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Taxis : trop peu, trop tard

Suite à l’entente entre le ministre des transports Laurent Lessard et la compagnie Uber, les propriétaires de licences de taxi sont en colère et continuent de faire pression sur Québec. Leur grande inquiétude : que la valeur de leurs permis chute dramatiquement, ce qui s’est produit dans la plupart des villes où on avait un monopole du taxi lorsqu’Uber est arrivé.

Le problème particulier des taxis vient du fait qu’ils ont demandé et obtenu l’équivalent de la gestion de l’offre dans le secteur du transport des individus, avec les résultats prévisibles : l’augmentation au fil des ans de la valeur de leurs permis, et une pression haussière continue sur le prix des courses, comme dans le secteur du lait.

Ce système de permis a fait des proprios des entrepreneurs, dont le succès et le rendement de l’investissement était assuré. Or, l’arrivée de compagnies innovantes comme Uber, Communauto et autres (et, bientôt, d’entreprises comme Lyft, Facebook et Google) les bouscule dans leur confort de monopole garanti par l’État.

La réaction épidermique des chauffeurs de taxis, qui ont menacé hier de faire la grève, veulent s’en prendre à leurs clients, en laissant entre autres les voyageurs à Dorval se débrouiller pour retourner chez eux par leurs propres moyens, en dit long : ils considèrent le marché et les clients comme leur propriété. Cet état d’esprit est d’ailleurs responsable de la complaisance, de l’absence d’innovation et de la mauvaise qualité du service qui caractérisent depuis longtemps cette industrie (d’ailleurs, il semble que l’arrivée d’Uber oblige un peu partout l’industrie du taxi à améliorer sa prestation.

Les modèles d’affaire ne durent pas éternellement. Personne et aucune industrie n’est à l’abri des changements structurels amenés par le progrès technologique et le développement du commerce international. Le marché du taxi tel qu’on le connait arrive à sa fin. Les taxis doivent s’adapter ou disparaître.

Dans le passé, les fabricants de fers à cheval ont cédé la place aux producteurs de pneus. Alors que plus de 80% des habitants travaillaient en agriculture il y a 250 ans, à peine 1,5 % de la population canadienne œuvre actuellement dans ce secteur. Postes Canada a vu son volume de courrier chuter de façon importante depuis 10 ans, en raison de l’utilisation de plus en plus importante des courriels, des médias sociaux ainsi que de la facturation en ligne et des paiements électroniques. D’autres exemples de modèles d’affaires bousculés par l’arrivée de nouvelles façons de faire :

  • Les journaux, à l’ère de l’internet, perdent lecteurs et revenus de publicité au profit des sites d’information et blogues souvent gratuits. Ils peinent d’ailleurs à trouver une solution à leurs problèmes ;
  • Les hôteliers, les locateurs de bateaux, ainsi que les éditeurs et libraires ont vu leur clientèle s’effriter avec l’arrivée de Airbnb, Click and Boat, Booxup et Amazon Kindle.
  • Les encyclopédies sont à toutes fins pratiques disparues avec l’arrivée de Wikipedia ;
  • Les services professionnels avec Kang ;
  • Les cours et diplômes universitaires avec les FLOT, dont Coursera, MRUniversity et, de plus en plus, HEC Montréal et d’autres universités canadiennes.

Les acteurs de l’industrie du taxi doivent prendre acte du changement profond qui touche ce secteur. Il n’y aura pas de retour en arrière.

Malheureusement, en plus de menacer de perturber la vie des citadins, les associations ont entrepris des recours juridiques contre Uber et songent à poursuivre le gouvernement pour atteinte à leurs droits de propriété. De telles poursuites se déroulent aussi ailleurs.

Il faut reconnaître que plusieurs ont beaucoup à perdre et que la réglementation de l’industrie est lourde et tatillonne. Pourquoi ne pas en profiter pour mettre tout le monde (taxis, Uber et autres qui s’en viennent) sur un pied d’égalité, en simplifiant l’environnement réglementaire pour tous ? Autant les consommateurs que les offreurs de services en sortiront gagnants à long terme.

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher, Current Affairs at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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