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Nous sommes tous Grecs

À la suite de la quasi-faillite de la Grèce, la question qui brûle toutes les lèvres depuis quelques semaines: la «tragédie grecque» à laquelle nous assistons pourrait-elle se produire chez nous? Certains affirment que cette question est inappropriée, car toute comparaison entre les deux États serait «exagérée», voire «démagogique».

Vérifions si ce point de vue est fondé.

1. La Grèce enregistre une dette astronomique de 300 milliards d’euros, soit 120% du PIB en 2010. Selon le ministère des Finances (qui applique la méthodologie de l’OCDE), si le Québec était un pays, il serait le 5e le plus endetté au monde avec un ratio de 94%!

2. Avec l’aide de Goldman Sachs, la Grèce a trafiqué ses comptes publics pour respecter les critères d’admission de la zone euro. Le gouvernement du Québec a fait preuve de comptabilité créative pour nous faire croire au déficit zéro alors que la dette n’a jamais cessé d’augmenter.

3. L’agence de cotation de crédit Moody’s a revu à la baisse la notation de la Grèce et envisage un autre abaissement significatif. La même agence déclare surveiller attentivement le Québec.

4. En Grèce, le vieillissement de la population exerce une pression grandissante sur les finances publiques. Idem chez nous.

5. En Grèce, la corruption, le favoritisme et les innombrables règlements débilitants étouffent l’initiative privée et freinent la croissance économique. N’est-ce pas similaire chez nous?

6. La Grèce est la proie d’une fonction publique obèse, coûteuse et inefficace. Le Québec aussi!

7. En Grèce, les syndicats de la fonction publique se désintéressent de la santé économique du pays et s’affairent uniquement à protéger leurs innombrables avantages et privilèges. N’en est-il pas de même chez nous?

8. Au fil des décennies, la Grèce a mis en place une pléthore de programmes sociaux et de généreux avantages qu’elle n’avait pas les moyens de financer. Au Québec… sans commentaire!

En somme, la Grèce a créé un État-providence qui a amené le pays à vivre au-dessus de ses moyens. Ce scénario ne nous est-il pas familier?

Évidemment, les défenseurs du «modèle québécois» rétorqueront que le Québec compte de nombreux actifs et que, par conséquent, ce n’est pas la dette brute qu’il faut considérer, mais bien la dette nette.

Cet argument aurait été valable si nous pouvions vendre nos actifs pour réduire notre dette. Or, sur une dette totale de 219 milliards $, nous possédons seulement 17,3 milliards $ d’actifs financiers. Quant à nos autres actifs, on répertorie Hydro Québec, évidemment, mais aussi nos infrastructures routières, hôpitaux, écoles, universités, ports, aéroports, monuments historiques, musées, parcs nationaux, etc. Puisque nous n’avons aucune intention de vendre ces actifs, ils ne permettront jamais d’alléger le fardeau de la dette, et il est donc malhonnête de les prendre en considération.

Certes, le cas du Québec n’est pas aussi grave que celui de la République hellénique. Note déficit représente 1,4% du PIB alors qu’il atteint 12,7% du PIB en Grèce. Néanmoins, nier toute similarité avec notre économie et refuser de tirer les leçons qui s’imposent est une erreur que nous pourrions amèrement regretter. La morale de l’histoire est pourtant simple : aucun pays ne peut dépenser sans retenue et s’endetter sans avoir un jour à payer le prix de ses exubérances. Espérer le contraire relève de la pensée magique.

Margaret Thatcher disait: «Le problème avec le socialisme, c’est que l’argent des autres finit toujours par manquer». Plusieurs pays en ont déjà fait la démonstration. Aujourd’hui, c’est au tour de la Grèce. Demain… le Québec?

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.

* This column was also published in Le Journal de Québec.

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