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Les «retombées économiques» du Dr Julien

Vous avez entendu l’histoire du Dr Julien, ce pédiatre qui aide les enfants défavorisés de Montréal? Il a eu toute la misère du monde à obtenir une subvention du gouvernement pour ses cliniques de pédiatrie sociale. M. Julien a même dû congédier neuf de ses employés parce qu’il n’avait plus un sou.

Comme le blogueur Patrick Lagacé l’a souligné, si le Dr Julien s’appelait Bernie Ecclestone et organisait un Grand Prix, les politiciens auraient bravé mers et mondes pour lui trouver l’argent.

J’aime ce parallèle, pour deux raisons. D’abord, il jette une lumière décapante sur le vrai visage des politiciens. Ces derniers sont humains, comme vous et moi. Comme les gens dans le privé, les politiciens veulent faire progresser leur carrière, détenir plus de pouvoir, avancer dans les échelons, et surtout… se faire réélire. Or un Grand Prix procure au politicien plus de gloire, de bons contacts, son visage dans les journaux avec de belles photos, et surtout, achète plus de votes qu’un projet de «pédiatrie sociale» dont presque personne ne soupçonne l’existence.

Mais surtout, contrairement aux organisateurs du Grand Prix, le pauvre Dr Julien n’avait pas d’argent pour commander l’arme ultime pour vendre un projet ou obtenir une subvention au Québec: l’étude de «retombées économiques».

C’est immanquable: quand un groupe de pression – syndicats, artistes, entreprises, restaurateurs de la rue Crescent… – veut soutirer l’argent des contribuables, il sort une étude de «retombées économiques».

Seul problème: ces études ne sont rien de moins que des fraudes intellectuelles et de la poudre aux yeux.

Le raisonnement est toujours le même: disons que le gouvernement vous donne 20 $ pour votre projet d’écrire un livre. Avec cet argent, vous achetez du papier et des crayons. Le propriétaire de la papeterie reçoit votre 20 $. Il le dépense le lendemain chez le coiffeur. Avec cet argent, le coiffeur achète deux steaks chez le boucher, et ainsi de suite. On additionne toutes ces dépenses et… abracadabra! Votre subvention de 20$ a généré 60 $ de retombées économiques.

Ce que les politiciens oublient commodément de vous dire, c’est que peu importe ce que vous achetez, votre 20 $ génèrera éventuellement des retombées économiques. Si on vous le remettait dans vos poches, vous le dépenseriez et finiriez par engendrer vous aussi des «retombées économiques».

Surtout, les auteurs de ces études font comme si la subvention de 20 $ au départ n’était pas un coût, mais un revenu qui tombe du ciel. (C’est un coût, puisque le gouvernement doit piger ce 20$ dans les poches des autres citoyens). Et à partir de là, ils transforment l’eau en vin!

Le Dr Julien aurait dû engager une firme de relations publiques et présenter un beau document avec une belle reliure. À l’intérieur, une étude démontrerait hors de tout doute ceci:

Le Dr Julien a dû congédier neuf employés à la suite de ses coupes de budget. Donc, avec une subvention, il pourra réembaucher ces gens. Voilà la première «retombée» : neuf emplois à, disons, 50 000 $ = 450 000 $.

Sur ces 50 000 $, un travailleur payera environ 20 000 $ en impôts et taxes. Il dépensera aussi, disons, 25 000 $ (sur une auto, chez le coiffeur, au cinéma, dans les restaurants…) Ces entreprises et leurs employés dépenseront eux aussi une partie du 25 000 $. Ils vont acheter des biens et services ailleurs dans l’économie, et vont aussi payer des impôts et des taxes. Et on peut continuer ainsi… Résultat: le Dr Julien peut clamer sur tous les toits que la subvention va engendrer plus de 1 M$ en «retombées» de toutes sortes! Et des centaines de milliers de dollars dans les coffres du gouvernement. Ta-dam!

Entre cette «science» et la multiplication des pains par Jésus, il n’y a qu’un pas.

D’un côté, les politiciens aiment dépenser l’argent des autres. Ils ont toujours plein de projets qui peuvent les aider à se faire réélire. De l’autre, plusieurs groupes de pression dans la population veulent s’approprier l’argent de vos impôts.

Quand ces deux intérêts se rencontrent, on vous balance un tas d’arguments plus ou moins valides dans les journaux et à la télé pour mieux vous faire accepter le projet en question. Et pour ça, rien de mieux qu’une bonne étude – bidon – de «retombées économiques».

David Descôteaux is an Associate Researcher at the Montreal Economic Institute.

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