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L’île fantastique

Dans ma dernière chronique, j’aurais tenu des propos «hérétiques» relativement à l’énorme vache sacrée qu’est notre système de santé. Et, comme je m’y attendais, les opposants à l’entrée du secteur privé dans ce domaine ont répliqué que nous devrions plutôt renforcer notre médecine étatisée et nous inspirer de la «supériorité» du système de santé cubain.

Les pénuries constantes de nourriture et de biens avec lesquelles les Cubains doivent composer sont connues de tous. Or, les pénuries ne se limitent pas aux simples biens de consommation. Alors que nous nous plaignons ici du coût des médicaments d’ordonnance, les Cubains, eux, n’y ont tout simplement pas accès. Sur l’«île fantastique», les pharmacies destinées aux Cubains sont vides. Exception faite de quelques médicaments fabriqués localement, il est impossible de trouver de l’Aspirine, des Band Aid, du sirop contre la toux, une pompe pour traiter asthme ou de l’Alka-Seltzer. Quant aux antibiotiques, à l’insuline ou aux autres médicaments qui permettent de sauver des vies, ils sont quasi inexistants, si bien que, faute de médication, les médecins sont quelquefois contraints d’amputer des patients.

Quant aux hôpitaux publics, non seulement l’équipement y est désuet, mais les patients doivent y apporter leur propre literie et leurs médicaments. Évidemment, on attribue cette situation à l’embargo américain, mais cet argument est bien faible puisque Cuba pourrait faire du commerce avec le reste de la planète.

Mais peut-être n’est-ce pas là l’aspect de la médecine cubaine que certains portent au rang de modèle, car il existe également des pharmacies bien garnies et des cliniques comparables à celles des pays industrialisés. Toutefois, elles sont réservées aux touristes, aux militaires, aux hauts fonctionnaires et à quelques privilégiés. Des soins de qualité existent donc, mais uniquement pour la Nomenklatura!

Il vaut mieux prévenir

Au pays de Castro, il vaut mieux prévenir, car guérir est l’apanage d’une élite. N’est-il pas d’ailleurs paradoxal de constater que ceux qui s’indignent à l’idée que le Canada puisse permettre à des malades de recourir à leurs économies pour se soigner, sont aussi les premiers à vanter les mérites du système de santé cubain malgré ses flagrantes inégalités? Faut-il comprendre qu’une médecine réservée à l’élite est préférable à un système à deux vitesses qui améliore les chances de tous d’obtenir des soins?

Pour défendre la médecine étatisée, certains invoquent le taux de mortalité infantile plus faible à Cuba (0,633%) qu’aux États-Unis (0,65%). Il faut toutefois citer ces statistiques avec réserve, car ces pays emploient des méthodes de calculs différentes. Cuba considère uniquement les décès de bébés nés à terme, tandis que les Américains tiennent compte de toutes les naissances, incluant celles des prématurés, qu’on peut sauver de plus en plus tôt grâce à une technologie de pointe. Mais comment les Cubains pourraient-ils dépenser plusieurs centaines de milliers de dollars pour sauver la vie d’un prématuré alors que leurs hôpitaux sont incapables d’offrir les antibiotiques de base?

Les écarts dans les taux de mortalité infantile s’expliquent aussi par le fait que les traitements contre l’infertilité ont augmenté de plus de 400% aux USA au cours des vingt dernières années, alors qu’ils sont inexistants à Cuba, là aussi à cause du manque de moyens. Or, ces traitements augmentent sensiblement les risques d’anomalies chromosomiques et congénitales, cause principale de la mortalité infantile aux États-Unis.

Le système de santé canadien présente des ratés indéniables. Pour espérer y remédier, il faut éviter la stratégie de l’autruche et ignorer le pseudo modèle cubain. En revanche, je vous promets de vous présenter la semaine prochaine un système de santé digne d’être cité en exemple. À suivre…

* This column was also published in Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.

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