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Le piège de la pauvreté

Le taux marginal d’imposition est ce que nous payons en impôt sur le revenu et en taxes sur la masse salariale pour chaque dollar additionnel que nous gagnons.

Comme le taux marginal modifie les comportements et les incitations au travail, il faut le calculer même pour les personnes qui touchent de l’aide sociale ou qui sont bénéficiaires d’autres programmes visant les faibles revenus.

Par exemple, un couple avec deux enfants et un seul revenu inférieur à environ 16 000 $ a droit à l’aide sociale ainsi qu’à l’aide aux parents pour les revenus de travail (il s’agit du programme «APPORT»). Les prestations diminuent en fonction du revenu de travail. À mesure que celui-ci augmente, non seulement ce couple paie des impôts (taxes sur la masse salariale surtout) sur ce qu’il gagne, mais il perd aussi de plus en plus sur le plan des prestations gouvernementales. On appelle ce taux global de perte (impôts + prestations) le «taux marginal implicite d’imposition».

Les exemples que j’utilise sont tirés des travaux du professeur Bernard Fortin de l’Université Laval. Ils se rapportent à la situation en 2002, mais demeurent d’actualité dans leurs grandes lignes.

Toujours dans le cas hypothétique d’un couple avec deux enfants et un seul revenu, le taux marginal implicite évolue comme suit. Pour chaque 1 $ de revenu de travail que la famille gagne au-delà d’environ 1 000 $, les prestations d’aide sont réduites d’au moins 0,70 $.

Si l’on considère l’impact des taxes sur la masse salariale, le taux marginal implicite passe de 70 à 80% jusqu’à des revenus de travail de 12 500 $. Passé ce seuil, et jusqu’à 16 000 $, la perte des prestations fait grimper le taux marginal implicite au-delà de… 100%! Autrement dit, la famille perd plus en prestations d’aide, impôts et taxes qu’elle ne gagne en accroissement de ses revenus de travail.

Après la disparition de l’aide sociale, qui se produit à 16 000$ de revenu de travail dans le cas de notre famille, le taux marginal implicite chute, mais il demeure autour de 60%, et ce, jusqu’à 40 000 $ de revenu familial annuel. Cela se produit parce que d’autres prestations et préférences fiscales sont graduellement éliminées. Notons que cette famille paie de l’impôt fédéral à partir de 15 000 $ de revenu de travail.

Le problème est évidemment que plusieurs personnes sont incitées à continuer à recevoir l’aide sociale parce que cela demeure plus payant. Quand on est pauvre, il ne sert pas à grand-chose de gagner plus l’argent parce que le gouvernement diminue ce qu’il nous donne de presque autant (et parfois même de plus) que ce que l’on gagne en revenu de travail. C’est le piège de la pauvreté.

Les chiffres du professeur Fortin ne tiennent pas compte de la prime à l’emploi, créée dans le dernier budget et qui, à partir de l’an prochain, remplacera le programme APPORT. Au mieux, cette mesure n’atténuera sans doute que légèrement les désincitations au travail.

Ainsi donc, les assistés sociaux qui s’accrochent pendant plusieurs années aux mamelles de l’État ne sont pas, en soi, des êtres paresseux. En fait, la plupart du temps, ils ne font que répondre rationnellement à la structure de mesures incitatives mise en place par nos gouvernements.

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