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Fixer le salaire des dirigeants

Des arguments sérieux peuvent être avancés pour défendre, ou au contraire dénoncer le niveau de rémunération des hauts dirigeants d’entreprise. Celle-ci atteint des millions de dollars pour le dirigeant d’une grande entreprise canadienne, et des dizaines de millions pour son collègue d’une entreprise américaine de même taille.

D’un côté, on soutient que, du point de vue de l’intérêt des actionnaires, la rémunération des dirigeants est trop élevée. Selon cette opinion, les conseils d’administration ne jouent pas leur rôle, parce qu’ils n’ont pas l’indépendance requise devant la direction. Ils n’examinent pas sérieusement la valeur du dirigeant sur le marché – c’est-à-dire le prix minimum qu’il faut le payer pour qu’il reste en poste –, et acceptent une surenchère irrationnelle. Quand les principaux dirigeants sont aussi des actionnaires fondateurs, qui maintiennent leur contrôle grâce à des actions à droit de vote multiple, la situation est encore pire. Stephen Jarislowsky est l’un des ténors les plus convaincants de cette thèse.

De l’autre côté, on soutient que la rémunération des dirigeants est raisonnable. C’est plus évident au Canada, où ils sont payés jusqu’à 90% de moins qu’aux États-Unis. Certaines études empiriques suggèrent qu’il n’y a pas de corrélation entre la performance des entreprises et l’indépendance de leur conseil. De toute manière, selon cette thèse, les actionnaires qui croient que les dirigeants sont trop payés peuvent proposer des résolutions à l’assemblée des actionnaires, ou vendre leurs actions. De telles prises de position feraient augmenter le coût du capital, réduiraient la rentabilité des entreprises et exerceraient des pressions en vue d’une révision de la rémunération des dirigeants.

Essayons de voir la forêt plutôt que les arbres. La théorie économique suggère de se méfier de tout ce qui ressemblerait à une approche de type top down, ou «philosophe-roi». Seul le marché peut déterminer le niveau efficace de la rémunération des dirigeants et moduler les rémunérations en fonction des conditions des régions, des industries et des entreprises individuelles. Il n’y a pas plus de rémunération juste qu’il n’y a de prix juste.

Bien sûr, les investisseurs et les critiques qui expriment des opinions sur la rémunération fournissent des éléments utiles dans le processus de concurrence. Même si celle-ci tend à corriger les inefficacités, il n’est pas impossible que des règles et des pratiques de rémunération inefficaces se soient développées. Il revient alors à des entrepreneurs (au sens de visionnaires qui découvrent des problèmes et des occasions invisibles aux yeux du commun) de proposer et d’adopter de nouvelles pratiques. S’ils ont raison, leurs actions finiront par corriger la situation.

Ce qui est certain, d’un point de vue économique, c’est que toute intervention réglementaire est à proscrire. Le marché n’est pas parfait, mais les processus politiques et bureaucratiques de l’État et de ses organismes de réglementation le sont encore moins: c’est la leçon des théories du public choice. L’imposition de règles autoritaires et inflexibles empêche le marché, y compris le marché des dirigeants, de s’adapter aux conditions changeantes et aux informations nouvelles.

Dans ce domaine comme dans d’autres, le marché est le mécanisme le plus efficace pour réconcilier des préférences individuelles diverses et des intérêts divergents.

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