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Pour une cohabitation des points de vue de l’élève, du parent et du personnel de l’école sur la réussite en éducation

Présentation de Richard Marceau, chercheur associé de l’IEDM et co-auteur du Bulletin des écoles secondaires du Québec, lors du Colloque de l’Association des cadres scolaires du Québec, le 27 novembre 2002 à Québec.

Pour une cohabitation des points de vue des élèves, des parents et du personnel de l’école sur la réussite en éducation

Si le débat sur la définition de la réussite de l’élève n’est pas prêt de se terminer, le Bulletin des écoles secondaires en soulève un autre tout aussi puissant par le simple fait de calculer un indice de performance des écoles à même les résultats des élèves aux épreuves uniques du ministère. La production du Bulletin présuppose donc une conception de la réussite scolaire. Quelle est donc cette conception de la réussite des écoles? Est-elle en harmonie avec celle du ministère? Quels en sont les fondements? Le Bulletin est-il à la remorque du ministère dans la mesure de réussite? Pourquoi chercher à quantifier cette performance? Pourquoi la mesure de performance est-elle relative? Pourquoi le Bulletin force-t-il la comparaison entre écoles? Pourquoi l’indicateur de performance des écoles ne tient pas compte des conditions d’exercice et des clientèles scolaires? Pourquoi les auteurs affirment-ils que l’on peut tenir compte de ces conditions dans l’interprétation des résultats? Pourquoi diffuser publiquement ces résultats? Notre contribution au 10e Colloque de l’ACSQ, dans ce passionnant débat sur la réussite scolaire, consistera à préciser les fondements de ce rapport sur les écoles en répondant à ces délicates questions. Nous verrons que la réussite prend un sens différent pour l’élève, le parent ou le personnel de l’école. Nous en examinerons les implications pour la mesure de la réussite. Nous concluerons sur la nécessité de la cohabitation de ces perspectives.

Réussite des élèves et réussite des écoles: deux perspectives indissolublement liées

À titre de chercheur en administration publique préoccupé par l’efficacité et l’efficience des organisations publiques, il me faut aborder la question de la réussite des élèves avec beaucoup d’humilité. Avec la même humilité d’ailleurs dont nous faisons part dans l’évaluation de toute autre organisation publique. Chaque organisation publique fait face à des problématiques d’intervention spécialisées faisant appel à des expertises tout aussi spécialisées. En contrepartie, il m’apparaît que le spécialiste en administration publique a beaucoup à offrir en complément aux experts sectoriels en posant des questions assez universelles sur la gestion publique et en utilisant des méthodologies rigoureuses et adaptées. Il m’a semblé que les réflexions sur nos organisations publiques bénéficient toujours de la collaboration de ces deux expertises.

Il en va de même en éducation. Les dimensions de la réussite des élèves sont nombreuses, évolutives et en partie insaisissables. Elles sont un terrain propice au développement d’une expertise particulière certainement bien représentée ici ce soir.

De la même manière, la problématique de la réussite des écoles, des organisations scolaires, fait appel à des notions spécialisées, pas toujours transparentes, et de nombreuses méthodologies qui ne se prêtent pas facilement à des opérations de communication de masse.

La problématique de l’efficacité et de l’efficience de l’école passe pourtant par une association entre la réussite des élèves et celle de l’école. La juxtaposition des expertises est essentielle à un diagnostic précis des organisations scolaires, même si elle n’est guère naturelle, même à l’Université. Au sens le plus large du terme, la mission de l’école est, selon moi, d’assurer la réussite des élèves qui lui sont confiés. La mesure du succès de l’école passe alors forcément par la mesure du succès des élèves. Les deux mesures sont profondément associées. Toute autre définition opérationnelle de la performance de l’école qui n’utilise pas directement la réussite de l’élève est insatisfaisante. La perspective de la performance des écoles s’alimente directement à la perspective de la réussite des élèves.

Quelle définition de la réussite des élèves utilise-t-on dans le Bulletin?

Le Bulletin des écoles secondaires utilise à la base les mesures de réussite des élèves du ministère de l’Éducation. Les épreuves uniques sont des instruments de mesure sophistiqués, appliqués à l’ensemble de la clientèle scolaire. Les tests sont pris avec grand sérieux puisqu’ils sont des conditions d’obtention du diplôme. Les programmes et les activités d’enseignement sont conçus en bonne partie pour répondre aux exigences de ces épreuves uniques. Comparativement aux données disponibles dans les autres secteurs d’intervention du Gouvernement du Québec, les épreuves uniques du secondaire constituent des instruments extrêmement sophistiqués, précis, fiables et valides. Les coûts relatifs à ces mesures me sont inconnus mais plausiblement élevés: elles en valent certainement le prix. Il s’agit d’un magnifique observatoire sur ce qui se passe à l’école. S’en priver comme citoyen, parent ou enseignant, serait irrationnel et irresponsable.

La présence de ces données de grande qualité a conditionné le choix du secteur de l’éducation pour un premier bulletin de performance des organisations publiques. Si le secteur de la santé avait été plus mûr à cet égard, il aurait peut-être fait l’objet d’un bulletin de santé!

Cependant, je suis sensible aux critiques qui sont faites à l’égard du Bulletin quant au caractère restrictif des mesures. Ces critiques d’ailleurs sont faîtes depuis longtemps auprès du ministère de l’Éducation. Comme parent, mes attentes face à l’école touchent d’autres aspects que la réussite des matières couvertes par les épreuves uniques. Le développement équilibré de la personnalité de mon enfant, son jugement, son esprit d’entreprise, son attitude au travail et ses relations avec son entourage m’apparaissent quelques-uns des éléments qui échappent à ces mesures systématiques de la réussite des élèves. Peut-être y aurait-il lieu de revoir en profondeur la nature de ces épreuves ou de proposer des cueillettes de données sur d’autres dimensions fort importantes de la vie des élèves? J’y vois cependant deux conditions à ce réexamen: 1) les mesures de réussite devront inclure sous une forme ou sous une autre les compétences ou connaissances faisant déjà l’objet des épreuves uniques et 2) elles devront permettre la comparaison directe entre élèves. Je pose la première condition pour éviter les syllogismes qui nous conduiraient à ne mesurer que des éléments périphériques aux comportements désirés en fin de secondaire. La seconde condition vise à éviter les mesures non quantitatives qui peuvent conforter momentanément mais qui créent à long terme des illusions frustrantes et coûteuses. Pourtant la tentation est forte de restreindre la comparaison.

La perspective des élèves

Je conclurai cette section par un examen du sens que peuvent ou doivent donner les élèves à la réussite. Dès les premières années d’études, les parents, tout en supportant leurs enfants dans leur cheminement, doivent chercher à les responsabiliser quant à leur réussite scolaire. Les élèves doivent bâtir leur propre autonomie dans la recherche de leur réussite. Ils doivent devenir responsables de leur succès ou de leur échec. La mesure de leur réussite se lira dans les indicateurs que le système scolaire leur fournira. Leur bulletin leur retournera une image d’eux-mêmes et meilleurs seront les indicateurs, meilleure sera la lecture qu’ils feront de leur réussite. Et ils devront réagir en conséquence.

Mais là s’arrête leur responsabilité. Ils ne portent pas la responsabilité de la réussite de leur école. Ils n’ont pas à évaluer et à juger la compétence et la performance de leurs enseignants et des cadres scolaires, même s’ils ont le droit d’y réfléchir. Leur responsabilité les renvoie à la seule mesure de leur réussite personnelle. Cette mesure conditionnera cependant la lecture que feront également les parents et le personnel de l’école de la réussite, même s’ils ont chacun leur propre perspective.

Une double perspective de réussite à l’échelle de l’école

Construire une vision de la réussite à l’échelle de l’élève est peut-être compliqué, mais le problème se dédouble à l’échelle de l’école. Ce point est à mon avis sous-estimé dans les débats sur l’école. Certains définiront la réussite de l’école comme la réussite du personnel de l’école à faire le maximum avec les élèves. D’autres jugeront à l’aune de la réussite des élèves.

Ces deux perspectives sont fort différentes. Mais elles sont pourtant tout aussi légitimes. La première perspective renvoie à la notion de capacités intrinsèques des élèves, alors que la seconde négligera les conditions de départ pour se concentrer sur les résultats en bout de course, quelqu’en soit la cause.

La perspective du personnel de l’école

Il est de notoriété publique que le personnel de l’école s’intéresse plus à la valeur ajoutée de l’école aux résultats des élèves qu’aux résultats eux-mêmes.

La valeur ajoutée, c’est la contribution spécifique de l’école aux résultats des élèves, abstraction faite de la contribution du milieu socio-économique et des caractéristiques intrinsèques des élèves. Tous admettent que la performance des élèves dépend minimalement des caractéristiques du milieu, des caractéristiques intrinsèques des élèves et de la valeur ajoutée de l’école.

Il s’en suit que les données de résultats des élèves cumulent au moins trois effets distincts et ne révèlent pas directement la valeur ajoutée de l’école. Par exemple, les écoles dotées d’une clientèle en difficulté peuvent fort bien favoriser un développement extraordinaire de leurs élèves tout en obtenant des résultats moyens aux épreuves du ministère. La solution ne consiste cependant pas à disqualifier les données de résultats aux épreuves comme indicateur de la valeur ajoutée de l’école. Il faut au contraire obtenir davantage de données: des données sur le milieu, sur les élèves et sur les écoles.

La valeur ajoutée, c’est donc l’argument central des critiques formulées par le milieu scolaire à la diffusion des résultats scolaires au grand public. Cet argument est solide et légitime même si la conclusion est erronée. Nous le connaissons et nous avons vu à relever le défi de l’estimation de la valeur ajoutée depuis la première édition du Bulletin des écoles secondaires. Je reviendrai plus loin sur la nature de cet exercice de valeur ajoutée.

Ce point de vue est légitime parce que la responsabilité du personnel de l’école est de faire cheminer et de développer au maximum le potentiel des enfants qui leur sont confiés. Une prise en compte explicite des conditions de départ, des caractéristiques des clientèles scolaires est un prérequis à l’évaluation et au jugement sur la compétence et la performance du personnel de l’école. La mesure de la réussite du personnel scolaire se base donc sur la mesure de la réussite de l’élève, mais elle s’en distingue profondément par la prise en compte de données de clientèle scolaire, plus précisément par la neutralisation des conditions de départ. Deux perspectives différentes de la réussite, deux mesures différentes. Voyons maintenant une troisième et dernière perspective de la réussite: celle des parents.

La perspective des parents

Les parents ont comme première responsabilité de favoriser le plein développement de leurs enfants. Si ce simple énoncé ne semble rien révéler de nouveau à priori, il est porteur d’un angle de vue différent sur l’école. Ainsi, les parents n’ont pas comme responsabilité d’évaluer le personnel de l’école, ni celle de gérer les ressources humaines ou les ressources matérielles de l’école. En d’autres mots, la valeur ajoutée par le personnel de l’école aux résultats scolaires de leurs enfants ne les concerne pas directement. Ce qui les concerne, c’est la réussite de leurs enfants.

Pour illustrer cette différence de perspective, imaginons un endroit où seulement deux écoles s’offrent comme choix aux parents: une école dédiée à des enfants aux prises avec de sévères difficultés d’apprentissage et une autre école s’adressant aux clientèles scolaires habituelles. Supposons également que l’école spécialisée pour clientèle difficile a été identifiée comme une école à grande valeur ajoutée mais que l’école non spécialisée est à valeur ajoutée moyenne. Supposons aussi que les résultats scolaires de l’école non spécialisée sont moyens et que, les résultats de l’école spécialisée sont sous la moyenne. Si votre enfant n’a pas de difficulté particulière, quelle école choisirez-vous pour votre enfant? Fatalement, vous choisirez l’école qui offre la plus grande probabilité de réussite scolaire pour votre enfant… et vous choisirez l’école non spécialisée. Votre responsabilité de parent se limite dans cet exemple à choisir la meilleure école pour votre enfant et non pas d’identifier quelle école contribue le plus au mieux-être des élèves de chacune de ces écoles.

Ce petit exemple montre aussi que les parents n’ont pas à réaliser les diagnostics complexes qu’exige la mesure de la valeur ajoutée. Les parents sont à la recherche du meilleur prédicteur de la situation de leur enfant à la sortie de l’école.

Or le meilleur prédicteur de la situation finale des élèves, ce sont les résultats scolaires. Ils sont, on l’a vu tout à l’heure, le produit de l’école certes, mais aussi le produit du milieu et des caractéristiques intrinsèques des élèves. La valeur ajoutée, parce qu’elle ne reflète qu’une des trois causes aux résultats, est un mauvais prédicteur de la situation finale des élèves. Les renseignements basés sur les résultats, une partie essentielle du Bulletin des écoles secondaires, sont absolument nécessaires à la décision parentale.

Aussi, l’idée de ne pas diffuser au grand public les données de résultats scolaires sous formes quantitative et comparative s’oppose à la perspective parentale. Cette perspective n’est peut-être pas juste pour le personnel de l’école: mais elle est utile aux parents.

J’ajouterai une note à l’égard de la mesure de la performance scolaire de l’école: cette mesure doit être relative et comparative. Elle doit être relative plutôt qu’absolue: juger de la performance scolaire de l’école dans l’absolu est illogique. Personne ne peut définir les standards de performance sans une référence à la performance d’autres écoles. Cette mesure de performance est donc nécessairement comparative. C’est en comparant les écoles les unes aux autres que l’on peut établir les standards. Et encore ici, les standards parentaux s’établiront sur une base de résultats et les standards de l’administration scolaire sur la base de la valeur ajoutée. Un corollaire s’impose, le fait d’être premier à un classement de résultats ne signifie pas que le progrès est impossible: le fait d’être sous la moyenne ou en fin de classement ne condamne pas mais indique plutôt des possibilités de progrès. L’échelle de résultats indique une position relative des écoles. Le choix des parents ne doit pas être vu comme un jugement sur les écoles mais comme une volonté de développer au maximum les capacités de leurs enfants.

Puisque ces perspectives sont différentes et si on exclue d’emblée l’idée de ne rien diffuser au grand public sur l’école secondaire, on peut dégager deux stratégies possibles de diffusion: 1) ne pas diffuser les résultats scolaires mais seulement la valeur ajoutée; 2) diffuser et les résultats scolaires et la valeur ajoutée.

Ne pas diffuser les résultats scolaires est un affront aux responsabilités parentales. La valeur ajoutée, même si cette information est utile au personnel de l’école, est un bien mauvais guide pour les parents pour choisir l’école de ses enfants et s’impliquer à l’école. À mon sens, cette option doit être rejetée.

La diffusion grand public des résultats scolaires conduira à de meilleures décisions pour chacun des enfants d’âge scolaire. Elle facilitera pour les parents l’exercice de leurs responsabilités en posant des questions plus précises et pertinentes et augmentera l’efficacité des représentants des parents aux conseils d’établissement et aux divers comités de parents. La diffusion grand public de la valeur ajoutée offrira en contrepartie à quiconque désire poser un jugement de valeur sur la qualité du travail du personnel de l’école une perspective plus «juste» à cet égard.

Il y a donc deux perspectives de réussite fort différentes à l’échelle de l’école. Dans mon esprit, ces perspectives doivent cohabiter.

La mesure de la valeur ajoutée

En m’adressant à votre association, je peux deviner que la mesure de la valeur ajoutée des écoles est une source majeure d’interrogation. J’insisterai donc sur ce dernier point. Qu’est-ce qu’une mesure juste, équitable et opérationnelle de la valeur ajoutée des écoles? Il est remarquable que, malgré l’attrait indéniable de ce concept pour le milieu scolaire, il n’ait pas fait au Québec l’objet de recherches systématiques jusqu’à la parution de la première édition du Bulletin des écoles secondaires. Nous avions alors cherché à estimer cette valeur ajoutée pour la première fois pour l’ensemble des écoles secondaires présentant des élèves aux épreuves de fin de secondaire. Nous avions à ce moment produit une «correction socio-économique» de la cote globale de résultats pour tenir compte des effets du milieu socio-économique. La deuxième édition offrait un «ajustement de valeur ajoutée» qui ajoute à la dimension «milieu» de la première édition, la dimension «élèves». Enfin, cette année, suite au progrès réalisé dans l’estimation de la valeur ajoutée, nous offrons dans le bulletin, sous la forme d’une cote A, B, C ou D, un estimé de la valeur ajoutée.

Le Bulletin comprend en fait six indicateurs qui permettent d’approfondir le diagnostic de l’école quant à sa contribution à la cote globale en informant sur les caractéristiques des élèves, du milieu et de l’école:

1) Le pourcentage EHDAA (%) indique la proportion d’élèves de 4e secondaire et de 5e secondaire classés «Élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation et d’apprentissage» au secteur public et financés en conséquence.

2) Le pourcentage d’élèves En retard (%) indique la proportion d’élèves débutant en 4e secondaire âgés de 16 ans ou plus. Ils sont considérés en retard dans leur cheminement. Cet indicateur de retard scolaire permet de caractériser la population étudiante d’un établissement avant la dernière étape de secondaire. Un haut taux d’élèves en retard au début de 4e secondaire peut expliquer des difficultés de performance de l’école. Cet indicateur nous permet de contrôler tout au moins en partie le biais de sélection dans le choix des élèves par l’école.

3) Les Revenus des parents correspondent au revenu d’emploi moyen des parents et indiquent si le milieu est favorisé au point de vue socio-économique. Cet indicateur a été calculé à partir des données d’inscription de chaque école détenues par le ministère de l’Éducation et des données de recensement de Statistique Canada.

4) Le Nombre d’élèves inscrits dans l’école.

5) Le secteur d’appartenance de l’école (public ou privé).

6) Le Réseau auquel appartient l’école caractérisé par la langue d’usage (francophone/anglophone).

Grâce à ces indicateurs, nous avons cherché à établir la valeur ajoutée de l’école à la cote globale pour l’année la plus récente. Nous avons d’abord croisé les données de fréquentation scolaire par code postal du ministère de l’Éducation avec les données socio-économiques, issues du recensement de 1996, qui nous ont été fournies par Statistique Canada. Nous avons ensuite établi un profil socio-économique de la population étudiante pour chacune des écoles figurant au Bulletin, à partir du revenu d’emploi des parents. Puis, nous avons eu recours à la méthode d’équations structurales – une technique d’analyse statistique apparentée à la régression multiple, plus complète – pour déterminer la contribution des caractéristiques du milieu (Revenu des parents) et de la clientèle étudiante (En retard) dans la cote globale.

Mesure de l’association des caractéristiques du milieu, des élèves et de l’école avec la cote globale

Un modèle d’équations structurales (MES) a été développé pour connaître la force de l’association des caractéristiques du milieu, des élèves et de l’école sur la cote globale. Il a été testé sur la base des 436 écoles pour lesquelles nous disposions des données nécessaires. Il contient les six indicateurs présentés plus haut ainsi que la cote globale. Ainsi, à chacun des six indicateurs correspond une dimension particulière de la dynamique scolaire:

  • Revenu des parents: une caractéristique du milieu
  • Ehdaa: une caractéristique des élèves
  • Retard des élèves: une caractéristique des élèves
  • Taille: une caractéristique de l’école
  • Secteur: une caractéristique de l’école
  • Réseau: une caractéristique de l’école
  • À chaque flèche correspond un lien de cause à effet qui s’est avéré significatif au point de vue statistique. Seule la valeur de l’association directe entre ces facteurs et la cote globale est nécessaire pour l’estimation de la valeur ajoutée et est présentée dans la figure pour alléger la présentation. Ce sont les flèches en trait plein qui représentent ces effets directs. La valeur accompagnant chaque flèche en trait plein varie entre 0 et 1 et permet de juger de la force relative de l’association de chacun des indicateurs. Tous les indices d’ajustement du modèle aux données varient entre 90% et 97%, ce qui est considéré comme très bon. Plus précisément, le modèle permet d’expliquer 67% de la variance de la cote globale, ce qui nous autorise cette année à estimer directement la valeur ajoutée par l’école.

    Le modèle montre que c’est le retard des élèves qui est associé le plus fortement à la cote globale. Le réseau d’appartenance (francophone/anglophone) et le secteur
    (privé/public) viennent au second rang. Le revenu des parents et ensuite la taille de l’école viennent en dernier lieu. Enfin la case marquée par un point d’interrogation rappelle que d’autres indicateurs, possiblement des caractéristiques de l’équipe de l’école pour lesquelles nous n’avons pas de données, concourent à expliquer le reste de la variance (33%) que le modèle n’est pas parvenu à expliquer.

    Les flèches en trait pointillé illustrent la présence de liens de causalité indirects. Par exemple, en plus d’une influence directe sur la cote globale, le revenu des parents influence indirectement la cote globale en ayant préalablement un effet sur le choix du secteur de l’école (privé et public). Cela s’interprète aisément: puisqu’il faut défrayer un montant d’argent appréciable pour inscrire son enfant à l’école privé, un plus haut niveau de revenu est associé au choix de l’école privée. Et puisque l’école privée a un effet positif sur la cote globale, toutes choses étant égales par ailleurs, le revenu agit à la fois directement et indirectement sur la cote globale. Les autres effets indirects s’interprètent de la même manière. Tous les effets directs et indirects ont l’effet attendu, ce qui conforte quant à la valeur du modèle.

    La procédure d’estimation de la valeur ajoutée par l’école

    La stratégie générale pour estimer la valeur ajoutée procède en deux temps. D’abord, elle consiste à expliquer la cote globale de l’école, ce que le modèle réalise de manière satisfaisante. Ensuite, elle consiste à retrancher de cette cote globale la part associée aux effets du milieu et aux effets des élèves. Une fois ces deux effets confondants retranchés, ne reste que l’effet propre à l’école: c’est ce qui est appelé la valeur ajoutée par l’école.

    Cet effet propre à l’école inclut les effets associés au réseau, au secteur et à la taille de l’école. Il inclut également la part non expliquée par notre modèle. En effet, il est fort plausible que, outre la taille de l’école, le réseau ou le secteur d’appartenance de l’école, l’école ait un effet important par la qualité de l’équipe de l’école ou des ressources qui sont à sa disposition. Puisque aucune donnée ne nous était accessible à cet égard, soit par le ministère de l’Éducation ou les commissions scolaires, nous ne pouvons compléter actuellement ce modèle d’explication. Or, il y a de forte chance que la part non expliquée s’explique justement par ces indicateurs non disponibles. De toute manière, la procédure visant à retrancher l’effet milieu et l’effet élève constitue la seule procédure envisageable dans notre contexte d’information imparfaite sur l’école. Elle a l’avantage, en cas d’erreur dans l’attribution des causes, à éliminer les deux autres grands facteurs généralement considérés comme confondants.

    L’estimation de la valeur ajoutée s’effectue en calculant, pour chacune des 436 écoles dotées des données nécessaires, la part de la variance associée à l’indicateur Revenu des parents (effet milieu) et celle associée à l’indicateur Retard des élèves (effet élèves). Une fois cette valeur ajoutée obtenue, le premier quartile des écoles (le premier quart des écoles) obtient la notation A, le deuxième quartile la notation B, le troisième quartile la notation C et le dernier quartile la notation D. Cette notation « qualitative » plutôt que « quantitative » se justifie par le fait qu’il s’agit d’une estimation et non d’une mesure factuelle de comportement ou de compétence comme dans le cas de la cote globale de performance scolaire. Cette estimation est basée sur un modèle imparfait, appelé à être amélioré. Cette estimation comporte donc une part d’imprécision et la notation quantitative convient mieux.

    Il ressort que la distribution de la valeur ajoutée adopte une forme très similaire à une courbe normale, où la plupart des écoles se concentrent près de la moyenne. Aussi, la notation B et la notation C en valeur ajoutée des deuxième et troisième quartiles correspondent à un groupe central alors que les premier et dernier quartiles se distinguent nettement du groupe central. À cause de ce regroupement particulier et de la caractéristique qualitative de notre notation, il faut considérer que les notations B et C sont assez voisines. Il sera plus prudent de considérer qu’il existe un premier groupe se distinguant favorablement de la moyenne et qui se voit attribuer la notation A, un autre groupe autour de la moyenne et se voyant attribuer les notations B et C et un dernier groupe se distinguant de la moyenne par une valeur ajoutée plus faible et obtenant la notation D.

    Cette procédure, bien que technique, devrait nous révéler une réalité fort concrète, celle qui tient à la contribution spécifique des écoles et qui nous a été peu accessible jusqu’à présent autrement que par des intuitions bien inspirées. Nous croyons fermement que cette mesure pourra enrichir les diagnostics des divers intervenants du monde scolaire.

    Conclusion: la nécessaire cohabitation des trois perspectives

    Bulletin de l’élève, cote de résultats scolaires et valeur ajoutée correspondent à trois perspectives différentes sur la réussite à l’école. Ces trois mesures sont essentielles à l’exercice des responsabilités et à la prise de décision, selon que l’on est élève, parent ou enseignant. La cohabitation de ces mesures est inéluctable même si elle peut irriter. Le Bulletin des écoles secondaires est le premier outil d’information fondé sur la cohabitation de la perspective parentale et de la perspective du personnel de l’école. Puisque le débat sur ces diverses perspectives et sur cette nécessaire cohabitation n’en est qu’à ses débuts, le Bulletin est perçu comme étant utile à plusieurs mais irritant pour d’autres.

    La stratégie de nier la pertinence des mesures utiles aux autres acteurs du système scolaire n’est pas, à mon avis, vouée à un grand avenir. Il m’apparaît plus fructueux pour chacun d’insister sur la mesure qui convient le mieux à sa situation, l’élève insistant sur son bulletin, le parent sur la cote de résultats scolaires et le personnel de l’école sur la valeur ajoutée. Ainsi élèves, parents et personnel de l’école pourront continuer à progresser dans l’harmonie.


    Richard Marceau est chercheur associé à l’IEDM et co-auteur du Bulletin des écoles secondaires.

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