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Indice du leadership provincial en matière de commerce intérieur – Édition 2023

Note économique mettant à jour notre classement des provinces et des territoires canadiennes en fonction de leur ouverture au libre-échange intérieur et examinant leurs obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre

Le Québec est la juridiction canadienne la plus fermée au commerce interprovincial, selon la plus récente édition de l’Indice de leadership provincial en matière de commerce intérieur de l’Institut économique de Montréal.

En lien avec cette publication

Québec – Champion des barrières au commerce interprovincial (La Presse, 30 novembre 2023)

Quebec has the highest number of barriers to trade between provinces: economic institute (CTV News, 30 novembre 2023)

Alberta most open to trade between provinces and territories, ranking suggests (Calgary Herald, 30 novembre 2023)

Alberta Has Fewest Barriers to Interprovincial Trade, Quebec the Most: Report (The Epoch Times, 30 novembre 2023)

Le N.-B. parmi les pires au pays pour le commerce interprovincial (Acadie Nouvelle, 1er décembre 2023)

Alberta most open to interprovincial trade, Quebec least (Western Standard, 3 décembre 2023)

Quebec most closed off to interprovincial trade: MEI (The Suburban, 6 décembre 2023)

Commerce interprovincial : le Québec et le Nouveau-Brunswick sont les plus fermés (ICI Nouveau-Brunswick, 7 décembre 2023)

The high cost of interprovincial trade restrictions in Canada(Toy Media, 27 décembre 2023)

Entrevue avec Gabriel Giguère (à partir de 12:45) (Le Téléjournal Acadie, ICI Radio-Canada, 7 décembre 2023)

 

Cette Note économique a été préparée par Krystle Wittevrongel, analyste senior en politiques publiques et leader du projet Alberta à l’IEDM, et Gabriel Giguère, analyste en politiques publiques à l’IEDM. La Collection Réglementation de l’IEDM vise à examiner les conséquences souvent imprévues pour les individus et les entreprises de diverses lois et dispositions réglementaires qui s’écartent de leurs objectifs déclarés.

Ces dernières années, le commerce intérieur est devenu l’un des principaux sujets de discussion entre les premiers ministres des provinces et territoires du Canada, et ce, à juste titre, puisqu’il contribue à la croissance économique et représente près d’un cinquième du PIB du pays(1). Or, des barrières au libre-échange interprovincial subsistent(2), augmentant de 7 % le coût des biens et des services(3). Alors que l’inflation et l’abordabilité sont au cœur des préoccupations de bon nombre de Canadiens et Canadiennes, voici la troisième édition de notre Indice du leadership provincial en matière de commerce intérieur.

Commerce intérieur : rétrospective et nouveau classement

Notre tout premier Indice du leadership provincial en matière de commerce intérieur a été rédigé et publié en 2019(4). Nous avons classé les provinces et les territoires en fonction du nombre de barrières existantes en matière de commerce interprovincial, quantifiées selon le nombre d’exceptions explicites à l’Accord de libre-échange canadien (ALEC). L’Alberta était alors le leader incontesté et le Québec occupait la dernière place(5). En 2021, nous avons publié une deuxième édition de l’Indice pour évaluer la progression des provinces et des territoires depuis 2019. Un petit nombre de provinces avaient aboli quelques-unes des exceptions à l’ALEC, tandis que d’autres en avaient ajouté de nouvelles. L’Alberta occupait toujours la première place et le Québec la dernière(6).

Dans cette troisième édition, nous évaluons à nouveau les mesures unilatérales adoptées par les provinces et les territoires en vue de favoriser le commerce interprovincial. Trois provinces, soit le Manitoba, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi qu’un territoire, le Yukon, ont diminué leur nombre d’exceptions explicites à l’ALEC depuis notre précédente édition, il y a deux ans (voir la Figure 1).

La première et la dernière place de l’Indice demeurent inchangées : l’Alberta reste en tête et le Québec bon dernier. L’Alberta a toujours conservé sa position de leader de notre Indice, grâce à l’élimination d’un grand nombre de ses exceptions peu après l’entrée en vigueur de l’ALEC en 2017. Le Québec n’a pas encore éliminé une seule exception, conservant son total de 35 exceptions, soit près de six fois plus que l’Alberta.

Parmi les autres provinces et territoires, le Manitoba continue de faire des progrès considérables dans l’élimination de ses barrières au commerce interprovincial et conserve à ce titre la deuxième place de notre indice(7). La Saskatchewan, qui avait initialement ajouté quelques exceptions, affiche maintenant le même nombre d’exceptions qu’en 2017. Elle occupe désormais seule la troisième place, alors qu’elle la partageait auparavant avec la Colombie-Britannique, qui occupe maintenant la quatrième place(8). Terre-Neuve-et-Labrador a éliminé trois exceptions pour se hisser de la huitième à la sixième place dans notre classement depuis 2021. Et bien qu’il soit classé onzième sur treize, le Yukon a enregistré des progrès qui méritent d’être soulignés. Alors qu’il avait ajouté une exception à l’ALEC entre 2019 et 2021, le Yukon a fait marche arrière et a supprimé cinq de ses exceptions depuis 2021(9).

Le Manitoba continue de faire des progrès considérables dans l’élimination de ses barrières au commerce interprovincial.

Certaines provinces et certains territoires ont ajouté des exceptions, puis en ont supprimé, ou vice-versa, de manière à se retrouver exactement au même nombre d’exceptions qu’au départ, tandis que d’autres ont vu leur nombre d’exceptions diminuer légèrement. Outre le Québec, trois provinces n’ont fait aucun changement au cours des six dernières années, soit le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse.

La quantification du niveau de libre-échange au sein du Canada sur la base du nombre d’exceptions à l’ALEC a bien évidemment ses limites. D’une part, les exceptions ne sont pas toutes équivalentes quant à leur portée ou aux coûts qu’elles entraînent. D’autre part, la mobilité interne de la main-d’œuvre est un sujet qui mérite d’être approfondi, comme nous pourrons le constater dans la section suivante.

Valoriser la main-d’œuvre canadienne grâce à une mobilité accrue

L’un des aspects importants du libre-échange intérieur est la mobilité de la main-d’œuvre, c’est-à-dire la capacité des travailleurs à se déplacer librement d’une province ou d’un territoire à l’autre sans exigence supplémentaire importante en matière de formation, d’expérience professionnelle, d’examen ou d’évaluation. Selon l’indice de liberté économique de l’Heritage Foundation, le Canada se classe 16e sur 176 pays sur le plan de la liberté du travail(10), soit au même rang que son classement général en matière de la liberté économique. Toutefois, le pointage du Canada en matière de liberté du travail a chuté de 18,1 % depuis 2006 (soit plus rapidement que la moyenne mondiale, qui a chuté de 8,7 % au cours de la même période)(11). Par ailleurs, une mesure récente du taux annuel moyen de migration régionale au Canada (entre 2013 et 2016) a révélé qu’il était bien inférieur à la moyenne de l’OCDE(12). Cette sous-performance est préoccupante, dans la mesure où elle compromet les perspectives de croissance des provinces qui imposent des obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre et nuit au potentiel de développement économique du pays.

L’absence de reconnaissance des qualifications est une problématique importante et persistante pour la mobilité de la main-d’œuvre, comme l’indique le rapport Études économiques Canada 2023 de l’OCDE(13). L’ALEC consacre un chapitre à la mobilité de la main-d’œuvre, avec pour objectif de veiller à ce que les travailleurs accrédités par un organisme de réglementation soient reconnus comme qualifiés par une autre province ou un autre territoire(14). Cette disposition s’applique de manière générale à toutes les professions, hormis quelques exceptions en raison des écarts importants entre les normes professionnelles d’une province ou d’un territoire à l’autre. Ces exceptions ne relèvent pas de l’ALEC elle-même et ne sont donc pas prises en compte dans le présent indice. Il s’agit plutôt d’exceptions répertoriées par le Groupe de travail sur la mobilité de la main-d’œuvre, mis sur pied dans le cadre de l’ALEC, que les provinces et territoires continuent de revoir et de mettre à jour au fil du temps(15).

Bien que l’Alberta maintienne sa position de leader en matière d’ouverture au commerce interprovincial, davantage doit être fait sur le plan de la mobilité de la main-d’œuvre.

Bien que l’Alberta, comme nous l’avons vu, maintienne sa position de leader en matière d’ouverture au commerce interprovincial sur la base du nombre d’exceptions à l’ALEC, davantage doit être fait sur le plan de la mobilité de la main-d’œuvre. En effet, l’Alberta est la province qui présente le plus de barrières à la mobilité de la main-d’œuvre, en fonction du nombre d’exceptions professionnelles aux règles de mobilité de l’ALEC (voir la Figure 2).

Le gouvernement de l’Alberta a récemment adopté une loi sur la mobilité de la main-d’œuvre (Labour Mobility Act), dont l’objectif est de simplifier la mobilité des Canadiens qualifiés dans plus d’une centaine de professions réglementées(16). Bien que cette loi soit un pas dans la bonne direction, des efforts supplémentaires sont nécessaires. D’autant plus qu’un certain nombre d’obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre en Alberta touchent les professionnels de la santé (hygiénistes dentaires, infirmières auxiliaires autorisées, technologues en radiation médicale, infirmières praticiennes spécialisées, personnel ambulancier paramédical et podiatres), alors que la pénurie de tels professionnels dans la province a atteint un niveau critique, en particulier dans les régions rurales(17). En outre, un nombre record de Canadiens et de Canadiennes choisissent de s’établir en Alberta(18). Pour tirer le meilleur parti de ses ressources, l’Alberta doit remédier à ces exceptions professionnelles.

La mobilité de la main-d’œuvre permet non seulement d’augmenter le volume des échanges interprovinciaux, mais aussi d’améliorer la productivité(19). Il en résulte également une réduction des écarts salariaux, dans la mesure où la mobilité des travailleurs atténue les disparités de productivité(20). Le Budget 2023 prévoit des mesures visant à améliorer la mobilité de la main-d’œuvre au Canada, notamment par l’élaboration d’un cadre fédéral sur la reconnaissance mutuelle. L’objectif est de définir une approche politique concertée et d’inciter les provinces et les territoires à renforcer la mobilité de la main-d’œuvre et le commerce intérieur au Canada(21). Ce cadre devrait prévoir, au minimum, un mécanisme robuste et uniforme en matière d’évaluation et de reconnaissance des qualifications, accompagné de lignes directrices claires à l’intention des organismes de réglementation professionnelle. Par ailleurs, l’intégration de périodes de transition et la mise en place de mécanismes de confiance entre les organismes de réglementation se sont avérées propices à une libéralisation réussie du commerce et de la mobilité de la main-d’œuvre(22).

Une reconnaissance mutuelle à l’échelle du Canada pourrait se traduire par une augmentation à long terme du PIB de 4,4 % à 7,9 %, soit entre 2900 $ et 5100 $ par Canadien.

Des études récentes montrent qu’une reconnaissance mutuelle à l’échelle du Canada pourrait se traduire par une augmentation à long terme du PIB pouvant aller de 4,4 % à 7,9 %, soit entre 110 et 200 milliards de dollars par année, ou entre 2900 $ et 5100 $ par Canadien(23). Pour l’Alberta, cela correspond à des gains de 2300 $ à 3000 $ par habitant(24). Manifestement, les avantages de la reconnaissance mutuelle sont considérables.

Conclusion

Accroître le commerce intérieur entre les provinces et les territoires du Canada demeure un défi, bien que les avantages potentiels soient nombreux. Le Manitoba, la Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador et le Yukon sont parvenus à réduire les exceptions à l’ALEC depuis notre dernière édition, il y a deux ans. À l’inverse, la stagnation des progrès au Québec et ailleurs est décevante. Et bien que l’Alberta conserve la première place en raison de son faible nombre d’exceptions à l’ALEC, l’inclusion des barrières à la mobilité de la main-d’œuvre dans la présente édition brosse un tableau plus nuancé de la situation.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux devraient déployer des efforts afin de libéraliser le commerce intérieur et unifier le marché canadien. La suppression des barrières et une plus grande mobilité de la main-d’œuvre, notamment au moyen d’accords de reconnaissance mutuelle, pourraient accroître la productivité et le PIB, au plus grand bénéfice de l’ensemble des Canadiens. Toutefois, la réussite de ces accords repose sur un encadrement et un leadership politique soutenu. La volonté du gouvernement fédéral d’élaborer un Cadre fédéral sur la reconnaissance mutuelle nécessite l’adhésion des gouvernements provinciaux et territoriaux de manière à contribuer à la résilience et à la prospérité de l’économie canadienne.

Références

  1. Ryan Manucha et Trevor Tombe, Liberalizing International Trade through mutual recognition, Institut MacDonald Laurier, septembre 2022, p. 4; Premiers ministres des provinces et des territoires, Commerce intérieur, consultée le 15 août 2023.
  2. OCDE, Études économiques de l’OCDE : Canada 2023, 6 mars 2023, p. 48-49.
  3. Robby K. Bemrose, W. Mark Brown et Jesse Tweedle, Parcourir tout le trajet : estimer l’effet des frontières provinciales sur le commerce lorsque l’unité géographique compte, Statistique Canada, 14 septembre 2017, p. 32-33, 35. Il y a eu des changements au niveau provincial et territorial depuis cette étude de 2017 qui pourraient avoir un léger impact sur cette estimation.
  4. En collaboration avec la Canadian Constitution Foundation.
  5. Mark Milke, Internal Trade Provincial Leadership Index, IEDM, Cahier de recherche, novembre 2019.
  6. Olivier Rancourt et Krystle Wittevrongel, Indice du leadership provincial en matière de commerce intérieur – Édition 2021, IEDM, Cahier de recherche, mars 2021, p. 18.
  7. Province du Manitoba, « Le gouvernement manitobain facilite le commerce intérieur canadien », Communiqué de presse, 12 janvier 2023.
  8. Olivier Rancourt et Krystle Wittevrongel, op. cit., note 6.
  9. Gouvernement du Yukon, « Minister Pillai chairs annual Committee on Internal Trade meeting in Toronto », Communiqué de presse, 8 décembre 2022.
  10. La liberté du travail comprend la capacité des citoyens à trouver des possibilités d’emploi et à travailler, ainsi que la capacité des entreprises à passer librement des contrats de travail et à congédier les travailleurs excédentaires. Il s’agit donc d’une notion plus large que la mobilité de la main-d’œuvre. Anthony B. Kim, 2023 Index of Economic Freedom, The Heritage Foundation, 2023, p. 4, 15, 88-89.
  11. Le pointage du Canada est passé de 84,2 à 69,0, alors que la moyenne mondiale est passée de 60,9 à 55,6. The Heritage Foundation, 2023 Index of Economic Freedom, Graph the Data, consultée le 18 septembre 2023; The Heritage Foundation, Graph the Data, Labor Freedom, consultée le 18 septembre 2023; The Heritage Foundation, 2023 Index of Economic Freedom, Explore the Data, consultée le 10 octobre 2023.
  12. OCDE (2018), Regions and Cities at a Glance (base de données), citée dans Müge Adalet McGowen et Juan Antona San Milan, Reducing regional disparities for inclusive growth in Spain, Documents de travail du Département des Affaires économiques de l’OCDE no 1549, 15 mai 2019, p. 19.
  13. OCDE, op. cit., note 2.
  14. Accord de libre-échange canadien, version consolidée, 31 janvier 2023. p. 83-84.
  15. Mobilité de la main-d’œuvre, Exceptions à la mobilité de la main-d’œuvre, consultée le 15 août 2023; Mobilité de la main-d’œuvre, Exceptions par gouvernement, consultée le 15 août 2023.
  16. Province de l’Alberta, Labour Mobility Act, 6 avril 2023; Gouvernement de l’Alberta, Labour mobility within Canada, consultée le 10 octobre 2023.
  17. Emily Mertz, « Alberta union raises alarm over health-care staffing shortage: “The crisis is not over” », CBC News, 18 avril 2023.
  18. David Staples, « Canadians voting with their feet and they’re picking Alberta », Edmonton Journal, 30 juin 2023.
  19. Aziz Nusrate et Gerry Mahar, « Labour mobility and interprovincial trade in Canada », EconStor, GLO Discussion Paper, no 341, Global Labor Organization (GLO), Essen, p. 1; Müge Adalet McGowen et Juan Antona San Milan, op. cit., note 12, p. 18.
  20. Orsetta Causa, Nhung Luu et Michael Abendschein, Labour Market Transitions Across OECD Countries: Stylised Facts, Documents de travail du Département des Affaires économiques de l’OCDE no 1692, 10 décembre 2021, p. 7.
  21. Gouvernement du Canada, Budget 2023 : un plan canadien, 2023, p. 98.
  22. Carreito et al., 2016, cité dans Ryan Manucha et Trevor Tombe, op. cit., note 1, p. 26.
  23. Ibid., p. 5.
  24. Les mesures unilatérales se traduisent tout de même par des gains de PIB, bien que ceux-ci soient plus limités que dans le cas d’une reconnaissance mutuelle plus large. Par exemple, l’Alberta réaliserait un gain équivalent à environ deux tiers de celui que produirait une libéralisation à l’échelle nationale. Ibid., p. 37-39.
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