Lettre à madame Marois
Vous avez remporté les élections. Félicitations pour votre victoire! D’une certaine façon, le destin économique des Québécois est entre vos mains. Les choix que vous ferez et les politiques que vous adopterez laisseront leurs empreintes pour les décennies à venir. Vous pouvez être l’artisane d’une formidable prospérité économique, tout comme vous pouvez contribuer à la ruine de notre Belle Province. Le choix n’en tient qu’à vous.
Pour laisser un souvenir positif de votre passage, les politiques que vous mettrez en œuvre devront respecter quelques principes économiques élémentaires. Il ne s’agit nullement de théories expérimentales, mais bien de préceptes vérifiés empiriquement, de faits indépendants du parti politique ou de l’école de pensée auxquels on s’identifie. Ainsi, rappelez-vous que :
• Ce n’est pas en privilégiant l’immobilisme que l’on fait croître l’économie.
• Ce n’est pas en pénalisant la réussite que l’on incite les travailleurs à l’effort.
• Ce n’est pas en punissant le succès que l’on encourage l’entrepreneuriat.
• Ce n’est pas avec un cadre réglementaire paralysant que l’on favorise l’initiative.
• Ce n’est pas en rigidifiant le marché du travail que l’on stimule la création d’emplois.
• Ce n’est pas en appauvrissant les riches que l’on enrichit les pauvres.
• Ce n’est pas en déclenchant une guerre des classes que l’on construit une société unie.
• Ce n’est pas en niant la gravité de la dette du Québec que l’on prend les mesures nécessaires à sa réduction.
• Ce n’est pas en s’inclinant devant la force syndicale que l’on prend des décisions économiquement saines.
• Ce n’est pas en cultivant la dépendance économique que l’on peut prétendre à l’indépendance politique.
Pour appuyer ces préceptes, voici quelques expériences économiques desquelles tout chef d’État devrait tirer de précieuses leçons :
• La Californie est l’État américain qui impose le plus les revenus des particuliers. C’est aussi l’État avec l’un des plus hauts taux d’imposition des profits des entreprises et l’un des environnements les moins propices aux affaires. Résultat? « L’État doré » se vide de sa population et de ses entreprises, ses recettes fiscales s’écroulent, son déficit se creuse et plusieurs de ses municipalités ont déclaré faillite.
• La Grèce a permis à sa fonction publique de grossir démesurément, a accepté d’innombrables revendications syndicales et a instauré une kyrielle de programmes sociaux et de généreux avantages qu’elle n’avait pas les moyens de financer. Aujourd’hui, son modèle s’effondre et sa population vit un enfer économique.
• La Suède a longtemps été citée en exemple pour son système social-démocrate. Or, voilà près de 20 ans qu’elle s’éloigne progressivement de ce modèle. Elle a entrepris une série de réformes pour réduire la taille de l’État, favoriser les libertés économiques et donner une plus grande place à l’économie de marché. L’économie suédoise figure maintenant parmi les plus solides d’Europe.
Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique (1991), disait : « Ce n’est pas en perfectionnant la bougie qu’on invente l’électricité. » En politique comme en science, il faut savoir changer de cadre d’analyse pour avancer.
Être la première femme élue à la tête du Québec, c’est bien. Être celle qui rompt avec des croyances économiquement toxiques pour les remplacer par des principes porteurs de prospérité, c’est tellement mieux!
Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute. The views reflected in this column are her own.
* This column was also published in Le Journal de Québec.