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De l’électricité dans l’air

La privatisation d’Hydro-Québec occupe toutes les tribunes depuis une semaine. Pour plusieurs, le simple fait de discuter de privatisation est une hérésie, car Hydro-Québec est perçue comme étant la propriété de tous les Québécois, un joyau qu’il serait indécent de vendre.

Mais sommes-nous réellement actionnaires d’HQ? Si oui, alors pourquoi ne sommes-nous pas traités comme tels? Pourquoi n’avons-nous ni droit de vote, ni droit aux dividendes? HQ a enregistré des bénéfices nets de 3,7 milliards en 2006, mais pas un sou n’a été versé aux soi-disant actionnaires que nous sommes! La réalité est que HQ appartient à l’État, et à lui seul, et que ce dernier emploie les dividendes qu’il reçoit comme bon lui semble. Il faut donc cesser d’entretenir des illusions qui font avorter toute tentative d’explorer de nouvelles idées.

Se pencher sur le cas d’HQ est important pour deux raisons. D’une part, il est légitime de se demander pourquoi la production et la distribution d’électricité devraient être la responsabilité exclusive de l’État. Parce que l’électricité est essentielle au quotidien des Québécois? Dans ce cas, pourquoi ne pas nationaliser l’agriculture, les épiceries et les manufactures de vêtements?

D’autre part, il est raisonnable d’envisager la privatisation d’HQ, car cette société occupe une position de monopole. Et même si le règlement 652 adopté en décembre 1996 permet l’accès au réseau de transport d’HQ à tous les producteurs d’énergie d’Amérique du Nord, les contraintes imposées par la Régie de l’énergie tiennent les concurrents à l’écart.

Or, la science économique est catégorique: un monopole est moins efficace et innove relativement moins qu’une entreprise en situation de concurrence, car il n’a pas besoin de revoir ses manières de faire pour assurer sa compétitivité. C’était le cas de Bell Canada jusqu’à ce qu’il perde le monopole du service interurbain.

Évidemment, privatiser HQ ne doit pas consister à troquer un monopole public pour un monopole privé. Quel qu’il soit, un monopole nuit à l’efficacité économique et au bien-être de la population. Privatiser n’est donc pas une fin en soi. Il faut surtout s’assurer d’ouvrir le marché à la concurrence, sans laquelle les intérêts des consommateurs ne peuvent être défendus.

Citons l’exemple de la Grande-Bretagne qui a complété en 1999 la privatisation de son marché de l’électricité. Depuis 8 ans, les Britanniques bénéficient de la concurrence entre les compagnies d’électricité. Ils comparent les prix, et un simple appel téléphonique leur suffit pour changer de fournisseur.

Contrairement aux scénarios d’horreur annoncés par les opposants à la privatisation, le prix du KWh n’a pas enregistré de bond spectaculaire. Au contraire, la facture moyenne d’électricité a diminué de 32% (en termes réels) entre 1990 et 2003.

Aujourd’hui, le prix de l’électricité en Grande-Bretagne se situe dans la moyenne européenne. Quant au niveau de service, Energywatch, l’organisme public qui veille à l’intérêt des consommateurs sur les marchés britanniques du gaz et de l’électricité, révèle qu’il n’est pas remis en cause: plus de 97% des clients sont satisfaits du service reçu.

Le Québec doit relever de nombreux défis économiques. Délibérer de la valeur marchande d’HQ ou du pourcentage de la société que l’on devrait privatiser est stérile. La seule question qui mérite notre attention consiste à savoir s’il est préférable d’avoir un monopole étatique sous performant, ou un marché en concurrence où le client est roi et les actionnaires, bien réels.

Poser la question, c’est y répondre!

* This column was also published in Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.

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