Le Québec idéal
Je pourrais résumer l’essentiel de mon propos en paraphrasant le philosophe Robert Nozick pour dire que le Québec idéal de l’avenir serait un endroit où «aucun acte capitaliste entre adultes consentants» ne serait interdit.
Que serait le Québec idéal de l’avenir?
Je n’essaierai pas ici de jouer au devin. Je vais plutôt exposer, très rapidement, ce que serait l’aboutissement des principes que j’ai défendus dans cette chronique ainsi qu’à l’Institut économique de Montréal au cours des dernières années. Il s’agit d’ailleurs de mon dernier article dans Les Affaires, puisque mes nouvelles fonctions à titre de président du Conseil du patronat du Québec ne me permettront plus d’occuper ce poste de chroniqueur indépendant. C’est donc avec une certaine émotion, chers lecteurs, que je partage avec vous ces quelques lignes.
Concrètement, il s’agirait donc d’une société où une entreprise d’assurance pourrait vendre librement de l’assurance maladie privée couvrant tous les traitements hospitaliers à ceux qui voudraient en acheter. Où un propriétaire de bar ne se ferait pas dicter par le gouvernement s’il peut ou non accueillir à l’intérieur de son établissement des fumeurs d’âge adulte. À cet égard, il s’agirait d’une société où le coût de la prime d’assurance maladie d’un fumeur serait ajusté en fonction de sa consommation de ce produit, responsabilité individuelle oblige.
Bref, il s’agirait d’une société où l’expression «vivre et laisser vivre» prendrait tout son sens et où le pouvoir des bien-pensants au prêchi-prêcha répressif serait limité au maximum.
Cette liberté ne se restreindrait pas au domaine économique, mais s’étendrait à toute la vie sociale. D’ailleurs la distinction entre le social et l’économique est selon moi en grande partie artificielle. Au contraire, selon ma vision d’autodidacte, l’approche économique consiste tout simplement à étudier l’impact des incitations sur les choix des individus. Qui plus est, on oublie trop souvent que la notion d’incitation ne se limite pas aux incitations purement monétaires. La satisfaction du travail bien fait ou encore le désir inné chez la plupart des êtres humains de vouloir respecter leur parole sont autant de sources de motivation qui peuvent influer sur le comportement d’un individu.
Ma vision du Québec idéal de l’avenir n’a rien à voir avec le clivage traditionnel droite-gauche. Elle s’oppose à l’étatisme, qu’il soit de droite ou de gauche. On pourrait la définir comme «libérale classique», car elle se fonde sur la liberté individuelle. Ainsi, je m’oppose autant aux politiciens dits «de droite» qui veulent nous empêcher, par exemple, de visionner le film de notre choix sous prétexte qu’il est «indécent», qu’aux politiciens dits «de gauche» qui imposent à des travailleurs l’obligation de financer un syndicat avec lequel ils sont en désaccord et auquel ils ne souhaitent pas appartenir.
Cette vision du Québec de l’avenir est sans nul doute irréaliste à court ou à moyen terme. Mais pour la rendre réalisable, à long terme, il suffirait, quand on y pense, de prolonger les progrès de l’époque moderne (ce que l’on a appelé «les Lumières» il y a quelques siècles), qui ont été interrompus par l’étatisme envahissant du XXe siècle. Cela nécessitera, notamment, des libres penseurs, mais aussi des hommes et des femmes d’action qui n’auront pas froid aux yeux.
Michel Kelly-Gagnon is the President of the Montreal Economic Institute.