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Gagner au change

La question nationale revient dans l’actualité. Nul doute que la recherche de l’autodétermination est légitime et le lecteur habitué à lire cette chronique sait à quel point l’idéal de liberté m’est cher. Il n’est donc pas question de contester la volonté d’une proportion substantielle des Québécois de fonder un pays. En revanche, il importe de réfléchir à la formule proposée et de s’assurer de gagner au change.

Le Manifeste pour la souveraineté publié par le Parti québécois invoque plusieurs raisons pour défendre l’option. On peut y lire qu’un État souverain pourra, entre autres :

  • adopter et modifier toutes nos lois;
  • prélever et percevoir toutes nos taxes et tous nos impôts;
  • conclure tous nos traités et siéger au sein de tous les forums internationaux;
  • intervenir à l’ONU;
  • adopter des politiques lui permettant d’avoir un droit de regard sur le contrôle québécois des entreprises et les achats étrangers;
  • régir les institutions culturelles.

Ainsi, à la question : « L’indépendance conférera-t-elle plus de liberté à l’État québécois? », le Manifeste du PQ répond sans ambiguïté par l’affirmative.

Il existe une lutte de pouvoir entre Ottawa et Québec, et, pour certains, l’indépendance est la seule façon de gagner la partie. En revanche, on se pose rarement la question : « L’indépendance conférera-t-elle plus de liberté au CITOYEN québécois? », comme si l’individu était quantité négligeable.

Pourtant, l’exemple de plusieurs pays africains devrait suffire pour exiger une réponse à cette question.

De 1950 à 1970, 38 pays d’Afrique ont obtenu leur indépendance. Aujourd’hui, leurs populations sont en quasi-totalité parmi les plus pauvres de la planète, la majorité d’entre elles sont parmi les moins libres et certaines sont carrément opprimées. Les Africains ont remplacé l’emprise coloniale par celle des dirigeants locaux et l’autorité de la métropole par celle de leurs tyrans. Ils voulaient des libérateurs, ils ont eu des dictateurs.

Chez nous, même si nous n’avons pas à craindre qu’un despote sanguinaire prenne le pouvoir, nous devons exiger plus de transparence de l’option souverainiste quant au sort qu’elle réserve à ses citoyens. Vise-t-elle à réaliser la souveraineté des individus ou à augmenter le pouvoir de l’État? Un Québec souverain s’attaquera-t-il au pouvoir syndical ou cherchera-t-il à le préserver? Réduira-t-il les impôts, les taxes, les subventions et les programmes de tout acabit? Permettra-t-il aux producteurs laitiers et acéricoles de s’affranchir du système de gestion de l’offre?

Voudra-t-il préserver nos vaches sacrées ou les remettra-t-il en question?

Dans l’absolu, l’option souverainiste n’est ni bonne ni mauvaise. Tout dépend du type de société que les leaders actuels envisagent de bâtir. Caressent-ils le rêve d’une économie plus libre avec un appareil gouvernemental réduit ou, au contraire, celui d’un État-providence en expansion? Comme l’ingénierie sociale est l’ennemie des libertés individuelles, l’élite politique actuelle doit impérativement répondre à ces questions.

Quant à nous, nous avons le devoir de poser les bonnes questions et d’écouter les réponses. Pour beaucoup d’Africains, le rêve a tourné au cauchemar. Faisons en sorte que cela ne nous arrive pas!

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.
* This column was also published in Le Journal de Québec.

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