Les effets pervers du salaire minimum
Le salaire minimum a été porté à 7,75$ l’heure le 1er mai. Comme à chaque hausse, les groupes de pressions qui déclarent défendre les travailleurs situés au bas de l’échelle salariale jugent cette majoration insuffisante. Ces groupes visent l’amélioration du niveau de vie des travailleurs, et l’augmentation du salaire minimum leur apparaît comme la solution à la pauvreté.
Or, on n’évalue pas une politique économique aux nobles intentions qui l’animent, mais aux conséquences qu’elle engendre. D’ailleurs, s’il suffisait d’imposer un salaire minimum généreux pour abolir la pauvreté, ne devrions-nous pas l’augmenter carrément à 20$ l’heure? Ne devrions-nous pas également partager notre fabuleuse découverte avec les dirigeants des pays en développement et ainsi économiser des milliards en aide internationale en plus de supprimer la pauvreté dans le monde?
La réalité fonctionne différemment. Employeurs et consommateurs se comportent en fait de manière identique. Quand le prix d’un bien augmente, nous choisissons soit de le remplacer par un autre, soit de nous en passer. De la même façon, une hausse du salaire minimum accroît le coût de la main-d’œuvre peu qualifiée, peu expérimentée et peu sollicitée. Les employeurs embauchent donc moins, remplacent les travailleurs par de l’équipement ou délocalisent leurs activités.
Un nombre astronomique d’études
Aussi regrettable que cela puisse paraître, le salaire minimum réduit le nombre d’emplois disponibles, cause du chômage et nuit aux travailleurs les moins qualifiés! Ce n’est pas une opinion, c’est un fait basé sur les conclusions d’un nombre astronomique d’études économiques.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les jeunes de moins de 24 ans, qui représentent 65% des travailleurs au salaire minimum, constituent le groupe d’âge où le taux de chômage est le plus élevé. Comme ils sont relativement peu instruits et inexpérimentés, ils sont également peu productifs. Si un employeur peut juger rentable l’embauche d’un jeune à 6,50$ l’heure, en revanche, il se passera de ses services s’il les trouve trop coûteux à 7,75$ l’heure.
Or, ce sont justement ces emplois qui permettent aux jeunes d’acquérir l’expérience nécessaire pour gravir les échelons du marché du travail et obtenir des postes mieux rémunérés. Les emplois au salaire minimum constituent donc la première marche à franchir pour entrer dans la vie active. Si la marche est basse, il est facile pour quiconque le souhaite d’intégrer le marché du travail pour ensuite gravir les échelons de la hiérarchie des salaires. Par contre, si la marche est trop haute, seuls les plus productifs peuvent espérer trouver un emploi. Ainsi, un salaire minimum élevé place les travailleurs les moins qualifiés dans un cercle vicieux. D’une part, ils n’obtiennent pas d’emplois en raison de leur faible productivité et, d’autre part, leur productivité demeure faible parce qu’ils ne trouvent pas d’emplois.
Les partisans du salaire minimum invoquent la «solidarité» pour défendre leur position. Mais est-ce faire preuve de solidarité que de voter des lois qui réduisent la probabilité que des travailleurs peu qualifiés se trouvent un emploi et améliorent leur sort? Henri Massé, président de la FTQ, a qualifié de «cheap» la récente hausse du salaire minimum. Il avait raison, c’est «cheap» de discriminer ainsi les travailleurs les moins productifs, et de les priver de la possibilité d’améliorer leurs perspectives d’emplois.
Dans les faits, ce n’est pas parce que les salaires sont faibles que les gens sont pauvres, c’est parce qu’ils sont peu qualifiés. La seule véritable solution à l’amélioration du niveau de vie passe par l’instruction et l’expérience. Si on peut contraindre un employeur à verser un salaire plus généreux, on ne peut le forcer à embaucher des travailleurs!
* This column was also published in Le Journal de Québec.
Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.