Un budget assorti à la réalité politique
Lorsqu’on analyse le récent budget dans le contexte de la réalité politique québécoise, force est d’admettre que, sans être idéal, ce budget a le mérite de s’inspirer d’une approche respectueuse de certains principes économiques de base qui permettront au Québec de traverser la tempête sans trop nuire à la création de richesse.
Il faut garder en tête que la taxation comporte deux volets: le fardeau fiscal et le mixte fiscal. Si le fardeau fiscal des Québécois demeure, à mon avis, trop élevé suite à ce budget, les mesures annoncées sont un pas dans la direction d’un mixte fiscal plus efficace pour l’économie du Québec.
Plusieurs études universitaires sur les politiques fiscales ont démontré que des taxes ou des tarifs sont préférables à une hausse des impôts. La raison principale étant qu’une hausse du taux d’impôt marginal nous décourage de travailler une heure de plus, car chaque heure additionnelle que nous travaillons nous rapporte un peu moins. Des impôts marginaux élevés découragent aussi les entrepreneurs et les investisseurs, car le rendement qu’ils peuvent obtenir si leurs affaires vont bien est fortement grugé par le fisc. L’impôt décourage donc le travail, l’épargne et l’investissement. Il est donc moins nuisible de taxer la consommation. Quant aux tarifs, ils ont l’avantage de faire prendre conscience aux utilisateurs du véritable coût de leur consommation, et ainsi de les responsabiliser face à cette consommation, ce qui se traduit par une meilleure utilisation collective de nos ressources.
Les hausses des tarifs et de TVQ annoncées dans le budget présentent d’ailleurs des avantages similaires à un taux d’imposition unique, une proposition maintes fois avancée par l’Institut économique de Montréal, et dont les avantages sont nombreux. Notamment celui de cesser de punir les travailleurs parce qu’ils travaillent plus et obtiennent des revenus plus élevés. Un taux d’imposition unique incite au contraire les gens à travailler davantage, à investir davantage, et à viser des revenus plus élevés parce que cela en vaut la peine. Et notons que même avec un taux d’imposition unique, les plus riches vont payer beaucoup plus d’impôt que les plus pauvres, et contribuer à la mesure de leurs moyens au budget de l’État.
Ce budget est donc un virage plus responsable d’un point de vue fiscal. Avec ces mesures, le Québec se dote d’une façon plus efficace de payer le panier de services offerts par l’État. Ce budget aurait pu aller plus loin et remettre en question ce fameux panier de services et son contenu. Mais je salue néanmoins la compréhension des incitatifs économiques qui transpire de ce budget, et le fait qu’il évite d’utiliser des mesures qui iraient à l’encontre des principes soutenant la création de richesse.
Bref, ce n’est pas un budget idéal, mais c’est probablement ce que le Québec peut s’offrir de mieux dans le contexte de la réalité politique actuelle.
Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the Montreal Economic Institute.