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Québec doit garder le cap vers l’équilibre budgétaire

Point montrant que le gouvernement devrait établir un comité de révision des dépenses pour réduire le rythme de l’augmentation des dépenses afin d’améliorer sa santé financière

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L’endettement des générations futures n’est pas un bon projet de société (Le Journal de Montréal, 11 mars 2024)

 

Ce Point a été préparé par Gabriel Giguère, analyste en politiques publiques à l’IEDM, et Renaud Brossard, vice-président, Communications à l’IEDM. La Collection Fiscalité de l’IEDM vise à mettre en lumière les politiques fiscales des gouvernements et à analyser leurs effets sur la croissance économique et le niveau de vie des citoyens.

Le prochain budget sera « largement déficitaire » selon le gouvernement caquiste(1). L’équilibre budgétaire, initialement prévu pour 2027-2028 lors de la mise à jour économique de l’automne dernier, sera vraisemblablement repoussé en raison des nouveaux engagements financiers qui résultent des récentes négociations avec les syndicats du secteur public. Or, le report de l’équilibre budgétaire entraînerait des effets délétères sur la dette publique du Québec.

Le scénario d’un retour à l’équilibre budgétaire

Le gouvernement Legault avait maintenu le cap vers l’équilibre budgétaire lors de sa mise à jour économique, malgré la baisse de revenus associée à une faible prévision de croissance économique de 0,7 % pour l’année 2024(2). Cette décision en matière de finances publiques respectait d’ailleurs la Loi sur l’équilibre budgétaire, car un budget déficitaire doit intégrer un scénario de retour à l’équilibre dans un délai maximal de cinq ans(3).

Un budget sans déficit indique que les services fournis à la société correspondent à la capacité actuelle de payer, sans transférer le fardeau de ces services aux générations futures par l’entremise d’une dette. Et dans un contexte de hauts taux d’intérêt, de nouveaux déficits accentueraient la pression sur les dépenses publiques par une hausse du service de la dette. Dans la mise à jour d’automne, les paiements du service de la dette étaient projetés à 11,1 milliards de dollars en 2027-2028, soit une augmentation de plus d’un milliard de dollars par rapport aux projections pour l’année financière 2024-2025(4). Des paiements d’intérêts qui augmentent retirent la possibilité au gouvernement d’utiliser cet argent dans d’autres postes de dépense, comme la santé ou l’éducation, ou simplement pour réduire la charge fiscale des Québécois.

Le scénario d’un report de l’équilibre budgétaire

Les négociations salariales avec les différentes centrales syndicales du secteur public ont débouché sur une entente(5) qui alourdira la tâche du retour à l’équilibre budgétaire, selon le ministre des Finances. Les projections de hausses salariales lors de la mise à jour économique s’élevaient à 10,3 % sur cinq ans(6). Or, dans les faits, ces augmentations salariales vont plutôt atteindre 18,6 %(7), creusant ainsi encore davantage, d’environ 80 % de plus, les dépenses initialement prévues en personnel des différents portefeuilles ministériels.

À terme, la « bonification » de l’entente établit les dépenses de portefeuilles additionnelles à plusieurs milliards de dollars. Pour l’année 2027-2028 seulement, les dépenses de portefeuilles seront ainsi plus élevées de 4,1 milliards de dollars approximativement (voir la Figure 1). Même en calculant les coûts nets, c’est-à-dire en intégrant les revenus d’imposition des salaires plus élevés des employés du secteur public, la pression sur le budget reste majeure avec des dépenses additionnelles de 2,8 milliards de dollars.

La hausse marquée de cette composante des dépenses de fonctionnement rend d’autant plus importante l’application d’une rigueur budgétaire dans les autres postes budgétaires, si le retour à l’équilibre demeure de mise.

Établir un comité de révision des dépenses

Une réduction du rythme de l’augmentation des dépenses pour atteindre l’équilibre budgétaire permettrait d’améliorer la santé financière de l’État québécois. Pour ce faire, une révision des dépenses pour les différents portefeuilles ministériels doit être envisagée par le gouvernement.

Ce type d’approche a par exemple été adopté par le gouvernement Harper à Ottawa suite à la crise économique de 2008-2009. Cette révision s’est avérée positive pour les finances publiques en permettant des économies récurrentes de cinq milliards $, dont la majorité en dépenses opérationnelles(8). L’approche mise en place par le gouvernement Chrétien lors de ses premières années au pouvoir, qui a consisté à réduire de plusieurs dizaines de milliers de postes l’effectif de la fonction publique, pourrait également inspirer le gouvernement caquiste(9).

Un comité piloté par le Secrétariat du Conseil du trésor du Québec pourrait par exemple entamer une révision des dépenses en se penchant sur la hausse de 5223 employés de la fonction publique en équivalent temps plein depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de la CAQ(10). Une telle révision serait d’autant plus pertinente compte tenu de la promesse(11) faite en 2018 par le gouvernement de plutôt éliminer 5000 postes de fonctionnaires.

Le respect de cette promesse, combinée à l’objectif de retour vers l’équilibre budgétaire, engagerait donc le gouvernement Legault à supprimer d’ici 2027-2028 environ 10 000 postes de fonctionnaires. Une telle mesure devrait être au centre de la révision budgétaire, qui doit viser un ralentissement de la croissance de l’ensemble des dépenses de portefeuilles.

Références

  1. Tommy Chouinard, « Le budget “largement déficitaire” sera déposé le 12 mars », La Presse, 22 février 2024.
  2. Finances Québec, Le point sur la situation économique et financière du Québec, automne 2023, p. A.3.
  3. Gouvernement du Québec, Loi sur l’équilibre budgétaire, art. 11, consulté le 12 février 2024.
  4. Finances Québec, op. cit., note 2, p. A.18.
  5. Julie Roy, « Négociations dans le secteur public : Legault prévoit un budget “largement” déficitaire », Radio-Canada, 18 février 2024. Les ententes salariales visent une part importante du secteur public, mais certaines centrales syndicales n’ont pas encore accepté la dernière proposition. C’est notamment le cas de la Fédération des infirmières du Québec (FIQ).
  6. Finances Québec, op. cit., note 2, p. A.19.
  7. Le chiffre de 18,6 % inclut les intérêts composés, car sinon il s’agirait plutôt d’une augmentation de 17,4 %. Luc Godbout et al., « Réflexions de finances publiques et pistes d’action en fiscalité pour faire les bons choix pour le Québec », Mémoire prébudgétaire, Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques, Université de Sherbrooke, 2 février 2024, p. 9.
  8. Miguel Ouellette, « Québec doit se doter d’un comité permanent de révision des dépenses », IEDM, Point, février 2021, p. 2.
  9. Gabriel Giguère, « L’hypertrophie de la fonction publique fédérale : Justin Trudeau bon dernier dans le classement des premiers ministres canadiens depuis 40 ans », IEDM, Note économique, janvier 2024, p. 5.
  10. Secrétariat du Conseil du trésor, « Stratégie de gestion des dépenses et renseignements supplémentaires », Budget de dépenses 2023-2024, mars 2023, p. 20; Secrétariat du Conseil du trésor, « Stratégie de gestion des dépenses et renseignements supplémentaires », Budget de dépenses 2020-2021, mars 2020, p. 21.
  11. Martin Croteau, « La CAQ veut couper 5000 postes dans la fonction publique », La Presse, 28 août 2018.
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