La parade des faux-vertueux
Il est vrai que vous n’avez pas choisi de naître dans une famille riche. Il est aussi vrai que n’avez pas nécessairement hérité de l’ambition ou de l’esprit d’entreprise du parent ou grand-parent qui a créé cette richesse qui vous procure des conditions de vie exceptionnelles. En revanche, vous avez le choix de voir ces conditions de vie et cet héritage soit comme un avantage (que vous avez la responsabilité de faire fructifier et de partager à bon escient), soit comme un hasard malaisant de la vie.
Chers membres de Ressources en mouvement, comme beaucoup de gens de votre génération, vous voulez « sauver la planète et réduire les inégalités ». Vous croyez aussi que l’imposition des plus riches est la voie pour y parvenir, alors que vous pourriez prendre une décision personnelle dès maintenant. Il y a deux problèmes avec cet élan d’altruisme dont la mise en scène signale déjà le caractère dysfonctionnel.
Le premier problème est éthique : il n’existe pas de comportement vertueux qui soit imposé par la force. Après tout, on ne dira pas d’une personne contrainte par la force qu’elle a posé un acte noble. Ainsi, demander que d’autres personnes soient forcées de dilapider leur héritage est particulièrement malvenu car cela retire à ces personnes la possibilité de manifester leur générosité en choisissant par elles-mêmes l’utilisation des moyens à leur disposition. C’est une chose de vouloir se décharger sur l’État de la responsabilité de décider de l’usage de ses propres ressources, cela en est une autre d’imposer cette abdication aux autres.
Le second est économique : si vous aviez pris la peine de vous renseigner sur les mécanismes qui permettent la préservation des ressources ou à la création de richesse, et étudié les effets pervers des taxes sur la fortune ou les héritages, vous vous sauriez pourquoi elles ont été abolies dans les pays qui ont tenté l’expérience. Les riches sont particulièrement mobiles et savent s’entourer des compétences leur permettant de se prémunir de ce type d’impôt. C’est toujours la classe moyenne qui paye la facture fiscale des dépenses effectuées en escomptant de nouvelles rentrées fiscales qui ne se matérialisent jamais. Aussi, les riches sont les premiers pourvoyeurs de nouveaux emplois. Les faire fuir ou désinvestir des entreprises innovantes n’améliore pas le sort des classes moyennes et défavorisées, bien au contraire.
Par ailleurs, réalisez-vous l’obscénité de votre démarche aux yeux de ceux qui travaillent fort afin d’accéder à un niveau de richesse comparable au vôtre? Ces derniers ne sont pas nés avec une cuillère argentée dans la bouche et connaissent les efforts nécessaires pour y parvenir. Conséquemment, ils respectent le fruit de ces efforts. Faut-il avoir beaucoup d’argent que l’on n’a pas gagné soi-même pour se permettre de le dénigrer autant?
Ne pas savoir quoi faire de vos immenses ressources ne justifie pas de demander à l’État qu’il exproprie vos semblables contre leur gré. De plus, la Loi sur l’impôt prévoit un mécanisme par lequel un contribuable peut faire don de ses ressources à l’État. Libre à vous de vous en prévaloir. Enfin, il est illusoire (et factuellement totalement faux) de présumer que l’essentiel des dépenses des gouvernements sont dirigées vers les gens dans le besoin. Si cela est réellement votre objectif prioritaire, il existe des organismes qui en font leur raison d’être et qui sauront vous proposer des causes et des organisations philanthropiques en phase avec vos valeurs et vos aspirations personnelles. C’est le meilleur moyen que vos nobles intentions soient reflétées efficacement dans la réalité sans être dénaturées.