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Textes d'opinion

CRTC: un contrôle des prix qui pénalise l’innovation

Qui n’a jamais vécu l’expérience d’une connexion instable pendant une visioconférence ou le visionnement d’un film en ligne? Cette situation est plus fréquente pour certains d’entre nous, notamment dans les régions rurales. Dans l’ensemble, les réseaux de télécommunications ont néanmoins tenu bon depuis l’entrée en vigueur des restrictions anti-COVID-19, grâce à des investissements substantiels et en dépit de l’incertitude tarifaire sur les prix de gros du CRTC qui les a pénalisés. Or, pour que la population continue à disposer de services Internet performants et fiables, les autorités doivent arrêter de jouer avec ces prix et laisser les entrepreneurs innover et investir dans les réseaux du futur.

Depuis le début de l’année 2020, la consommation de services Internet a explosé étant donné les activités effectuées à distance, que ce soit pour le travail, les études ou le divertissement. Le volume moyen de données en téléchargements par abonnement a connu une hausse de 80% depuis le début de 2019, passant de 204,8 Go à 368,8 Go, soit une demande équivalant à plus de 160 heures de contenu vidéo sur Netflix.

Cette augmentation de la consommation de données n’aurait pas été possible sans de constants investissements en amont, notamment des entreprises dotées d’installations, totalisant en moyenne plus de 8,5 milliards de dollars par année depuis 2013 pour déployer et maintenir les réseaux (voir figure 1).

Figure 1 : Investissements dans les installations filaires et équipements de télécommunications, 2013-2020


Source : CRTC — Rapports sur le marché des communications — Données ouvertes, Tableau T-S3, décembre 2021.

Ces investissements reflètent la concurrence intense que se livrent les gros fournisseurs d’Internet (compagnies de téléphonie et câblodistributeurs en tête). Or le CRTC n’a pas arrêté, jusqu’à sa décision de mai 2021, de leur mettre des bâtons dans les roues, imposant notamment des baisses des prix de gros afin de promouvoir artificiellement l’entrée de nouveaux revendeurs sur le marché.

L’évolution des tarifs de capacité pour le transport de données par tranche de 100 Mb/s illustre bien cette tendance du CRTC. En 2016, il a ainsi réduit fortement les prix, jusqu’à près de 90% dans certains cas, même s’il avait annoncé trois ans plutôt avoir clos l’examen minutieux des prix de gros après les avoir déclarés définitifs. De même, en 2019, le CRTC a annoncé de nouvelles baisses de tous les prix de gros censées s’appliquer de manière rétroactive à partir de 2016.

Ces baisses pré-COVID-19, notamment celles de 2016, ont pénalisé les opérateurs dotés d’installations et leurs investissements. Sans elles, la population canadienne aurait eu accès à de nouveaux réseaux plus rapides et de meilleure qualité, plus tôt. En mai dernier, le CRTC est revenu sur sa décision de 2019 en annulant cette nouvelle baisse des tarifs de gros proposée. Les revendeurs, qui rappelons-le n’investissent que des sommes minimes par rapport aux fournisseurs détenant leurs installations, contestent cette dernière décision du CRTC.

Les autorités devraient y réfléchir à deux fois avant d’aller dans ce sens si elles veulent que les consommateurs canadiens continuent de disposer de services Internet performants et fiables, car une telle annulation — bien qu’elle puisse favoriser les revendeurs au détail et certains consommateurs par des prix plus bas à court terme — se fera au détriment de la fiabilité et de la qualité des réseaux dans le futur.

À quoi bon payer moins cher si on n’arrive pas à à faire un appel fluide en famille sur Zoom ou à visionner une nouvelle série sur Netflix?

Gabriel Giguère est analyste en politiques publiques à l’IEDM et Valentin Petkantchin est chercheur associé senior à l’IEDM. Ils sont les auteurs de « Pour un cadre stable et favorable aux investissements, à l’innovation et à la concurrence dans l’Internet à large bande » et signent ce texte à titre personnel.

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