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Les opportunistes

En novembre 2008, Rahm Emanuel, chef de cabinet de la Maison Blanche, s’est rendu célèbre après avoir déclaré le plus sérieusement du monde qu’il ne faut jamais gaspiller une crise grave («You never want a serious crisis to go to waste»).

Ce qu’il voulait vraiment dire, c’est qu’une crise est un prétexte qu’un gouvernement devrait saisir pour adopter des mesures que la population aurait normalement refusées, et ainsi faire avancer son programme. C’est de l’opportunisme de bas étage, mais c’est la mentalité qui règne à Washington! Le président Obama l’a d’ailleurs encore prouvé cette semaine.

Le programme environnemental du président américain est de notoriété publique. Toutefois, depuis que les fondations de l’édifice écocatastrophique ont été sérieusement fissurées par le Climategate et les révélations honteuses des derniers mois, proposer des mesures coûteuses pour combattre le «réchauffement» climatique est devenu franchement risible. Avec le flot d’émotions qu’elle a provoqué, la marée noire est donc le motif idéal, presque un subterfuge, pour imposer à l’Amérique les changements souhaités. De l’aveu du président lui-même, la catastrophe du Golfe du Mexique doit amener à repenser la politique environnementale et à effectuer la transition vers de nouvelles sources d’énergie. Chez nous, des voix s’élèvent déjà pour saluer le leadership du président Obama et pour inviter nos gouvernements à l’imiter.

Pour remplacer le pétrole, la Maison Banche entend promouvoir l’énergie solaire et éolienne. Toutefois, ces technologies présentent plusieurs caractéristiques peu écologiques: (1) elles exigent d’immenses étendues de terre pour produire relativement peu d’énergie; (2) elles perturbent l’habitat naturel de nombreuses espèces; (3) elles exigent des dizaines de milliers de kilomètres de lignes à haute tension; (4) et comme le vent ne souffle pas en permanence, les éoliennes doivent être munies de générateurs fonctionnant au pétrole ou au charbon.

Dépendants de la Chine

Il y a plus. La conception de technologies environnementales, comme les lampes à basse consommation, les turbines éoliennes et les véhicules hybrides, requiert des terres rares (un groupe constitué de 17 métaux dont 15 forment les lanthanides). Or, non seulement la Chine en possède-t-elle le monopole avec 95% de la production mondiale, mais elle a mis en place fin 2009 une nouvelle politique de quotas à l’exportation. Puis, il y a quelques jours, on apprenait que le gouvernement de Hu Jintao compte carrément interdire toute exportation des précieux métaux dès 2015.

Washington veut donc abandonner l’approvisionnement facile, diversifié et stable qu’offre l’énergie fossile (21 pays produisent plus d’un million de barils de brut par jour) pour devenir entièrement dépendant de la Chine, un pays d’ailleurs souvent dénoncé pour la violation des droits de l’homme et le non-respect de l’environnement. Suis-je donc la seule à y voir un non-sens, une aberration politique et un grave risque économique?

En réponse à la tragédie environnementale, le président Obama a sommé BP de remédier à la situation, il l’a menacée en tapant du pied, et il a fait honte à son titre en déclarant vulgairement vouloir savoir quel cul botter («whose ass to kick»). Parallèlement, il a refusé l’aide proposée par 13 pays, un geste qui contraste étrangement avec ses discours verdoyants. Maintenant, il profite de l’occasion pour proposer un virage énergétique déconnecté de la marée noire, porteur de nombreux problèmes, et synonyme d’appauvrissement collectif.

Certes, trouver des sources d’énergie respectueuses de l’environnement est indispensable à l’avenir de notre planète. Mais, de grâce, ne sacrifions pas notre esprit critique au profit des dogmes de Washington!

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.

* This column was also published in Le Journal de Québec.

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