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Une liberté bafouée

Il suffit de s’intéresser à l’actualité pour réaliser à quel point les syndicats sont très présents dans notre société et ont une influence déterminante sur un grand nombre de questions d’intérêt public.

On pourrait penser que cette forte participation est justifiée puisque avec un taux de syndicalisation de 40%, le Québec est la région la plus syndiquée en Amérique du Nord. Les syndicats représentent donc une forte proportion des travailleurs.

Il est cependant légitime de se demander jusqu’à quel point les travailleurs ont cédé de plein gré aux syndicats le pouvoir de les représenter. En effet, il n’existe pas de vote secret automatique auprès des employés visés par une demande d’accréditation syndicale. On leur demande de signer publiquement une carte d’adhésion, et si plus de la moitié des travailleurs la signent, aucun vote n’est nécessaire.

Cette méthode permet d’identifier facilement le travailleur qui refuse d’imiter ses collègues et de faire pression sur lui sans qu’il puisse plus tard exprimer sa véritable position lors d’un vote secret. Peut-on dire dans ce cas que l’association est toujours parfaitement volontaire?

Vote secret

Cette question est d’autant plus pertinente qu’un sondage Léger Marketing mené pour le Conseil du Patronat du Québec (CPQ) nous révélait samedi dernier que 79% des Québécois souhaitent rendre obligatoire la tenue d’un vote secret auprès des employés visés par une demande d’accréditation syndicale. Cette proportion augmente à 83% chez les répondants qui sont présentement syndiqués.

Si ces derniers sont si nombreux à souhaiter un vote secret, c’est clairement parce que la méthode actuelle est insatisfaisante. Et vu son caractère totalement antidémocratique, on peut facilement comprendre pourquoi les travailleurs espèrent un changement au Code du travail. Il serait impensable de devoir révéler publiquement nos préférences en choisissant un parti politique. Pourquoi consentons-nous à la méthode d’accréditation actuelle?

Entendons-nous bien, je ne suis pas du tout contre le fait que des travailleurs décident d’adhérer à un syndicat. Il est même indispensable qu’ils puissent le faire sans craindre les représailles de l’employeur. Il va de soi qu’il faut respecter le droit de chacun à la libre association. Toutefois, par souci de cohérence et de logique, il faut également respecter le droit de chacun à la non-association. La liberté n’est pas une notion à sens unique. Ce n’est pas non plus un concept à géométrie variable que l’on invoque quand il nous convient. On croit en la liberté, ou on n’y croit pas!

Libre choix

Le système actuel ne garantit pas que le travailleur exerce librement son choix. Il est même fort probable que certains employés subissent de pressions de leurs collègues telles qu’ils n’ont d’autre choix que de signer leur carte. Quand des travailleurs se font intimider, c’est le droit à la non-association qui est bafoué.

Pourquoi les syndicats refusent-ils d’appliquer le vote secret? S’opposeraient-il au droit à la non-association? Après tout, s’ils sont aussi indispensables qu’ils le prétendent, ils ne devraient pas avoir peur du résultat si les travailleurs peuvent s’exprimer le plus démocratiquement possible.

Leur opposition au vote secret vient probablement du fait que le taux de syndicalisation diminue quand cette méthode est appliquée. En effet, quand on permet aux gens de choisir de manière démocratique d’adhérer ou non à un syndicat, ils sont plus nombreux à le rejeter. Peut-être ne souhaitent-ils pas tous être soumis aux mêmes conditions de travail, indépendamment de leurs efforts et de leur performance. Les études prouvent en effet que la productivité diminue lorsqu’elle n’est plus liée au rendement. Voilà peut-être pourquoi les syndicats se sont sentis aussi interpellés suite aux déclarations de Lucien Bouchard!

* This column was also published in Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.

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