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Article 45 of the Labour Code: Original intent has been distorted by the courts

Deux textes d’opinion de Me Guy Lemay, également avocat en droit du travail chez Lavery, De Billy et chercheur associé à l’IEDM, résument bien la présentation faite par son collègue:
• En français: Article 45 – D’abord un problème d’interprétation (Le Soleil, 29 novembre 2003)
• En anglais: The real purpose of Quebec’s labour-law proposals (The Gazette, 3 décembre 2003)

Les travaux parlementaires
37e législature, 1ère session
(début, le 4 juin 2003)

Journal des débats

Commission de l’économie et du travail
Le jeudi 27 novembre 2003, 17 h 00
(non révisé)

Présentation de Me Michel Desrosiers, avocat en droit du travail chez Lavery, De Billy et chercheur associé à l’IEDM, et Patrick Leblanc, directeur des communications à l’IEDM


La Présidente (Mme Lemieux): Nous accueillons des représentants de l’Institut économique de Montréal, M. Desrosiers et M. Leblanc. J’apprécierais que vous puissiez vous identifier. Je vous indique que vous avez une période de 20 minutes pour présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura des échanges avec les députés du côté ministériel et les députés du côté de l’opposition, des blocs de 10 minutes, nous alternerons entre les deux groupes parlementaires. Ça vous convient?

M. Leblanc (Patrick): C’est parfait.

La Présidente (Mme Lemieux): Alors, je vous demande d’abord de vous identifier.

M. Leblanc (Patrick): Mme la Présidente, M. le ministre, bonjour, MM., Mmes les députés. Mon nom est Patrick Leblanc, je suis le directeur des communications à l’Institut économique de Montréal, et j’ai à mes côtés Me Michel Desrosiers qui est chercheur associé à l’Institut économique de Montréal et dont le principal port d’attache est la firme d’avocats Lavery, de Billy à Montréal où il est expert avocat en droit du travail.

Alors, d’abord, j’aimerais remercier la commission de nous avoir invités à témoigner dans le cadre de ces consultations particulières. On apprécie grandement. J’imagine que beaucoup d’entre vous connaissez déjà l’Institut économique de Montréal, on invite tous les députés à tous nos événements publics, et aussi, on vous envoie régulièrement la plupart de nos publications.

Donc, on est un institut de recherche en politique publique, on est un institut indépendant non partisan et sans but lucratif. Notre mission principale est de rehausser le niveau d’éducation économique des Québécois, donc, on explique et on diffuse les principes de base qui sous-tendent l’économie de marché, et on intervient régulièrement dans les débats publics, justement, en appliquant les principes de l’économie de marché à ces problèmes-là.

Comme nos ressources sont assez limitées, on le fait dans quelques domaines précis. Donc, on examine la question du fardeau fiscal et du fardeau réglementaire, on examine aussi la question de la réforme du système de santé au Québec, l’évaluation de la performance des écoles, si vous avez vu le lancement du bulletin des écoles secondaires du Québec il y a quelques semaines, et finalement on examine, un peu moins souvent, les questions de libre-échange et de mondialisation.

On est assez peu intervenus sur la question de la réglementation du travail et de la syndicalisation. En fait, on a publié quelques textes d’opinion, quelques chroniques là-dessus, mais c’est la première fois qu’on fait une intervention, une initiative un peu plus majeure. Mais on la fait de façon assez circonscrite, donc notre intervention est assez… on essaie de bien la délimiter. On s’appelle l’Institut économique de Montréal, mais on a choisi aujourd’hui de ne pas parler nécessairement d’économie ou d’analyses économiques. On savait que d’autres économistes allaient vous faire des présentations et on pensait que notre point de vue ou notre analyse serait plus utile si on se concentrait sur la dimension juridique du problème.

Donc, notre objectif n’est pas de prendre position pour ou contre le projet de loi qui est devant nous, mais c’est d’expliquer, de faire un retour en arrière, de voir quels étaient les objectifs à l’origine de l’article 45. Et donc, ce sera Me Desrosiers qui vous fera la présentation principale, Me Desrosiers qui, avec son collègue Me Guy Lemay, ont examiné la question pour nous. Il y aura sans doute un texte d’opinion de Me Lemay qui sera publié dans les prochains jours dans les journaux et Me Desrosiers, quant à lui, est ici aujourd’hui.

La Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Desrosiers.

M. Desrosiers (Michel): Alors, je vous remercie de cette opportunité-là. Évidemment, comme… je vais tenter de respecter le délai. Comme praticien en droit du travail, la Cour d’appel nous oblige à plaider en 20 minutes. Alors, on va tenter… Ce n’est pas un cours de trois heures comme le Pr Morin.

Alors, évidemment, dans le but de respecter le mandat de l’Institut, c’est de l’information que je vais tenter de transmettre le plus clairement possible à la commission dans un premier temps sur un bref historique de ce qui a au départ amené le législateur à adopter l’article 45 ou son ancêtre, l’article 10a de la Loi de séparation ouvrière, et ensuite une rétrospective qui m’apparaît fort pertinente de l’évolution jurisprudentielle de cette question où toutes les questions qui ont été traitées sur l’article 45 notamment et plus particulièrement la question de concession partielle jusqu’en 2001, jusqu’à la décision de Ivanhoé et ville de Sept-Îles.

Alors, évidemment notre intervention ne vise pas à critiquer l’évolution jurisprudentielle plutôt que de la commenter ou de faire tout de même un constat. Alors, premièrement, sur l’historique, évidemment vous avez probablement déjà entendu ces choses-là aujourd’hui ou hier, mais je pense c’est important. Je pense que, dans le cas présent, le législateur intervient pour répondre à un courant jurisprudentiel. C’est ce que certains prétendent, c’est ce qu’on entend.

Je pense que ce n’est pas nouveau. Le premier article, comme je vous disais tantôt, qu’on appelait l’article 10a de la Loi sur les relations ouvrières répondait aussi à une évolution jurisprudentielle, répondait dans le fond assez clairement à une décision de la Cour d’appel de 1958 dans l’affaire Brown où la Cour d’appel avait décidé qu’une convention collective négociée par un vendeur avec son syndicat ne s’appliquait pas à un acheteur de cette entreprise.

Alors, ce raisonnement était fondé sur un principe de droit civil de la relativité des contrats, c’est-à-dire qu’un contrat n’a d’effet qu’entre les parties cocontractantes. Alors, c’est pour ça qu’en 1961 on a adopté l’article 10a, pour contrecarrer ce courant jurisprudentiel où on visait à faire en sorte qu’un acheteur d’une entreprise respecte la convention collective applicable chez le vendeur.

Tantôt, dans vos échanges, j’ai constaté qu’il y avait eu une question au Pr Morin compte tenu que lui évidemment a vécu cette période-là que, moi, je n’ai pas vécue, et il a parlé de la décision Alcan-Arvida qui est intervenue peu de temps après l’adoption de ce nouvel article là, de l’article 45 à l’époque. Et ce qu’il faut comprendre, c’était effectivement de la sous-traitance interne comme il l’a dit. Et ce qu’il faut aussi comprendre, c’est qu’à l’époque la notion d’entreprise, on appliquait l’analyse fonctionnelle. Vous allez voir avec l’évolution du courant jurisprudentiel. Ce que la Commission des relations de travail à l’époque avait appliqué, c’était l’analyse fonctionnelle, donc avait déterminé si les tâches qui étaient antérieurement effectuées par les salariés d’Alcan se retrouvaient essentiellement chez le sous-traitant et avait conclu à l’application de l’article 45.

Et ça, évidemment ça devient difficile de savoir quel était l’objectif poursuivi au départ par le législateur en 1961. Cette décision-là intervient après et applique une analyse dite fonctionnelle qui a été, à notre avis, mise en veilleuse ou de côté par la Cour suprême en 1988, mais qui dans les faits a été reprise peut-être sous une autre forme – on va le voir tantôt – en 2001 dans l’affaire Ivanhoé et Sept-Îles.

Ce qui est clair par ailleurs, c’est lorsqu’on a adopté effectivement cette loi-là. Et, encore aujourd’hui, on constate qu’il n’y a jamais eu le mot «sous-traitance» ou «sous-contrat» ou tout autre synonyme utilisé dans les différentes dispositions. Et, encore aujourd’hui, comme je vous le dis, dans le texte même de l’article 45, on ne retrouve pas cette notion-là de «sous-traitance».

Quant à l’évolution jurisprudentielle, évidemment en 15 minutes, je n’ai pas l’intention d’être exhaustif. L’article 45 est un article qui a fait couler beaucoup d’encre, qui a fait faire des honoraires à beaucoup d’avocats, qui a effectivement suscité beaucoup de débats et énormément de jurisprudence a été… Beaucoup de décisions ont été rendues, quelques décisions de la Cour suprême sur l’article 45. Si on considère même les autres provinces avec des articles similaires, il y a eu beaucoup de questions soulevées par l’application de l’article 45.

Alors, c’est pourquoi je vais, dans un premier temps, vous parler de l’importance de cette jurisprudence, dans un deuxième temps, de l’arrêt Bibeault en 1988 par la Cour suprême ou l’arrêt CSRO, dépendant comment on l’appelle, la jurisprudence post-Bibeault, comment les tribunaux inférieurs, c’est-à-dire le Tribunal du travail ou les commissaires du travail, ont réagi à la décision Bibeault et, ensuite, les arrêts, évidemment, d’Ivanhoe et Sept-Îles, en 2001.

Donc, sur l’importance de la jurisprudence, comme je le soulignais, il n’y a rien de simple quand on parle de l’article
45 du Code du travail. Ça, on peut tous se mettre d’accord sur ce principe-là. Le texte même de l’article 45 a toujours laissé place à une multitude d’interprétations.

Je pense que c’est important de revenir et je sais que vous l’avez lu fréquemment mais c’est des mots très courts mais qui sont pleins d’incertitude actuellement et qui a amené des tribunaux à se pencher fréquemment. Et, quand on lit le tout début: «L’aliénation ou la concession totale ou partielle d’une entreprise n’invalide aucune accréditation accordée en vertu de la présente loi», donc, vous connaissez la suite. Mais le début de la phrase qui semble assez simple et assez facile à comprendre: «L’aliénation ou la concession totale ou partielle d’une entreprise» a amené, ces simples mots-là, une multitude de décisions et de jurisprudence contradictoire souvent au cours des années.

Alors, les mots-clés, je pense, qu’il faut retenir dans l’introduction ou la première phrase de l’article 45, c’est évidemment les mots «aliénation et concession» et, surtout, à mon avis, le mot «entreprise», parce que c’est de là qu’a découlé l’ensemble des décisions qui ont été rendues, que ce soit au Commissaire du travail, au Tribunal du travail, à la Commission des relations de travail, d’aujourd’hui et, même, les tribunaux supérieurs.

Et je vous le rappelle, comme je vous disais tantôt, on ne parle pas nécessairement de sous-traitance, on parle de concession partielle. Alors, c’est une interprétation jurisprudentielle. De là, je vous disais l’importance de cette jurisprudence-là qui a balisé toute cette question de sous-traitance, malgré l’absence des mots «sous-traitance» dans le texte même de l’article 45.

Alors, dans un premier temps, l’affaire Bibeault ou CSRO, comme praticien, avant de me lancer dans des grandes analyses de cette décision-là, c’est important de voir les faits. J’écoutais tantôt les échanges et on parle de Sept-Îles, on parle d’Ivanhoe, on parle de Bibeault et, souvent, je pense qu’on a tendance à oublier les faits qui ont amené effectivement le tribunal, les tribunaux inférieurs et éventuellement la Cour suprême, à établir ces principes.

Alors, évidemment on était dans l’affaire Bibeault dans le domaine de l’entretien ménager. On sait tous que c’est un domaine très propice à la sous-traitance, où une commission scolaire avait recours au départ à deux sous-traitants pour l’entretien ménager de ses écoles. Chez le sous-traitant, un, la CSN détenait quatre accréditations et chez le sous-traitant 2, elle en détenait deux. Suite à la résiliation des deux contrats de sous-traitance – si je me souviens bien, une grève était intervenue et le contrat entre la commission scolaire et le sous-traitant prévoyait une résiliation du contrat s’ils n’étaient en mesure de donner le service. Donc, face à la résiliation des deux contrats, la commission scolaire a octroyé un contrat d’entretien ménager toujours des mêmes écoles à Services ménagers Roy qui rendait à ce moment-là le service avec ses propres salariés. Évidemment, on parle… il existe, dans le cas présent, de sous-traitance interne. On verra tantôt que ces notions de sous-traitance interne ou sous-traitance externe et même sous-traitance virtuelle sont intervenues après la décision Bibeault, ces des notions qui existaient, qui étaient parfois utilisées mais c’est surtout après la décision Bibeault, à cause des principes dégagés par la Cour suprême, qu’on a comme créé de nouvelles notions pour se dévier peut-être parfois de ce que la Cour suprême avait dit sur la notion d’entreprise.

Donc, si je reviens au niveau factuel de cette décision-là, ce qui est important c’est qu’il n’y avait aucun contrat entre les deux premiers sous-traitants et le troisième, Services ménagers Roy, il n’y avait aucun transfert d’actifs ou de salariés entre les sous-traitants successifs.

Le litige survient du fait qu’un syndicat FTQ recherche l’accréditation des employés de Services ménagers Roy affectés aux écoles et la CSN dépose à ce moment-là une requête en vertu de l’article 45 du Code pour faire constater la transmission de son accréditation et de ses conventions collectives au sous-traitant, Services ménagers Roy. C’est le fameux triangle que vous tous entendu parlé, c’est-à-dire le donneur d’ouvrage, commission scolaire, un premier sous-traitant, un deuxième sous-traitant, est-ce qu’il existe un lien de droit entre les deux.

Alors, c’est cette réalité qu’on avait à décider dans l’affaire Bibeault. Ce qui est, et vous souviendrez qu’à l’époque, le Tribunal du travail avait décidé, en espérant faire un concensus, siéger avec les 11 juges de l’époque du Tribunal du travail, et on s’est rendu compte qu’il y a eu, je crois, de mémoire, six opinions différentes émanant de ces 11 juges, et c’était clair que le Tribunal du travail était divisé notamment et plus particulièrement sur la notion d’entreprise.

Alors ce qui est important à retenir de l’arrêt Bibeault, c’est que la Cour suprême du Canada s’est éloignée, je pense, de façon assez importante de l’analyse fonctionnelle comme critère absolu et a dégagé le principe de l’analyse organique en matière d’application de l’article 45 et de sous-traitance. C’est-à-dire qu’il y avait deux tendances, c’est que les juges du Tribunal du travail, certains disaient: Il faut retrouver sensiblement les mêmes tâches ou les mêmes fonctions du sous-traitant 1, chez le sous-traitant 2, et c’est ce qu’on appelait l’analyse fonctionnelle. Alors, la question qui se posait c’est est-ce que les tâches ou fonctions se retrouvent effectivement chez le sous-traitant n° 2, et c’était ce qui définissait et c’était la faon de définir l’entreprise. Ce qui était donc ce qu’on appelait une analyse fonctionnelle de l’entreprise, c’était donc en termes de tâches ou de fonctions.

Ce que la Cour suprême a dit, c’est que non, ce qu’il faut retenir comme notion d’entreprise, c’est un ensemble suffisamment organisé de moyens qui permettent substantiellement la poursuite en tout ou en partie d’activités précises. Et cette définition, retenue par la Cour suprême 1988, est importante pour comprendre effectivement la modification législative du projet de loi 31, sur droit d’exploitation et autres moyens ou autres composantes de l’entreprise. Donc, c’est clairement ce que la Cour suprême avait dit en 1988.

Donc, ce qu’on doit vérifier maintenant, en 1988, suite à cette décision de la Cour suprême, c’est de se poser la question: Il faut que les assises de l’entreprise se retrouvent en totalité ou en partie chez le nouvel employeur, il faut qu’il y ait une continuité de cette entreprise-là, et il faut donc identifier les éléments essentiels de cette entreprise, que ce soit des éléments physiques: machinerie, bâtiment, équipement. Que ce soit des éléments humains, que ce soit les salariés même, les cadres, la clientèle. Que ce soit des éléments intellectuels, les contrats, les baux, ou autres contrats de même nature. Les éléments juridiques, les brevets, marques de commerces, logiciels, et ainsi de suite.

Donc, il faut regarder ces éléments-là et se poser la question: Est-ce qu’il y a… on en retrouve suffisamment chez le cessionnaire pour… chez le concessionnaire, plutôt, pour pouvoir conclure qu’il y a eu un transfert d’une entreprise. Et donc, la Cour suprême a conclut qu’il n’y avait pas lieu dans ce cas-là d’appliquer l’article 45 du Code du travail, parce qu’il n’y avait pas eu de transfert d’entreprises, d’un sous-traitant à l’autre, et a défini l’entreprise avec cette approche-là dite organique plutôt que fonctionnelle. Et a clairement mis de côté, et je vous citerai un extrait, où on faisait… le juge Beetz faisait référence à la définition donnée par le Tribunal du travail de l’approche ou de l’analyse fonctionnelle, il dit clairement: «Je le dis avec égard, cette définition est erronée. Sa généralité ne permet pas l’identification d’une entreprise précise et mène ainsi à la transmission des droits et obligations dans des situations où on ne retrouve aucune continuité. Par surcroît, la définition dite fonctionnelle donne à l’entreprise une description irréconciliable avec les opérations juridiques mentionnées à l’article 45.»

Donc, il m’apparaissait, je crois, assez clair qu’on avait mis de côté cette approche dite fonctionnelle.

Évidemment, après la décision Bibeault, la terre n’a pas arrêté de tourner, les litiges ont continué, les différents tribunaux, que ce soit les commissaires du travail, Tribunal du travail, Cour supérieure, Cour d’appel, ont eu à se prononcer sur une multitude de situations, particulièrement dans ces cas de sous-traitance, parce que là, en matière sous-traitance, la question qui se posait, c’est comment on identifie maintenant avec cette notion organique…

[…]

… du travail, Cour supérieur, Cour d’appel, ont eu à se prononcer sur une multitude de situations, particulièrement dans des cas de sous-traitance. Parce que là, en matière de sous-traitance, la question qui se posait, c’est comment on identifie maintenant, avec cette notion organique d’entreprise définie par la Cour suprême, s’il y a assez d’éléments qui se retrouvent chez le sous-traitant.

Et ça là qu’on a comme – je ne dirais pas créé – mais donné de l’emphase à différentes notions. On a par exemple parlé de sous-traitance interne, c’est-à-dire lorsque c’est fait dans l’entreprise ou sur le territoire, lorsqu’on parle d’une ville par exemple, de sous-traitance externe. On a même aussi traité de questions d’activités qui n’étaient pas faites par une entreprise, par exemple une entreprise qui ne faisait pas une activité, qui décidait, plutôt que de la faire faire par ses salariés, de la donner en sous-traitance. Et, à ce moment-là, c’est ce qu’on a appelé la notion virtuelle ou la sous-traitance virtuelle. Il faut croire que la Cour d’appel ne nous enseigne pas très bien.

La Présidente (Mme Lemieux): M. Desrosiers… Non, voilà. C’est juste pour vous indiquer qu’il reste à peu près trois minutes…

M. Desrosiers (Michel): Ça va.

La Présidente (Mme Lemieux): … et il y aura des occasions d’échanges. Alors, vous pouvez choisir de nous…

M. Desrosiers (Michel): Oui. Je vais choisir, dans ce cas-là de vous parler de l’affaire Ivanhoe, qui est l’affaire Sept-Îles aussi, dans le fond, qui sont les deux mêmes décisions, et dans ce cas-là, c’est qu’il s’est développé, comme je vous disais, entre 88 et 2001, une jurisprudence assez constante – dans le fond le Tribunal du travail était constant à cette époque-là – pour faire en sorte que l’élément important, en matière de sous-traitance, était le droit d’exploitation. Si le droit d’exploitation se retrouvait chez le sous-traitant, on considérait qu’il s’agissait d’une cession d’entreprise, d’un transfert d’entreprise. Donc, un seul élément, même s’il n’y avait pas d’autres éléments transférés, on considérait que ce seul élément là était suffisant pour que l’article 45 s’applique. Puis quand on regarde comment la Cour suprême a, dans Ivanhoe, défini le droit d’exploitation, c’est le droit d’effectuer des tâches précises à un endroit précis dans un but spécifique. Ça s’approche beaucoup de la définition dite fonctionnelle qui avait été mise de côté en 88.

Qu’on parle d’un glissement jurisprudentiel, on peut parler, tout de même, d’une certaine instabilité entre 88 et 2001, quant aux décisions de la Cour suprême. D’autres vont dire que c’est tout simplement la définition organique qu’on a appliquée en allant chercher l’élément essentiel, qui est le droit d’exploitation. Et, effectivement, on a, à ce moment-là… Mais peu importe la façon où on est arrivé, c’est qu’on est arrivé, en 2001, avec une décision de la Cour suprême, sur un plan très pratique, qui fait en sorte qu’on ferme la porte assez clairement à toute possibilité de dire que la sous-traitance n’est plus visée par l’article 45. Ce que la Cour suprême a décidé dans Sept-Îles et Ivanhoe dit clairement que, si le droit d’exploitation est transféré, il y a application de l’article 45.

Alors, on peut épiloguer et discuter longtemps à savoir si, effectivement, c’est une extension de la définition organique ou si c’est l’analyse fonctionnelle qui revient par la porte d’en arrière, il n’en demeure pas moins que le constat pratique qu’on doit faire, c’est une limitation ou à tout le moins application de l’article 45 dans un cas de sous-traitance. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lemieux): Alors, ça va, pour le moment, M. Desrosiers?

M. Desrosiers (Michel): Oui.

La Présidente (Mme Lemieux): Alors, je vous remercie de votre présentation. M. Leblanc également, je vous remercie. Alors, nous allons aborder la période d’échanges. Une dizaine de minutes du côté du parti ministériel. M. le ministre.

M. Després: Je veux tout d’abord, Mme la Présidente, remercier M. Leblanc, M. Desrosiers pour être venus faire leur présentation ici aujourd’hui. Vous êtes venus – parce que, effectivement, on a l’habitude d’entendre, quand on entend l’Institut économique de Montréal, on a plutôt l’impression qu’ils viennent sur le… pour nous parler d’économie – mais, effectivement, vous avez choisi, aujourd’hui, de venir pour parler de l’aspect juridique. Je pense que vous nous avez fait une présentation qui relate assez bien l’origine de 45, l’importance de la jurisprudence. Vous avez parlé de l’arrêt Bibeault, d’arrêts post-Bibeault. Vous avez rapidement parlé de l’arrêt de Sept-Îles. Ivanhoe, vous n’avez pas eu le temps d’en parler dans votre présentation, mais on sait tous qu’on est dans une situation qui est semblable.

Vous nous avez dit au départ que vous n’étiez pas venus pour parler pour ou contre le projet de loi comme tel, mais au-delà du fait que vous nous avez fait, je pense, une présentation qui présente très, très bien les faits qui… depuis l’origine de l’article 45. J’aimerais, maître, vous poser une question par rapport à… au cas de Sept-Îles. Moi, ce que je veux vous demander – je pense que vous l’avez bien décrit, je ne voudrais pas recommencer nécessairement un exercice que vous êtes capable de faire mieux que moi dans le cas de Sept-Îles. Je vais vous dire: j’ai de la difficulté, parce que l’objectif de l’article 45 est de protéger le droit des travailleurs et ce qu’on veut venir faire dans notre projet de loi, c’est – on utilise souvent le cas de Sept-Îles mais c’est pour s’assurer que le cas de Sept-Îles et bien d’autres cas qui pourraient s’étendre – de venir corriger cette situation-là. Nous, on est convaincus qu’au sens du législateur, lorsque l’article a été écrit, qu’il n’y avait pas de différence faite dans le transfert du droit des travailleurs entre une concession d’activités qu’elle soit interne ou externe.

Je me demande à qui a profité la situation, par exemple, dans le cas de Sept-Îles où, au-delà du cadre du Code du travail, il y a des conventions collectives? On cède une activité, la convention est respectée parce que les employés qui faisaient cette activité sont replacés dans l’organisation du monde municipal, sans perte d’emplois, sans perte de salaires. On cède une activité à un sous-traitant extérieur puis, parce qu’il exploite le site d’enfouissement parce qu’il doit aller porter des ordures quelque part dans la municipalité, on décide de transférer l’accréditation et les conditions des cols bleus. Moi, je pense qu’il y a quelque chose qui est difficile à comprendre puis qui n’est pas tout à fait, tant qu’à moi, normal, parce que je me demande, au sens où on est venus protéger les droits des travailleurs dans ce cas-là, qu’est-ce qu’on a voulu protéger? Je pense que le droit des travailleurs était effectivement protégé, parce qu’ils avaient une convention collective avec des clauses précises qui traitaient de la sous-traitance. On cède une activité, il n’y a rien, il le fait avec ses équipements, avec son personnel et, lorsqu’on parle de glissement jurisprudentiel, c’est ça ce genre de situation qu’on veut venir corriger dans notre projet de loi, pas juste celui-là, tous ceux à qui ça pourrait s’étendre: Ivanhoe en est un, puis il va y en avoir bien d’autres au fil du temps si on ne corrige pas la situation, ce qui fait que la législation est écrite d’une façon différente dans les autres provinces mais c’est permis aussi.

Moi, je voudrais savoir de votre part à qui, dans un jugement comme celui-là, a pu profiter le fait que 45 s’applique? Parce que je pense que les droits des travailleurs du monde municipal ont été protégés. Si on laisse ça comme ça, il n’y a plus aucun profit pour la municipalité de donner une activité en sous-traitance tout en respectant le droit des travailleurs.

La Présidente (Mme Lemieux): Alors, merci, M. le ministre. M. Desrosiers.

M. Desrosiers (Michel): Alors, évidemment, de la façon dont vous posez la question, de fait, les salariés étant été affectés ou maintenus en emploi à la ville de Sept-Îles malgré le transfert de certaines activités, je pense que, effectivement, on ne peut pas prétendre qu’ils en ont subi un préjudice.

Mais, ce qui m’apparaît aussi important de souligner, comme praticien en droit du travail, on se fait souvent poser la question sur l’impact de l’article 45 du Code du travail et, souvent, on doit informer nos clients sur le fait que la contrainte parfois la plus importante ou une contrainte aussi importante, je dirais, découle l’application même de leurs conventions collectives.

Il y a deux choses, la convention collective, et particulièrement les causes de sous-traitance, vise à réglementer le droit de l’employeur ou à restreindre le droit le l’employeur d’octroyer des contrats de sous-traitance, tandis que l’article 45 vise à prévoir les conséquences si, effectivement, il y aura droit à un contrat ou d’un sous-contrat. Et que ce soit par les conséquences ou que ce soit par une interdiction même conventionnelle prévue dans une convention collective, ça amène une restriction au droit de gérance de l’employeur dans ce contexte-là.

Et je vous dirais que, effectivement, de laisser le soin aux parties de négocier ensemble suivant un rapport de force qu’ils ont, tantôt on parlait de… j’écoutais les débats où on parlait de l’effet de maintenir une convention collective lorsqu’il aurait une concession partielle applicable, évidemment, on ne peut pas oublier que, si pendant une période de 12 mois un sous-traitant vit avec une convention collective qui lui est imposée par l’effet de l’article 45 son rapport de force après peut être différent et difficile avec un syndicat de venir prétendre qu’il ne peut pas vivre avec ces conditions de travail là, l’ayant vécu pendant 12 mois.

Alors, tout ça est une question de négociation de la restriction de donner des sous-contrats et aussi des conséquences dans l’octroi du sous-contrat. Quand on disait tantôt que c’est une question de négociation, oui, mais ceux qui négocient savant que l’article 45 existe. Alors, est-ce que, effectivement, on négocie une convention collective en sachant qu’il nous sera de toute façon difficile d’octroyer des sous-contrats, et ça devient peut-être moins grave d’inclure une clause restreignant le droit de l’employeur? Alors, tout ça est difficile, c’est bonnet blanc, blanc bonnet à savoir: Est-ce que les négociateurs, sachant ce que l’article 45 crée comme conséquences vont de toute façon accepter des clauses? Alors, évidemment, l’ouverture que le projet de loi va permettre va faire réagir des négociateurs autant du côté syndical que patronal d’une façon différente parce que les conséquences vont être différentes.

La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Desrosiers. M. le ministre.

M. Després: Je vais vous poser une autre question: Êtes-vous d’accord que le projet de loi que l’on dépose respecte les fondements du Code? Et comme vous venez de dire, ça va effectivement, comme ça se fait toujours, c’est-à-dire une négociation: un, le droit d’association est respecté dans les modifications qu’on apporte; deux, le droit de négociation existe toujours, et c’est ce que je répète constamment, les parties pourront décider elles-mêmes des clauses qu’elles mettent. Le Code du travail peut influencer la négociation mais, au bout de la ligne, ce sont les parties qui vont décider de ce qu’elles mettent dans leurs conventions collectives. Est-ce que les fondements du Code sont respectés dans le projet de loi qu’on dépose?

La Présidente (Mme Lemieux): M. Desrosiers.

M. Desrosiers (Michel): De ce que j’en comprends, lorsqu’il y aura une concession partielle où effectivement l’article 45 va s’appliquer, la convention collective est réputée expirée, et donc il y a un mécanisme de négociation entre les parties qui va effectivement se mettre en branle avec un délai pour l’exercice du droit de grève et l’exercice du rapport de force à ce moment-là.

Par expérience purement pratique, il arrive des situations où effectivement un sous-traitant ou même parfois j’ai eu des situations d’entreprise, deux entreprises importantes, mais qui prenaient qu’une partie des opérations de l’autre entreprise et se retrouvaient avec une convention collective applicable pour 1 000 ou 2 000 employés dans un groupe qui était transféré de 50 ou 60 employés avec des clauses qui étaient difficilement applicables ne serait-ce que, par exemple, au niveau des activités syndicales, au niveau de la libération des membres du syndicat. Bien, ça devient difficile de prévoir par exemple pour un groupe de 50, 60 employés la logique d’avoir un président de syndicat libéré à temps plein alors que c’est possible pour une entreprise de 1 000 ou 2 000 employés. Alors, l’ajustement et la négociation devraient permettre à tout le moins de faire ces ajustements-là. C’est ce que j’en comprends des modifications proposées dans le projet de loi.

La Présidente (Mme Lemieux): Il reste quelques minutes, ça va? Alors, nous irons du côté de l’opposition. M. le porte-parole.

M. Arseneau: Oui. Merci beaucoup. Mme la Présidente, je veux à mon tour souhaiter la bienvenue à M. Desrosiers et M. Leblanc, de l’Institut économique de Montréal. D’abord, je dirais, Mme la Présidente, que, moi aussi, comme le ministre, j’ai été un peu étonné, puisque toute la présentation que vous nous avez faite a porté sur les aspects très juridiques, alors que l’Institut économique pourrait prétendre qu’il va être question d’économie. Je comprends votre point de vue.

Maintenant, si j’essaie de me placer du point de vue du citoyen qui a écouté votre présentation ou du travailleur ordinaire qui voit ce qui se passe et tout le brouhaha actuellement qu’il y a autour du débat qu’on fait, je me demande qu’est-ce qu’il a compris. Moi, je vous dis tout de suite, je ne suis pas un spécialiste puis j’essayais de voir… Plus ça avançait, votre démonstration, bien on est passé d’une conception fonctionnelle, conception organique, il y a un glissement donc puis après ça un retour à une conception fonctionnelle. C’est ce que vous prétendez dire, mais ce n’est pas trop sûr. À la fin, vous sembliez peut-être moins convaincant ou moins convaincu.

Dans le cas de Sept-Îles, la décision de la Cour suprême, est-ce que c’est toujours… Et je ne pensais pas qu’on parlerait autant de la Cour suprême. De plus, dans le cas de Sept-Îles… Non, mais c’est vrai là. Dans le cas de Sept-Îles, j’ai le jugement, M. le ministre, ici. Et regardez qu’est-ce qu’on, qu’est-ce qu’on nous dit. C’est très clairement écrit noir sur blanc en anglais et en français: «De plus, les décisions du commissaire et du tribunal en l’espèce ne constituent pas un retour à une conception fonctionnelle de l’entreprise. Au contraire, les décideurs spécialisés ont cherché à identifier les éléments essentiels de la partie d’entreprise concédée en tenant compte de sa nature et de l’importance respective de ses diverses composantes. Cette approche est conforme à la conception de l’entreprise adoptée par notre Cour – c’est la Cour suprême – dans l’arrêt Bibeault.»

Est-ce que je comprends bien? C’est que ce que vous nous dites finalement c’est qu’il n’y a pas vraiment eu de glissement de la jurisprudence, mais que vous n’êtes pas content comme le législateur actuel n’est pas vraiment content de la décision de la Cour suprême. Ça ne fait pas votre affaire, ça ne fait pas l’affaire que cette décision que le législateur qui aujourd’hui n’est pas d’accord avec le jugement Sept-Îles et Ivanhoé que vous n’avez pas pu nous expliquer.

Alors, ma question – je ne sais pas si j’ai bien compris, vous pouvez ne pas être d’accord avec mon analyse, mais – selon vous: Est-ce que le libellé du projet de loi n° 31 qui dit: La plupart des éléments caractéristiques fait simplement en sorte d’empêcher un autre Sept-Îles ou bien est-ce qu’il va beaucoup plus loin et que mon travailleur ou ma travailleuse ordinaire a raison d’être inquiet?

La Présidente (Mme Lemieux): M. Desrosiers.

M. Desrosiers (Michel): L’effet du temps ne m’a peut-être pas permis d’être convaincant à la fin lorsque j’ai parlé de ces décisions-là, mais le but, c’est d’informer, ce n’est pas nécessairement de convaincre, comme mon collègue vous l’a dit au début. Écoutez, on pourrait en parler longuement et je pense que chacun peut avoir son opinion, à savoir c’est-u un glissement jurisprudentiel? Est-ce qu’on est d’accord? Est-ce qu’on n’est pas d’accord? Ce qui est clair, c’est que la Cour suprême avait, en 1988, défini ou donné une recette pour définir l’entreprise. Ce que la Cour suprême dit, en 2001, c’est que le droit d’exploitation, jumelé à retrouver les fonctions chez le sous-traitant, parce qu’il y a quand même ça qu’il ne faut pas oublier non plus, est suffisant pour rencontrer la recette de la définition donnée en 1988. Il est certain qu’ils vont prétendre que c’est un retour, comme je disais tantôt, à l’analyse fonctionnelle, parce que dans le fond, lorsqu’on définit le droit d’exploitation, comme vous le disiez tantôt, c’est très près et évidemment, on n’a que des mots, là, pour se préciser des choses, mais c’est avec ça qu’on travaille. Alors, on était très près effectivement de l’analyse fonctionnelle.

Mais tout simplement, c’est que ce soit implicitement jurisprudentiel, que ce soit une décision bien fondée ou mal fondée, chacun peut avoir son opinion. C’est clair, c’est que, si je regarde le troisième paragraphe de l’article 45, tel que proposé par le projet de loi, on vise, à mon avis, à restreindre ou de venir limiter ce que la Cour suprême est venue dire à nouveau que le droit d’exploitation ou les fonctions qu’on retrouve, si ce n’est que ça, et que, la plupart des autres éléments ne sont pas transférés, il n’y a pas application de l’article 45. Alors, je vous dirais, sans vouloir éviter votre question, peu importe le raisonnement juridique, qu’il soit bien ou mauvais, qui a amené la Cour suprême, en 2002, à décider, c’est que la réalité – et c’est pour ça que je concluais de cette façon-là – la réalité, c’est que ça fait en sorte que le droit d’exploitation se retrouvant et des fonctions se retrouvant chez le sous-traitant, c’est suffisant, à la lumière de la définition de 1988 organique, pour conclure à l’application de 45.

Alors, je ne crois pas que c’est exclusivement pour Sept-Îles, ça peut être pour d’autres situations. Ça l’est pour Ivanhoe, qui est une entreprise privée dans ce cas-là, mais toutes les situations où on retrouvait chez le sous-traitant que le droit d’exploitation ou des fonctions similaires, et ça, des cas, il y en a eu entre 1988 et 2001 à tout le moins une centaine de situations. Il y a en a eu dans le secteur public, il y a en a dans le secteur privé. Mais c’est toujours par ailleurs sur la même question de droit, c’est-à-dire le transfert du droit d’exploitation.

La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Desrosiers. M. le porte-parole.

M. Arseneau: Merci, Mme la Présidente. Il faudrait voir… Vous dites ça empêche juste un autre Sept-Îles. Il faudrait voir s’il n’y a pas d’autres façons ou si on n’aurait pas pu voir les impacts. Je veux vous amener sur un autre sujet. Vous plaidez… En fait, ce que vous nous dites, en début…

La Présidente (Mme Lemieux): … M. le député.

M. Arseneau: Mais c’est un avocat, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lemieux): Je fais une blague, là. Il nous a dit qu’il avait l’habitude à la Cour d’appel, alors il échange avec vous.

M. Arseneau: Écoutez, c’est parce qu’on a eu un économiste qui nous a fait une démonstration, une preuve circonstancielle, un avocat qui nous a parlé d’économie. On a actuellement un institut qui nous parle de droit et, moi, je prétends que tout le monde plaide dans cette Assemblée, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lemieux): Alors, allez-y, M. le porte-parole.

M. Arseneau: Alors, au début de votre présentation, vous avez abordé et vous avez fait mention de toute l’incertitude qui plane autour de la question juridique entourant l’article 45. Mais, ce que j’aurais aimé que vous nous disiez et ce que j’aimerais que vous nous commentiez à tout le moins, c’est, dans le projet de loi n° 31, vous ne dites pas un mot sur l’utilisation par exemple, d’une expression comme la plupart. Quand on sait que, bon, vous êtes un avocat et j’ai vu à quelque part, Mme la Présidente, que cette expression «la plupart» n’avait été utilisée que deux fois dans toutes les lois adoptées par cette Assemblée. C’est quand même un terme qui est assez flou. Moi, j’étais dans les conventions collectives puis peu ou doit, il y a une grande différence et «la plupart» est un mot qui n’est pas très, très précis. Alors, ma question s’adresse aux économistes, à l’économie: Si on reconnaît que l’expression ou une expression comme «la plupart» pourrait annoncer une longue période d’incertitudes et d’inquiétudes et une période faste pour les avocats, je le conçois, parce qu’il y aura des contestations, mais pour les travailleurs, pour les travailleurs et les travailleuses, l’objet de l’article 45, ce sont eux et elles.

Alors, cette période d’incertitudes, moi, je vais vous dire, pour moi, ma base, là, l’économie, même pas 101, vous savez, secondaire V, c’est qu’un des premiers facteurs en économie, c’est la confiance. Alors, je me dis: Cette période d’incertitude ne risque-t-elle pas de causer plus de problèmes aux travailleurs et aux travailleuses et à l’économie du Québec que les emplois circonstanciels qui pourraient être créés?

La Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Desrosiers, j’oserai dire: Bonne chance.

M. Desrosiers (Michel): Alors, je vais répondre comme avocat et non pas comme économiste. Écoutez, je dis toujours aux clients que le mot «raisonnable», par exemple, quand on retrouve ça dans une loi, est sujet à beaucoup d’interprétation. C’est vrai que, bon, là plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d’entreprise visée peut amener, effectivement, à de l’interprétation jurisprudentielle qui va se développer. Je ne suis pas devin pour savoir est-ce que ça va être une incertitude telle que ça va créer un chaos ou, en tout cas, je ne peux pas présumer, j’aurai probablement à le plaider moi-même devant les tribunaux.

C’est clair qu’on joue avec des mots, c’est clair que la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d’entreprise visée est-ce qu’on doit y aller sous le quantitatif? Est-ce que c’est le nombre d’éléments? La Cour suprême disait en 1988 qu’il y a des éléments qui constituent l’entreprise qui sont plus importants que d’autres. Lorsqu’on a défini «notion organique d’une entreprise», est-ce que c’est la qualité de ces éléments-là qu’on devra considérer pour voir si la plupart des éléments se retrouvent chez le sous-traitant? Alors, effectivement, tout mot qu’on va retrouver dans une loi, dont ceux-là, va amener probablement les tribunaux à se pencher sur cette question-là et à rendre des décisions. Pendant combien de temps? Suivant quelle incertitude? Suivant quelle stabilité? Est-ce que les tribunaux vont se mettre d’accord rapidement pour avoir une tendance jurisprudentielle qui va être claire? J’avais déjà dit à un tribunal que faire de la jurisprudence ça prend une décision au départ, ensuite ça en prend quelques-uns qui vont suivre et la tendance est faite. Est-ce que ça va être ça? Je n’en ai aucune idée.

La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Desrosiers. M. le porte-parole du côté ministériel, on ne me signifie pas un désir d’intervenir, alors je vais continuer de ce côté-ci quelques minutes?

Mme Doyer: Oui, quelques minutes. D’abord, bonjour, M. Leblanc, M. Desrosiers. J’ai souvent été en commission et entendu l’Institut économique de Montréal par rapport à plusieurs sujets. Moi, effectivement, je vous trouve très prudents, vous êtes très sur les constats, la description, l’historique, mais on a de la difficulté à cerner vos opinions sur ce qu’on est en train de faire. Alors, bravo pour la prudence. Mais moi, j’aimerais ça que… parce que tantôt, M. Fernand Fortin est venu nous dire que…

Une voix: Morin.

La Présidente (Mme Doyer): Fernand Morin. Morin? Fernand Morin. C’est M. Pierre Fortin, ensuite M. Fernand Morin est venu nous dire que depuis les dernières modifications apportées à l’article 45, on avait eu 12 décisions depuis un an et demi qui avaient été comme rendues, et il y avait eu des constats d’entente entre les parties. Alors, la question, c’est: Qu’est-ce qui fait en sorte, là, qu’on a besoin de ça, actuellement? Parce que l’Institut économique de Montréal vous faites quand même des analyses macro-économiques, micro-économiques, vous êtes dedans à l’année longue, là, alors qu’est-ce que vous avez à dire sur le fait qu’on a besoin de ça, actuellement, pour améliorer les – comment je dirais ça – la création d’emplois au Québec?

Parce que, d’un autre côté, on a eu… d’un côté, on en a eu plusieurs qui sont venus nous transmettre les inquiétudes, des groupes, des personnes, même des experts ont dit: Prudence, prenez le temps, parce qu’on a… et d’un autre côté, ils ont dit: Vite, ça nous prend ça, il faut créer de l’emploi, la sous-traitance va nous faciliter les choses. Voilà.

La Présidente (Mme Lemieux): M. Leblanc.

M. Leblanc (Patrick): Bien, écoutez, oui, nous à l’Institut économique de Montréal, on est là pour lancer des débats, susciter des réflexions, donc, et c’est ensuite aux politiciens et aux législateurs à décider ce qui est bon, ce n’est pas nous qui faisons cette analyse-là, et on ne la fera pas aujourd’hui ici. Effectivement, peut-être, parce que le temps était restreint, on n’a pas nécessairement clairement indiqué quel était notre objectif, mais on le fera par écrit et, de toute façon, on va vous envoyer, comme on le fait toujours, les textes qu’on produit, que ce soit les études ou les textes d’opinion.

Mme Doyer: Mais, lorsque nous avons passé quatre jours, avec ma collègue, député de La Pinière, sur toute la question du logement social et abordable, vous avez donné abondamment et sur tous les sujets votre opinion, vous n’avez jamais eu peur de donner votre opinion, vous étiez pour une déréglementation très avancée au niveau du prix des loyers, par exemple. Alors, moi, c’est ça, j’aurais aimé avoir une vision un petit peu plus étoffée sur les points positifs ou négatifs reliés aux modifications qu’on vote ici.

La Présidente (Mme Lemieux): M. Leblanc.

M. Leblanc (Patrick): Oui, écoutez, sur certains dossiers, on s’avance davantage, sur d’autres, on choisit d’être plus prudents. Je pense que, si vous avez entendu M. Fortin et d’autres économistes, il y a différentes études qui ont circulé. Effectivement, d’un point de vue économique, la flexibilité qui serait accordée aux entreprises serait une bonne chose, mais comme je vous ai dit, au départ, on a choisi de délimiter notre intervention à la dimension juridique plutôt qu’à la dimension économique, mais il est clair que plus de flexibilité en matière de sous-traitance serait sûrement créateur… favoriserait la création d’entreprises et directement la création d’emplois en bout de ligne.

La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Leblanc. Je vous indique que, si jamais vous voulez que l’ensemble des députés soit saisi de textes ou d’information particulière, le meilleur véhicule pour ce faire, c’est le Secrétariat de la commission qui va se charger de transmettre l’information à l’ensemble des députés.

Alors, il reste quelques minutes du côté ministériel. M. le ministre, si vous voulez vous exprimer….

M. Després:

La Présidente (Mme Lemieux): Oui, il lui restera du temps après.

M. Després: Après moi, quand le député…

La Présidente (Mme Lemieux): Non, non. M. le ministre, il y a du temps disponible pour le parti ministériel, ce temps est disponible maintenant. On s’est entendu sur l’alternance, alors c’est maintenant que vous pouvez utiliser votre temps.

M. Després: Ça va être très bref, M. le Président, tout simplement pour remercier les gens de l’Institut économique de Montréal d’être venus ici en commission parlementaire, et comme la président vous l’a invité, si vous avez toute autre information pertinente, ça pourrait bien servir les députés de l’Assemblée nationale. Merci.

La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. le ministre. Est-ce que du côté de l’opposition, il y aurait encore… M. le député de René-Lévesque. Il reste six minutes. Alors, M. le député de René-Lévesque et, par la suite, le porte-parole. M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Leblanc, M. Desrosiers, bienvenue à l’Assemblée nationale. Alors, j’ai posé une question hier – on a vu tellement de groupes, là – mais je vais vous la reposer pour avoir votre avis. Parce que M. Morin, votre prédécesseur, parlait qu’il y a eu une question sur le fait que, est-ce que l’article, tel que libellé, il porte à confusion et réglerait le conflit Sept-Îles et rajoutons-en Ivanhoe. Alors, dans l’analyse fonctionnelle et l’analyse organique que vous avez parlé tout à l’heure, si on revenait à l’interprétation de 45 par rapport à l’analyse fonctionnelle, est-ce que ça règle des symptomatiques comme il y a eu à Sept-Îles, Ivanhoe et peut-être autres?

La Présidente (Mme Lemieux): M. Desrosiers.

M. Desrosiers (Michel): Oui. Écoutez, ce n’est pas une question de choisir l’analyse fonctionnelle ou organique. C’est l’analyse organique que la Cour suprême avait choisie en 1988, et c’est ce qui a été maintenu par la Cour suprême en 2001, comme j’ai répondu tantôt au député…

Une voix:

M. Desrosiers (Michel): C’est ça. Et ce que fait la disposition, troisième paragraphe de 45, c’est de faire en sorte que, si comme la Cour suprême l’a dit dans ces décisions-là, que le droit d’exploitation ou que les fonctions… que ça n’est transféré, et que les autres éléments ne le sont pas, il n’y a pas application de l’article 45. Alors, ça répond, je pense, assez clairement à cette réalité que la Cour suprême a établie dans la décision de Sept-Îles et Ivanhoe.

La Présidente (Mme Lemieux): Alors, ça va, M. le député de René-Lévesque? M. le porte-parole, député Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci, Mme la Présidente. J’aurais une courte question. J’aurais aimé qu’on ait beaucoup plus de temps pour aller… il y a beaucoup d’aspects que j’aurais aimé aborder, mais vous avez voulu répondre comme un avocat et un conseiller, c’est ce que vous êtes aussi. Alors, vous devez conseiller des clients, vous êtes un avocat, si je vous donne un cas, comme on fait dans un exemple ou un problème. Si on adopte le projet de loi n° 31, tel quel, demain matin, supposons, là, qu’on serait généreux pour le ministre, ce n’est pas vraiment notre intention, mais on verra, qu’est-ce que vous allez conseiller à votre client qui veut recevoir un contrat de sous-traitance mais qui ne veut pas de l’accréditation syndicale?

La Présidente (Mme Lemieux): M. Desrosiers.

M. Desrosiers (Michel): De respecter la loi. Une réponse d’avocat.

La Présidente (Mme Lemieux): Réponse assez sympathique, M. Desrosiers, surtout venant d’un avocat.

Mme Doyer: C’est la réponse d’un avocat…

M. Arseneau: Alors, pourquoi vous ne voulez pas respecter une décision? Pourquoi on ne veut pas respecter les décisions de la Cour suprême?

La Présidente (Mme Lemieux): M. Desrosiers.

M. Desrosiers (Michel): Bien, écoutez, on respecte les décisions de la Cour suprême. Si cette décision-là fait encore jurisprudence et que le projet de loi n’est pas adopté, tout le monde va respecter la décision de la Cour suprême, c’est ce qu’on fait actuellement. Alors, si le projet de loi est adopté tel que je le lis actuellement, bien, c’est évident que cela devient un courant nouveau par rapport à ce que la Cour suprême a décidé en 2001 et on devra s’adapter à cette nouvelle situation-là.

Alors, pour répondre à votre question, juste pour être un peu plus précis, évidemment on ne pourra pas conseiller les gens parce qu’il y a quand même toujours une disposition dans le projet de loi de faire une transaction ou de faire un «move», si vous me permettez l’expression, pour empêcher la syndicalisation ou pour faire en sorte qu’effectivement on se débarrasse, entre guillemets, d’un syndicat. Parce que ce n’est pas ça l’objectif d’appliquer correctement une loi et de respecter les autres fondements prévus au Code du travail. Et ça, je vous dirais, comme praticien, on a toujours avantage – et c’est ce qu’on fait – à conseiller nos clients de respecter la loi. C’est pour ça qu’au départ je vous disais il faudrait qu’on la respecte.

La Présidente (Mme Lemieux): Il reste à peine une minute mais vous pouvez…

M. Arseneau: Juste quelques mots pour remercier M. Leblanc et M. Desrosiers. Je sais que ma dernière question est à toutes fins particulière. Ça fait trois jours, là, qu’on est intensément sur le projet de loi n° 31. Mais je voudrais juste les remercier et faire le commentaire que finalement je me rends compte que c’est un autre avocat qui ferait un très bon politicien.

La Présidente (Mme Lemieux): Et j’imagine que cette remarque n’était pas du tout mal intentionnée, M. le député.

Une voix: Pas du tout.

La Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Desrosiers, M. Leblanc, je vous remercie pour votre présentation et votre présence.

Je rappellerai à nos amis députés et aux gens aussi qui suivent ces travaux que ce soir nous entendrons le Barreau du Québec, la Fraternité des policiers et policières de Montréal conjointement avec la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, ainsi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, je suspends donc les travaux jusqu’à ce soir 20 heures pile. Merci.

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