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Un pacte avec le diable

Les résultats de l’élection américaine de mi-mandat ont révélé qu’une majorité d’électeurs est profondément déçue du président à qui elle reproche les piètres résultats économiques.

Certes, le président Obama a hérité d’une crise déclenchée par l’aveuglement keynésien de son prédécesseur qui n’a pas hésité à endetter son pays pour nationaliser des banques et racheter près de 700 milliards d’actifs toxiques. Mais si Bush a effectivement allumé l’incendie, Obama s’évertue à l’alimenter. Si Bush a amené l’Amérique au bord du gouffre, Obama lui fait faire un grand pas en avant!

Il faut néanmoins admettre que la formidable débâcle économique des deux dernières années ne peut être l’oeuvre d’un seul homme, même si cet homme est le président des États-Unis. Le financement des gargantuesques plans de relance ainsi que la hausse historique de la dette américaine auraient été impossibles n’eût été de la collaboration de Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale, qui a ouvert les vannes du crédit comme jamais auparavant.

Les initiés parlent d’«assouplissement quantitatif». Ce n’est là qu’une expression savante pour indiquer que la Fed imprime purement et simplement de l’argent. Beaucoup d’argent! Des centaines de milliards de dollars! De décembre 2008 à mars 2010, elle a injecté 1 700 milliards de dollars, faisant ainsi doubler la base monétaire. Il y a une semaine, la Fed annonçait son intention d’injecter, d’ici juin 2011, 600 milliards de dollars supplémentaires pour acheter des bons du Trésor américain et ainsi financer le déficit de Washington. Bernanke juge sa politique nécessaire pour réduire les taux d’intérêt, stimuler l’économie et provoquer une reprise.

À quelques reprises au cours de la dernière année, on a effectivement cru percevoir des signes encourageants, mais leur caractère éphémère sapait rapidement tout élan d’optimisme. C’est également ce qui se produira au cours des prochains mois lorsque la Fed injectera les sommes récemment promises. Puis, au printemps prochain, comme la reprise risque fort de ne pas être au rendez-vous, M. Bernanke tentera à nouveau de nous convaincre qu’une autre expansion monétaire est indispensable pour sortir du marasme. Ce scénario est facile à prévoir, car procéder à un assouplissement quantitatif, c’est signer un pacte avec le diable.

À court terme, on note quelques bonnes nouvelles économiques, lesquelles permettent d’ailleurs aux élus de jouir de brefs instants de glamour politique. Mais ces améliorations sont toujours aussi légères que temporaires, car l’impression de monnaie n’a jamais constitué un moteur de croissance économique. Au contraire, à plus long terme, elle est même carrément garante de troubles économiques infiniment plus sérieux que ceux qu’elle prétendait permettre d’éviter. C’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a réagi à la récente annonce de la Fed en déclarant que celle-ci «ne comprend rien» (clueless).

Il faut dire que les conséquences potentielles d’une injection massive de monnaie sont graves, voire dramatiques. D’une part, le billet vert perdra inévitablement de sa valeur et l’inflation appauvrira substantiellement les Américains. D’autre part, il faut s’attendre à d’importantes perturbations dans le système monétaire international, car les sommes injectées par la Fed migreront vers les pays à forte croissance et pourraient créer des bulles spéculatives et une guerre des devises. Déjà, le Brésil, la Thaïlande, l’Indonésie et la Corée du Sud ont annoncé la possibilité d’adopter des mesures pour lutter contre l’afflux de capitaux chez eux. Les tandems Bush/Bernanke et Obama/Bernanke ont fait des États-Unis un colosse aux pieds d’argile. La semaine dernière, la bulle Obama a éclaté. C’est maintenant au tour de la bulle Bernanke.

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.

* This column was also published in Le Journal de Québec.

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