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Les rabat-joie

Comme chaque année, l’approche des Fêtes est marquée par le retour des rabat-joie. Incapables de supporter la réjouissance des autres, ils nous assomment de leurs statistiques sur la pauvreté, la malnutrition et l’analphabétisme, et affirment avec conviction que les choses ne cessent de se dégrader. Déjà en l’an 1014, l’archevêque anglo-saxon Wulfstan déclarait que «le monde se hâte et se précipite vers sa fin». Mille ans plus tard, la «milice antibonheur» s’affaire toujours à propager la «mauvaise nouvelle» et à troubler les humeurs festives.

Certes, les statistiques invoquées par les rabat-joie sont authentiques. Pour des centaines de millions de personnes, chaque jour est un combat pour la vie, et on ne doit en aucun cas sous-estimer leurs souffrances. Toutefois, il faut rester objectifs et reconnaître les progrès spectaculaires réalisés par l’humanité. Et à cet égard, il y a matière à réjouissance!

  • 1) L’espérance de vie atteint 67 ans pour l’ensemble de la planète, alors qu’elle n’était que de 35 ans au 18e siècle. Dans les pays en développement, elle est aujourd’hui de 64 ans, soit 20 ans de plus qu’en 1950.
  • 2) Avant la révolution industrielle, 20% des nouveaux nés mourraient avant leur premier anniversaire. Aujourd’hui, ce chiffre a diminué à 6%.
  • 3) Plusieurs des grands fléaux de 20e siècle, comme la tuberculose, la typhoïde, la polio, la variole et la coqueluche ont pratiquement été éradiqués. Les médicaments sont plus nombreux et plus efficaces que jamais, les cancers sont moins fatals et les traitements contre le sida en constante amélioration.
  • 4) En un demi-siècle, l’apport calorique quotidien a augmenté de 38% dans les pays pauvres, et la proportion de la population sous-alimentée est passée de 37% à 17% en 30 ans. Idéalement, la planète entière mangerait à sa faim, mais il faut néanmoins admettre que cette évolution est remarquable.
  • 5) Le travail des enfants dans les pays pauvres est passé de 30% en 1960 à 18% aujourd’hui. C’est encore trop, mais c’est nettement mieux!
  • 6) Le prix de la nourriture a diminué de 75% (en termes réels) au cours des cinquante dernières années.
  • 7) La proportion des habitants vivant avec moins de 1$ par jour est passée de 16% en 1970 à 6% aujourd’hui. Celle qui subsiste avec 2$ par jour a diminué de 39% à 18% au cours de la même période.
  • 8) Le taux d’analphabétisme est passé de 46% en 1970 à 18% aujourd’hui.
  • 9) Certains pays qui vivaient de l’aide internationale en 1960, comme la Corée du Sud par exemple, sont maintenant suffisamment riches pour à leur tour aider les pays démunis.

Malgré les défis colossaux qui nous attendent encore, les choses s’améliorent chaque jour, ce qui signifie que nous vivons la meilleure époque de l’histoire de l’humanité. N’y a-t-il donc pas moyen de fêter en paix? Les travailleurs triment toute l’année; ils méritent bien quelques jours de tranquillité d’esprit. Ils méritent aussi de savoir que l’Homme a réalisé en 100 ans des progrès sans précédent. De quel droit la «milice antibonheur» vient-elle donc jouer les trouble-fête et nous faire sentir coupables de profiter de quelques moments de réjouissance? Il faut rester tournés vers l’avenir et se préoccuper du sort des laissés-pour-compte, mais il faut aussi célébrer les progrès accomplis! Et, surtout, il faut ignorer tous ces rabat-joie qui se complaisent dans leur pessimisme, qui carburent à l’alarmisme et qui nous sapent le moral. Joyeuses Fêtes à tous!

* This column was also published in Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.

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