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Op-eds

Lettre aux étudiants

Étudiants des cégeps et des universités, vous manifestez contre le dégel des frais de scolarité et, dans certains cas, vous revendiquez la gratuité scolaire. Vous jugez que la société n’en fait pas suffisamment pour vous, et vous réclamez d’elle davantage.

Peut-être l’ignorez-vous, mais à raison de 1862 $ par année, soit l’équivalent de 4,13 $ l’heure de cours, non seulement vos frais de scolarité sont-ils inférieurs de moitié à la moyenne canadienne, mais ils sont aussi parmi les plus bas au monde. Et comme ces frais ne sont pas indexés, l’éducation coûte un peu moins cher chaque année. Aujourd’hui, une heure de cours coûte moins cher qu’une heure au cinéma!

Vous affirmez que cette quasi-gratuité est indispensable pour assurer l’accès à l’éducation aux jeunes issus de familles pauvres. La théorie est séduisante, mais la réalité est tout autre. Les jeunes de familles riches sont deux fois plus nombreux à fréquenter l’université que ceux dont les parents gagnent un faible revenu. Vos grèves et vos manifestations visent donc à réclamer aux contribuables moyens de financer l’éducation des enfants de leurs voisins mieux nantis. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez? Pourquoi ne pas faire payer les riches en dégelant les frais de scolarité tout en assurant l’accessibilité à tous en aidant uniquement et strictement les étudiants pauvres?

Vous affirmez qu’une hausse de 50 $ par trimestre des frais de scolarité (l’équivalent de 11 cents l’heure de cours) est inacceptable, et qu’elle forcerait certains d’entre vous à abandonner vos études. Cette affirmation repose sur l’hypothèse totalement fausse voulant que l’éducation soit un bien de consommation dont la demande diminue quand le prix augmente. Si vous supportez des coûts aujourd’hui pour obtenir plus tard un emploi plus intéressant et mieux rémunéré, c’est la preuve que l’éducation est un investissement et non une dépense. C’est même l’un des investissements les plus rentables qui soient! Vous êtes donc les principaux bénéficiaires de votre éducation, mais ce sont les contribuables et les donateurs privés qui fournissent aux universités 89% de leurs revenus. La société n’a-t-elle donc pas déjà suffisamment contribué?

Vos associations étudiantes soutiennent que les droits de scolarité ont pour effet de réduire l’accès à l’éducation. Pourtant, elles n’hésitent pas à exiger de vous des cotisations obligatoires dont certaines s’élèvent à plus de 50 $ par trimestre. N’y voyez-vous pas un non-sens? Devons-nous conclure qu’une hausse de 50 $ par trimestre réduit l’accessibilité uniquement lorsqu’il est question de frais de scolarité, mais qu’elle est sans conséquence quand ce montant est destiné aux coffres des associations étudiantes?! Pourquoi ne demanderiez-vous pas à vos associations de faire preuve de «solidarité étudiante» et de favoriser l’accès à l’éducation en abolissant les frais qu’elles vous imposent?

Finalement, la responsabilité sociale de l’éducation est votre leitmotiv. Mais qu’advient-il de la responsabilité des parents? Pourquoi ne manifestez-vous pas pour rappeler à vos parents que leur rôle ne se limite pas à vous avoir mis au monde? Un parent doit avoir le sens du sacrifice et doit faire passer l’éducation de son enfant avant toute chose. Les étudiants dont les parents n’ont réellement pas les moyens d’assumer la hausse des droits de scolarité doivent incontestablement être aidés par la société. Mais les familles qui disposent d’une marge de manoeuvre de 50 $ par trimestre n’ont qu’à payer! Appelons cela la «solidarité familiale».

* This column was also published in Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.

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