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Les soviets dans nos campagnes

Votre facture d’épicerie coûte un bras? Remerciez-en le lobby agricole.

Depuis 40 ans, les agriculteurs ont réussi à soutirer aux politiciens des avantages financiers immenses, notamment grâce à la «gestion de l’offre». Ce système étouffe la concurrence en bloquant le lait, les œufs et la volaille en provenance d’autres pays. Si ces produits étrangers entrent sur notre territoire, nos gouvernements les frappent de taxes allant jusqu’à 300%. Autant dire qu’ils n’entrent pas. Le syndicat agricole (l’UPA) – avec l’aide des politiciens – distribue ensuite un nombre limité de quotas de production d’oeufs, de lait ou de volaille aux agriculteurs. Le but: réduire l’offre afin de faire grimper les prix. Le consommateur? Qu’il s’étouffe avec sa facture.

Résultat: vous payez votre litre de lait 59 ¢ plus cher ici qu’aux États-Unis, selon une étude du Conference Board. Et 64 ¢ plus cher qu’en Australie. Vos oeufs coûtent 50 % plus cher qu’au sud de la frontière. Votre poulet? Le double!

Petite lueur d’espoir: des agriculteurs commencent à en avoir ras le bol de ce système digne des années soviétiques. Sans remettre en cause la gestion de l’offre, le Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA), fondé en juin par les producteurs de céréales, de sirop d’érable et les jardiniers maraîchers, critique la mise en marché collective. Gérée mur à mur par l’UPA, celle-ci s’étend à une foule d’aliments et brime l’esprit entrepreneurial des agriculteurs.

Pour vendre leur récolte, plusieurs agriculteurs doivent obligatoirement passer par une agence de commercialisation – seul acheteur possible. «Même si je trouve un acheteur prêt à payer 20% plus cher pour mon blé, impossible de le lui vendre. Je me ferais poursuivre devant les tribunaux», me dit au téléphone Gilles Brouillard, président du CEA et producteur de blé. Résultat: les agriculteurs deviennent de simples producteurs sans pouvoir de décision. «Plusieurs agriculteurs n’en veulent pas, du syndicat et de la mise en marché collective, dit M. Brouillard. Ils veulent contrôler ce qu’ils produisent, différencier leurs produits et leur donner une valeur ajoutée. Et surtout, choisir à qui vendre leur récolte. Peut-on les laisser libres de le faire?»

Ce serait un pas dans la bonne direction. Et M. Brouillard ne rêve pas en couleur. Si plusieurs agriculteurs joignent sa cause, il sait néanmoins que le monopole syndical de l’UPA, lui, ne cédera aucun pouce. Le système profite à l’UPA, qui reçoit des cotisations obligatoires de chaque agriculteur. Chaque denrée qui transite dans ce système gonfle les coffres des différentes fédérations du syndicat. Malgré tout, le jeu en vaut la chandelle, croit M. Brouillard. «Nous, on veut reprendre le contrôle de nos fermes.» Et nous, consommateurs, on aimerait reprendre le contrôle de notre facture d’épicerie.

David Descôteaux is a Researcher at the Montreal Economic Institute.

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