Santé: pas de réforme sans le privé
Des sondages publiés au cours des derniers mois ont montré qu’une majorité de Canadiens – et les Québécois encore plus que les autres – sont ouverts à une évolution vers plus de concurrence et de choix privé dans notre système de santé. La question cruciale, que soulèvent ceux qui exploitent la peur d’un «système à deux vitesses», est de savoir si l’on peut conjuguer la garantie de soins accessibles à tous, particulièrement les moins nantis, avec l’efficacité qui découle d’une débureaucratisation et d’une application des règles du marché.
La réponse est affirmative. En effet, d’autres pays, notamment ceux d’Europe de l’Ouest reconnus comme étant plus socialistes et interventionnistes que le Canada, ont résolu ce problème sans sacrifier l’accessibilité universelle. En introduisant plus d’éléments de compétition dans un système qui reste mixte, ils ont réussi à réduire de façon importante les listes d’ attente et les autres carences qui résultent d’une planification centralisée.
Le cas de la Suède est un exemple probant: dans ce pays avec une très forte tradition social-démocrate, privatisation et concurrence sont les mots d’ ordre d’une réforme qui est allée beaucoup plus loin que ce qu’on envisage au Canada. On garantit par exemple aux patients couverts par l’assurance publique qui doivent subir une chirurgie au coeur, à la hanche, au genou, ou pour des cataractes, qu’il seront opérés à l’intérieur de trois mois; faute de quoi, ils seront transférés dans un hôpital privé ou un hôpital public d’ un autre district aux frais de l’État.
L’Institut économique de Montréal profitera de la tenue cet automne des audiences de la Commission Romanow et d’un comité du Sénat pour publier une seconde édition de son étude Le choix privé universel, rédigée par les docteurs J. Edwin Coffey et Jacques Chaoulli, qui propose une réforme dans cet esprit.
Les auteurs suggèrent de maintenir le régime public d’assurance-maladie comme service de base accessible à tous. Toutefois, un individu aurait la liberté de renoncer aux bénéfices en contrepartie d’un crédit d’impôt ou un bon d’échange équivalent aux coûts per capita du ou des services dont il choisirait de ne pas se prévaloir. Ceux-ci ne pourraient être utilisés que pour l’achat d’une assurance privée ou d’un plan couvrant la catégorie de services en question.
Les gens sans revenu pourraient également faire des choix par le biais de bons gouvernementaux qui permettraient l’achat d’assurances privées de base ou d’un plan de services de santé. Une option pour le financement des dépenses de santé de routine serait le «Régime d’épargne médicale» ou «Compte d’épargne médicales», en conjonction avec une assurance-santé catastrophe à bas prix et largement déductible qui couvrirait toutes les dépenses au-delà d’un plafond annuel. Cette option s’apparenterait au Régime enregistré d’épargne retraite avec des contributions déductibles et des retraits pour soins médicaux exempts d’impôt.
Le but est de sauvegarder les éléments qui font que personne n’est laissé pour compte tout en assurant plus de liberté de choix pour les patients et plus d’incitations à performer pour les gestionnaires et les artisans du système de santé. Comme l’a écrit F. A. Hayek, «le signal de prix est un vecteur d’information.». Autrement dit, en l’absence d’un système de prix, on est condamné à un «déficit informationnel» en ce qui a trait à l’allocation des ressources.
Peu importe le modèle, le Canada ne pourra se passer d’une réforme incluant un système privé parallèle si l’on veut empêcher la détérioration de la qualité et de l’accessibilité des soins.