de ceux qui occupent ces emplois.
Autrement dit, la croissance des emplois atypiques n'est pas le symptôme d'un mauvais fonctionnement du marché du travail, ou le résultat des délocalisations dans une économie mondialisée. Il s'agit pour l'essentiel d'une évolution des préférences des travailleurs et des employeurs qui s'ajustent les uns aux autres. Le désir de concilier travail et famille, ou études et travail, incite bien des gens à choisir de travailler à temps partiel ou dans des emplois à durée déterminée. De plus en plus, les travailleurs en fin de carrière optent pour une retraite progressive. Bref, les étapes de la vie, clairement séparées les unes des autres (études, travail, retraite) perdent de leur uniformité et chacun peut faire valoir ses préférences plus facilement.
Enfin, pour certains, cette option est involontaire. On préfèrerait obtenir un emploi permanent et à temps plein. Le travail temporaire ou à temps partiel devient alors un pis-aller. Mais cette réalité n'est pas une fatalité.
Les agences de placement: un tremplin vers de meilleurs emplois
Le besoin de réglementer pour retrouver des conditions similaires aux emplois typiques relève d'une illusion, soit qu'il est possible de réguler le marché du travail pour qu'il donne des résultats bien précis. Sous couvert de protéger des travailleurs dits « vulnérables », la réglementation rend souvent leur embauche plus complexe ou plus du tout intéressante, pénalisant du même coup ceux que la réglementation visait à protéger.
Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des cas d'abus et des réglementations souhaitables. Les aides domestiques étrangères, qui arrivent au Canada sans parler la langue et sans connaître leurs recours en cas d'abus, représente sans doute l'exemple le plus patent.
Le cas des agences de placement, une bête noire pour certains groupes comme Au bas de l'échelle, est beaucoup plus nuancé. Il y a bel et bien eu des cas déplorables d'abus ou de supposées « agences de placement » disparaissant sans payer leur dû aux travailleurs. De là à voir les agences de placement comme une anomalie, il y a un beaucoup plus qu'un petit pas.
Faut-il rappeler que pour les travailleurs occupant volontairement ou non un emploi atypique, l'alternative n'est pas un poste régulier à temps plein, mais plus souvent qu'autrement, l'inactivité ou le chômage? Pour ceux qui souhaitent obtenir une meilleure situation professionnelle, il est de loin préférable d'occuper un emploi temporaire ou d'être embauché par une agence de placement que de demeurer au chômage.L
es études sur cette question sont d'ailleurs éloquentes. Une étude publiée par Statistique Canada mentionne par exemple que 60 % des personnes sans emploi qui en avaient obtenu un au cours des deux années suivantes avaient d'abord occupé un emploi atypique. Occuper un poste temporaire augmente la probabilité de se trouver un poste permanent, et augmente aussi le salaire finalement obtenu, selon une étude néerlandaise. Une étude italienne confirme ce résultat en établissant le effet positif de causalité.
Les moins qualifiés, les immigrants récents ou les jeunes sont-ils exploités? Du tout. En fait, à l'emploi d'une agence de placement, ils acquièrent une expérience précieuse et obtiennent une opportunité de faire valoir leur compétence. Être à l'emploi d'une agence agit alors comme un tremplin vers des postes réguliers.
Youri Chassin is an Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.