Québec doit écouter la majorité qui désire une liberté de choix
La décision du plus haut tribunal du pays dans la cause Chaoulli ouvre la porte à une voie de réforme prometteuse de notre système de santé. Nous sommes tous témoins de la détérioration du système, et ce, malgré l’injection de milliards de dollars supplémentaires par les gouvernements. De nombreuses études ont constaté qu’une simple augmentation des dépenses publiques ne suffira pas à résoudre les problèmes ni à combler les besoins d’une population vieillissante.
D’ailleurs, un sondage Léger Marketing commandé par l’Institut économique de Montréal (IEDM) en août 2004 montrait déjà que 90% des Québécois étaient conscient que l’injection de nouveaux fonds publics n’était pas la solution pour régler de façon définitive le problème des listes d’attente dans le secteur de la santé. En effet, 53% des Québécois disaient que l’injection de nouveaux fonds publics ne réglerait le problème que de façon temporaire et 37% étaient d’avis que cela ne réglera pas du tout le problème.
Cette décision de la Cour suprême permet l’introduction d’une source de financement privé qui ne pourra qu’être bénéfique pour le réseau. Elle aura pour effet d’accorder une plus grande liberté de contracter aux patients, aux assureurs privés et aux offreurs de services de santé.
Il est tout à fait logique de permettre aux gens de suppléer au manque de ressources de l’État avec leur propres ressources financières pour avoir accès à des services hospitaliers. La Cour suprême est aussi du même avis: «[…] l’État peut difficilement empêcher les particuliers qui veulent assumer de tels coûts de choisir la façon de gérer leurs finances personnelles».
Certains groupes de pression ont affirmé que cette décision mettait en péril le système public. Il en est tout autrement, selon l’opinion majoritaire de la Cour: «La preuve concernant la situation dans d’autres démocraties occidentales où le système de santé public permet l’accès aux soins privés, réfute la théorie […] voulant que l’interdiction de souscrire une assurance privée soit liée au maintien de soins de santé publics de qualité. La participation du secteur privé ne paraît pas entraîner, en fin de compte, la disparition des soins de santé publics.» L’existence et la viabilité du système public ne sont pas menacées par l’introduction d’un système privé fonctionnant en parallèle.
Avec ce jugement, le Canada rejoint enfin l’ensemble des pays de l’OCDE, où un système public universel coexiste avec un système privé parallèle. Ces pays, comme la Suède, ont un système public qui se compare d’ailleurs avantageusement au nôtre et ils dépensent en moyenne moins que le Canada tout en offrant une meilleure accessibilité aux services médicaux. Le modèle mixte utilisé par les pays de l’OCDE tels que la France, l’Allemagne et la Suisse, pour ne nommer que ceux-là, laisse une large place au privé et donne pourtant de meilleurs résultats que le Canada. Ce jugement fait tomber les tabous et reconnaît ce fait.
Selon un autre sondage Léger Marketing réalisé en avril dernier pour le compte de l’IEDM, cette décision répond aux désirs de deux tiers des Québécois qui souhaitent avoir la liberté de payer pour obtenir des soins plus rapidement dans le secteur privé. Cette décision, en permettant aux Québécois de pouvoir payer, s’ils le désirent, pour obtenir plus rapidement des soins de santé, est conforme aux valeurs canadiennes et québécoises de liberté et de responsabilité individuelle.
Le gouvernement du Québec ne devrait pas se laisser influencer par les groupes de pression qui, défendant leurs intérêts corporatistes, souhaitent contrer ce jugement historique. Il devrait plutôt se mettre au diapason d’une très grande majorité de Québécois.
Maxime Bernier is Executive Vice-President of the Montreal Economic Institute.