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L’illusion de la guerre

Je me souviens encore d’une affirmation de feu mon grand-père Gagnon: «Rien de mieux qu’une bonne guerre pour relancer l’économie.» On a entendu de tels propos à plusieurs reprises depuis le 11 septembre.

La ministre des Finances du Québec, Pauline Marois, déclarait ainsi: «Chaque fois qu’il y a un drame comme celui-là, ça génère par ailleurs d’autres types d’investissements. Et si on a un creux temporaire, il y a une remontée de la croissance et donc une croissance du PIB.» (Le Devoir, 14 septembre 2001.)

Ce raisonnement est une extension de la théorie keynésienne selon laquelle les dépenses de l’État – y compris les dépenses militaires – stimulent l’économie en période de ralentissement. La logique est la suivante: lorsque le gouvernement se met à dépenser pour acheter des armes, avions, bateaux, etc., il crée des emplois et suscite des investissements massifs dans l’industrie militaire. Ces nouveaux employés et ces nouvelles usines occasionnent des dépenses dans des secteurs non militaires qui vont à leur tour engager du personnel et investir, etc., ce qui fait «rouler» l’économie encore plus.

Cette analyse semble plausible, mais elle laisse de côté un élément crucial: qu’aurait-on fait avec ces facteurs de production s’ils n’avaient pas servi à la production militaire?

Il ne faut jamais oublier que les ressources sont limitées. Un ingénieur ne peut pas en même temps concevoir un avion de chasse et un avion commercial. Un montant d’argent ne peut à la fois être investi pour agrandir une usine de munitions et une usine de meubles.

Les dépenses des gouvernements étant payées avec nos taxes, nous ne pouvons dépenser cet argent pour acheter des biens de consommation si l’État l’utilise pour acheter des frégates. Toute dépense de l’État contribue donc à réduire l’activité économique dans d’autres secteurs.

Loin de créer un boom économique, la guerre appauvrit tout le monde.

Au lieu de servir à produire des biens que les consommateurs veulent avoir, les facteurs de production (capital, matériaux, main-d’oeuvre) servent à construire des objets de destruction qui n’augmentent pas la richesse.

Certains diront que tout le monde travaillait pendant la Deuxième Guerre mondiale, ce qui a permis de sortir de la crise des années 1930. Il s’agit d’une illusion. Il est facile pour l’État d’éliminer le chômage lorsque la main-d’oeuvre est conscrite dans l’armée ou dans l’industrie. Cela ne signifie pas que nous sommes plus riches et que l’économie est repartie. Pendant cette période, la nourriture et plusieurs biens essentiels étaient rationnés et peu de gens avaient les moyens de s’acheter maison, voiture ou autres objets de confort.

L’économiste français Frédéric Bastiat a expliqué tout cela dans un petit texte classique, La vitre cassée, il y a plus de 150 ans. Lorsqu’une vitre se brise, le vitrier fait plus d’affaires, peut engager un nouvel employé, dépenser plus, etc. Or, le propriétaire de la vitre, lui, doit consacrer aux réparations l’argent qu’il aurait pu mettre sur un nouvel habit. Le tailleur fera donc moins d’affaires, n’engagera pas un nouvel employé, et ainsi de suite. Je vous invite à lire ce classique sur notre site Web. Bref, la guerre, sur le plan économique, c’est l’équivalent d’une vitre cassée.

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