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Taxes de vente sur Internet : un débat stérile

L’idée de taxer les ventes en ligne sur des sites étrangers revient régulièrement dans les médias et dans les débats sur les politiques publiques. Actuellement, lorsqu’un Québécois achète sur un site basé à l’étranger, principalement lorsqu’il s’agit d’un petit site, les taxes de vente canadiennes ne sont pas facturées. En théorie ce serait alors au consommateur de déclarer ses achats, mais très peu le font : seulement 5 personnes l’ont fait en 2013.

Certes, on peut considérer que ces commerces virtuels font une concurrence déloyale aux magasins physiques, qui eux sont assujettis aux taxes de vente. Cependant, il faut souligner que l'ampleur du problème dépend largement du niveau de taxation et que les politiques visant à appliquer les taxes aux ventes en lignes sont peu susceptibles de fonctionner.

L’une des raisons pour laquelle les consommateurs achètent en ligne est justement afin d'éviter les taxes. Le volume d’achats réalisés dans le commerce électronique dépend largement du fardeau fiscal. Plus les taxes de vente sont élevées, plus la proportion des achats qui sont faits en ligne augmente. Une étude américaine a trouvé qu'une hausse d'un point de pourcentage des taxes dans un État augmente les ventes en ligne de 2 % et réduit les achats dans les commerces avec pignon sur rue de 3 % à 4 %.  En fait, même l'emplacement des centres de distribution des commerçants sur Internet dépend largement des taxes de vente.  Ainsi, il est clair que les achats sont réorganisés par les taxes de vente.

Si on veut réduire le problème, l'option de réduire les taxes de vente est la solution la plus directe. Elle mérite notre attention, surtout lorsqu'on connaît le cas de New York. Suite à une réduction de 4 points de pourcentage des taxes de vente à New York, les ventes en ligne ont diminué de 15 %. Les New-Yorkais ont choisi de retourner vers les magasins avec pignon sur rue, indiquant ainsi qu'ils préfèrent dans une certaine mesure les achats physiques.

En fait, c'est probablement l'option la plus facile à adopter puisque les alternatives nuisent aux consommateurs ou aux commerçants. Parfois, elles sont tout simplement irréalistes.

C’est par exemple le cas lorsque certains proposent que les taxes de vente soient prélevées par les sociétés de cartes de crédit ou les intermédiaires financiers en ligne. C’est méconnaître à la fois la fiscalité et le fonctionnement du système de paiement.

Lors des transactions utilisant une carte de crédit, les seules informations transmises aux compagnies de carte de crédit durant la transaction sont les numéros inscrits sur la carte, le nom du consommateur, le montant de la transaction et le nom du marchand. Pour déterminer les taxes à appliquer ou non, les intermédiaires financiers devraient avoir accès à la facture détaillée de façon à déterminer s’il s’agit de produits taxables ou non, si les taxes ont déjà été facturées ou non, mais aussi plusieurs informations complémentaires comme l’adresse de livraison, si celles-ci diffère de l’adresse de facturation ou non, si l’acheteur du produit en ligne était sur le sol canadien au moment de l’achat ou non, s’il s’agit d’un cadeau ou non, si le commerçant réalise un chiffre d’affaires supérieur ou inférieur à 30 000 $ canadiens, et d’autres informations auxquelles ils n’ont tout simplement pas accès.

De façon peut-être encore plus importante, l’argent ne transige pas par les compagnies de cartes de crédit : elles ne font qu’autoriser ou refuser les transactions. Il n’est pas en leur droit ni en leur pouvoir de modifier le montant des transactions.

Une autre solution, parfois proposée, est de laisser le gouvernement fédéral collecter les taxes de vente. Il s’agit d’une option irréaliste au Québec, où le fait de prélever les taxes et impôts soi-même est un symbole politique.

Une autre option est de demander aux commerçants étrangers de percevoir les taxes de vente du Québec. Elle est encore plus irréaliste, compte tenu que le gouvernement américain ne le fait pas vraiment pour le compte de l’Union européenne. Après tout, pourquoi le fisc américain dépenserait-il ses ressources pour faire appliquer des taxes de vente européennes ou québécoises?

La situation actuelle, où les Québécois ont parfois la possibilité d’éviter les taxes de vente, n’est certes pas idéale du point de vue des commerçants québécois. Ça ne veut pas pour autant dire qu’il y a une solution miracle. En fait, toutes les solutions sont irréalisables politiquement, juridiquement ou techniquement. C’est un débat stérile dans lequel les politiciens ne peuvent pas faire grand-chose.

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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