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Le Point – Combien BIXI a-t-il coûté aux Montréalais?

Le système de vélos en libre-service BIXI va bientôt entamer sa neuvième saison. Depuis sa création au printemps 2009, BIXI a survécu grâce aux fonds publics. Quelle est la facture pour les contribuables montréalais? Si l’objectif était de favoriser l’usage du vélo et le transport actif, les fonds affectés à ce service auraient-ils pu être mieux dépensés?

Communiqué de presse : BIXI vaut-il 60 millions $?
 

En lien avec cette publication

No, Bixi Montreal is not profitable (Montreal Gazette, 12 avril 2017)

BIXI vaut-il 60 millions ? (Blogue de l'IEDM du Journal de Montréal, 12 avril 2017)

Y aurait-il du vélo sans BIXI? (Huffington Post Québec, 19 avril 2017)

  Reportage (en anglais) avec Bradley Doucet (CTV News Montreal, CFCF-TV, 12 avril 2017)

Entrevue (en anglais) avec Bradley Doucet (CTV News Montreal, CFCF-TV, 15 avril 2017)

Reportage avec Jasmin Guénette (Réseau TVA, 15 avril 2017)

Le Point – Combien BIXI a-t-il coûté aux Montréalais?

Le système de vélos en libre-service BIXI va bientôt entamer sa neuvième saison. Depuis sa création au printemps 2009, BIXI a survécu grâce aux fonds publics. Quelle est la facture pour les contribuables montréalais? Si l’objectif était de favoriser l’usage du vélo et le transport actif, les fonds affectés à ce service auraient-ils pu être mieux dépensés?

De 2009 au début de 2014, la Société de vélo en libre-service (SVLS), un organisme sans but lucratif, était chargée d’exploiter les trois secteurs d’activités de BIXI : la gestion du système de vélos, la vente du système BIXI et des équipements à l’international, et les services de centre d’appels(1).

La SVLS a rapidement connu des problèmes financiers. En juin 2011, Montréal lui a accordé un prêt de 37 millions $. La Ville s’est aussi portée garante pour une marge de crédit de 11 millions $. En dépit de ce soutien, la SVLS avait accumulé des pertes totalisant plus de 22 millions $ à la fin de 2013. En janvier 2014, Montréal décidait de placer l’organisme sous la protection de la Loi sur la faillite. Le solde du prêt et de la marge de crédit totalisait alors 38,2 millions $, dont la Ville était ultimement responsable(2).

Lors de la faillite de la SVLS, Montréal a hérité du volet montréalais de BIXI et vendu son volet international à un entrepreneur privé pour 4 millions $. Après le remboursement de la marge de crédit par la Ville, le déboursé total de cette première phase pour les contribuables montréalais a donc été d’environ 34,2 millions(3).

Différente recette, mêmes résultats

Depuis la saison 2014, c’est l’organisme sans but lucratif BIXI Montréal qui opère le système de vélos en libre-service dans la métropole. Pour sa première saison, la Ville a versé au nouvel OSBL des « revenus de gestion » de 4 millions $, une subvention de démarrage de 165 000 $ et un prêt de 460 000 $ pour l’achat d’immobilisations(4).

Selon ses états financiers, l’organisme a dégagé un excédent de 867 187 $ en 2014, qui a notamment permis d’acquérir de l’équipement et de retourner 165 336 $ à la Ville(5). En réalité, les opérations de BIXI Montréal n’étaient toujours pas rentables. Sans le soutien de la Ville, l’OSBL aurait enregistré un déficit de 3,7 millions $(6).

La dépense pour les Montréalais ne s’est pas arrêtée là. En 2015, la Ville s’engageait à assurer le financement de BIXI Montréal à hauteur de 2,9 millions $ par an jusqu’en 2019, inclusivement. L’entente prévoit que l’organisme peut garder l’ensemble des revenus, incluant le montant versé par la Ville, s’ils ne sont pas dépensés à la fin de l’année financière(7).

Les états financiers pour 2015 montrent que l’OSBL a dégagé un excédent de 281 996 $ lors de cet exercice. Sans la contribution de la Ville, cet excédent aurait plutôt été un déficit d’environ 3 millions $(8). Les états financiers de 2016 ne sont pas disponibles au moment d’écrire ces lignes, mais rien n’indique que le portrait financier sera radicalement différent : si BIXI Montréal génère des surplus, c’est parce que les contribuables subventionnent l’organisme à hauteur de près de 3 millions $ par an, ce que la Ville a garanti jusqu’en 2019.

Aux quelque 34,2 millions $ en fonds publics qui ont été engloutis dans la SVLS de 2011 à 2013 et à la subvention de 4 millions $ versée en 2014 s’ajouteront donc, au minimum, les 14,6 millions $ que la Ville versera à BIXI Montréal pour la période de 2015 à 2019. Montréal a aussi annoncé qu’elle dépensera 9,4 millions $ au cours des trois prochaines années pour l’amélioration des équipements de BIXI(9). Lorsque BIXI fêtera son 10e anniversaire, en 2019, l’entreprise aura donc coûté plus de 60 millions $ aux Montréalais, en plus des frais déboursés chaque année par les utilisateurs.

La capitale du vélo?

On entend souvent dire que Montréal est la capitale canadienne et même nord-américaine du vélo, mais la réalité est plus nuancée. Parmi cinq grandes villes canadiennes, Montréal est première pour le nombre de déplacements quotidiens et pour le nombre de voies séparées, deuxième pour la densité de son réseau et troisième pour sa longueur totale. Par contre, en tenant compte de sa population, Montréal est quatrième en ce qui a trait aux infrastructures cyclables. Elle est également quatrième pour la proximité des stations de transport en commun « rapide » (comme le métro) du réseau cyclable(10).

De plus, si l’objectif de la mise en service de BIXI était d’augmenter l’usage fréquent du vélo chez les Montréalais, il n’a pas été atteint. Au contraire, le nombre de cyclistes « réguliers », soit ceux qui font du vélo au moins une fois par semaine, a diminué d’un peu plus de 24 000 entre 2010 et 2015, soit environ 8 %(11). Enfin, l’impact de BIXI sur l’environnement est probablement négligeable, puisqu’il semble remplacer essentiellement des déplacements à pied, en vélo ou en transport en commun(12).

Conclusion

On peut aujourd’hui se demander si dépenser 60 millions $ en dix ans pour maintenir un service public essentiellement confiné aux quartiers centraux était la meilleure solution pour favoriser l’usage du vélo et le transport actif. Aurait-on pu développer davantage le réseau cyclable ou y ajouter, par exemple, des stationnements dédiés? Qui sait quelles solutions auraient émergé, comme ce fut le cas pour l’autopartage, en l’absence d’une intervention publique privilégiant un modèle unique?

Tout indique que ce qui se présentait comme un service autofinancé, voire profitable, se traduira finalement par une facture additionnelle et récurrente pour le contribuable.

Ce Point a été préparé par Jasmin Guénette, vice-président de l’IEDM, et Bradley Doucet, réviseur et analyste de politiques publiques à l’IEDM.

Références

1. Pierre-Olivier Strini, « BIXI : de la reconnaissance mondiale à la faillite », Richter, novembre 2014.
2. Le solde du prêt était de 31,7 millions $, et de 6,5 millions $ pour la marge de crédit garantie par la Ville. Cour supérieure du Québec, Rapport du Syndic sur l’état des finances de la débitrice en relation avec la demande de prorogation de délai, 4 avril 2014, p. 2 et 3.
3. Le rapport du syndic fait état de sommes non précisées dans les comptes de banque de la SVLS, totalisant approximativement 700 000 $ à 1,7 million $, ce qui aurait réduit ce montant. Voir Cour supérieure du Québec, « Rapport du syndic en relation avec la demande pour l’autorisation de vendre certains biens de la débitrice hors du cours normal de ses affaires », 15 avril 2014, p. 6. Montréal a également reçu des actifs physiques dont la valeur a été estimée à 11,9 millions $ en échange d’un allègement de sa dette. Voir Cour supérieure du Québec, ibid., p. 6 et 7.
4. BIXI Montréal, « États financiers de BIXI Montréal au 31 décembre 2015 », 2016, p. 4-6 et 13.
5. Idem.
6. Ibid., p. 7 et 11.
7. Ibid., p. 13.
8. Ibid., p. 4.
9. Les dépenses totales annoncées par la Ville aux médias sont de 9,4 millions $, mais le plan triennal mentionne plutôt un montant de 7,5 millions $. La Ville de Montréal nous a confirmé le montant de 9,4 M $ au début avril 2017. Voir Jeanne Corriveau, « Bixi prendra de l’expansion », Le Devoir, 20 octobre 2016; Ville de Montréal, Programme triennal d’immobilisations 2017-2019 Service des infrastructures, de la voirie et des transports, Présentation à l’intention des membres de la Commission sur les finances et l’administration, 17 novembre 2016, p. 34.
10. Nithya Vijayakumar et Cherise Burda, « Cycle Cities: Supporting cycling in Canadian cities », Pembina Institute, novembre 2015, p. 14.
11. Camille Gaior, « État du vélo à Montréal en 2015: Les cyclistes assidus boudent les rues », Le Journal de Montréal, 4 juillet 2016.
12. « Le Bixi pas si vert qu’on le croit », Radio-Canada, 9 septembre 2010.

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