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Mettre fin à la dépression du confinement

Point sur les coûts énormes du confinement, notamment en ce qui a trait aux pertes d’emplois et aux finances publiques

Les mesures de confinement ont été mises en place dans l’urgence et apparemment sans prendre en considération leur coût économique et social. Dans cette publication, des chercheurs tentent de chiffrer l’impact réel des mesures de confinement.

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Entrevue (en anglais) avec Peter St. Onge (CTV News Montreal 12:30PM, CFCF-TV, 6 juillet 2020)

 

Ce Point a été préparé par Peter St. Onge, chercheur associé senior à l’IEDM, en collaboration avec Gaël Campan, économiste senior à l’IEDM. La Collection Fiscalité de l’IEDM vise à mettre en lumière les politiques fiscales des gouvernements et à analyser leurs effets sur la croissance économique et le niveau de vie des citoyens.

Selon les données sur l’emploi de Statistiques Canada, le Québec commence déjà à se remettre de la « dépression du confinement » plus rapidement que le reste du Canada. Les données sur l’emploi du mois de mai indiquaient une disparité entre les secteurs ouvriers rouverts rapidement par les décideurs publics, et ceux qui rouvrent trop lentement.

Le mois dernier, le Québec a ajouté 230 900 emplois, ce qui représente 80 % des nouveaux emplois nets au Canada (voir Figure 1). Le reste du pays a connu une croissance anémique de 58 700 nouveaux emplois nets, et l’Ontario en a quant à elle perdu 64 500, alors que son gouvernement garde l’économie en grande partie fermée(1).

Ce contraste montre à quel point les pertes d’emploi massives depuis mars sont attribuables presque exclusivement au confinement plutôt qu’à la COVID-19 elle-même. En fait, l’augmentation du taux de chômage dans les pays non confinés, comme la Suède et le Japon, a été beaucoup moindre qu’ici(2).

Les coûts énormes du confinement s’accumulent chaque jour. En plus du chômage élevé, les déficits gouvernementaux ont explosé, sans parler de faillites, d’épargnes qui fondent et de suicides, bien que cela puisse être difficile à quantifier.

Il était légitime et important pour les décideurs publics de mettre en place des mesures fortes afin de sauver des vies. Or, il y avait des façons moins nuisibles à l’économie de le faire, par exemple en se concentrant sur les personnes âgées et sur des confinements ciblés(3). Ce qui est fait est fait, l’idée n’est donc pas de ressasser le passé, mais bien d’en tirer des leçons. Les restrictions qui perdurent, et tout nouveau fardeau imposé aux petites entreprises, doivent se fonder sur des études scientifiques fiables et vérifiables. À l’avenir, les décideurs devront mieux prendre en considération l’impact de leurs mesures sur la pauvreté et le bien-être économique.

Coût en emplois du confinement

Du début de la crise à avril, le taux de chômage canadien a presque triplé afin d’atteindre 13,7 %. Au Québec, le taux a presque quadruplé, atteignant 17 %. Si l’on inclut les gens qui ont abandonné leur recherche d’emploi, les pertes d’emploi sont environ le double. Quelques 820 000 emplois ont été perdus au Québec en mars et avril, soit près d’un emploi sur cinq(4). En incluant les heures de travail réduites, environ 5,5 millions de travailleurs canadiens ont été affectés par le confinement(5).

Avec le confinement de chacune des provinces, la crise économique a affecté l’ensemble du pays, et principalement les ouvriers pour lesquels le travail de la maison n’est pas une option. Il s’agit notamment d’emplois dans la construction, le secteur manufacturier, la vente en gros et le détail, ainsi que le secteur de l’hospitalité et de la nourriture. Ces quatre secteurs mis ensemble représentent 59 % des pertes d’emploi en avril comparé à l’année précédente(6).

Puis, en mai, le Québec a commencé à rouvrir alors que le Canada, en général, continuait d’attendre. Le Québec a assoupli les règles pour des industries « col bleu » – la construction à la mi-avril, puis le manufacturier et le détail à l’extérieur de Montréal(7). Comme de fait, l’emploi a repris dans ces trois secteurs. Pour ce mois seulement, le taux de chômage au Québec a diminué de 3,3 points de pourcentage, alors qu’il a augmenté dans le reste du pays, puisque les travailleurs recommençant à chercher de l’emploi sont plus nombreux que les emplois créés(8).

Coût fiscal du confinement

Les pertes d’emploi fournissent une indication des coûts du confinement; les finances publiques en fournissent une autre. Avant la crise, le Québec générait des surplus budgétaires et faisait une contribution annuelle au Fonds des générations(9). Pendant ce temps, la dette augmentait à Ottawa, avec un déficit de 11 milliards $ pour les neufs premiers mois de l’année fiscale 2019-2020(10).

Le confinement a tout changé. En quelques semaines, le Québec avait distribué 19 milliards $ en aide gouvernementale ou en report d’impôts(11). Le ministre des Finances Éric Girard avertissait que le retour à l’équilibre budgétaire pourrait prendre cinq ans, estimant que la fermeture de l’économie de huit semaines avait, à elle seule, affecté 40 % de la production économique de la province et qu’elle entraînerait un déficit de 14,9 milliards $ pour l’année fiscale en cours. Il ajoutait également que chaque mois additionnel de fermeture de l’économie entraîne une baisse de 3 % du PIB et coûte 5 milliards $ en recettes fiscales au gouvernement(12).

En avril, on comptait déjà pour 257 milliards $ en mesures et programmes fiscaux d’Ottawa en réponse à la crise(13). Le 26 mai, le directeur parlementaire du budget (DPB) estimait à 12 % la baisse du PIB en 2020 – la plus importante des temps modernes – et un déficit de 260 milliards $ pour l’année fiscale en 2021, de loin le plus élevé de l’histoire(14). Cela représente plus de 18 000 $ de dette supplémentaire par ménage canadien(15).

Payer pour le confinement

Le DPB a déjà averti que des hausses d’impôts fédéraux sont inévitables à moins que le gouvernement ne change de cap fortement afin de contenir les dépenses. Certains s’inquiètent déjà d’augmentations d’impôts drastiques pour la classe moyenne(16).

On peut s’inquiéter d’un impôt sur les successions et d’une augmentation de l’imposition sur le gain en capital, ce qui ferait baisser les investissements, nuisant ainsi à la reprise économique. Bien qu’une augmentation de l’impôt des sociétés ne soit pas présentement sur la table, un gouvernement qui doit faire le choix entre des ponctions fiscales sur les créateurs d’emploi ou sur l’électeur moyen risque de prendre une décision ancrée dans le court-termisme.

Même au Québec, le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon a tenu des propos inquiétants, déclarant : « il va falloir faire fi de ce qu’on a appris dans le passé dans nos livres d’école » — comme si les concepts de base de l’économie ne s’appliquaient plus en temps de crise(17). Ailleurs, des économistes sont allés jusqu’à proposer des taxes discriminatoires contre des industries impopulaires(18).

Plus longuement durera cette dépression économique provoquée par le gouvernement, plus les dommages économiques seront élevés. Et plus fortes se feront les voix qui réclameront – à tort – d’augmenter les taxes sur ceux-là mêmes qui doivent investir et embaucher afin de nous sortir de cette crise.

Références

  1. Statistique Canada, Tableau 14-10-0287-03: Caractéristiques de la population active selon la province, données mensuelles désaisonnalisées, 2020; Shelly Hagan, « Canada unexpectedly adds 290,000 jobs on gradual reopening », Financial Post, 5 juin 2020; Chris Fox, « Ontario reports lowest single-day increase in new COVID-19 cases in more than three weeks », CP24, 29 avril 2020.​
  2. Trading Economics, « Unemployment Rate », 2020.
  3. Institut Économique de Montréal, « De quoi aurait l’air un «confinement intelligent» au Canada? », 25 juin 2020.
  4. Statistique Canada, op. cit., note 1.
  5. Sherry Cooper, « Good News in May Jobs Report—10.6% Recovery in COVID Losses », Dominion Lending Centres, 5 juin 2020.
  6. Benjamin Shingler, « Quebec unemployment rate soars to 17%, highest ever recorded », CTV News, 8 mai 2020.
  7. Gouvernement du Québec, Reprise graduelle des activités en lien avec les mesures de ralentissement de la COVID-19, 17 juin 2020.
  8. Sherry Cooper, op. cit., note 5; Statistique Canada, op. cit., note 1.
  9. Amy Luft, « Highlights from Quebec’s 2020-2021 budget », CTV News, 10 mars 2020.
  10. The Canadian Press, « Federal government runs $11-billion deficit for April-to-December period », CTV News, 28 février 2020.
  11. Hugo Pilon-Larose, « Après la pandémie, la crise des finances publiques », La Presse, 13 avril 2020.
  12. Gouvernement du Québec, Québec’s Economic and Financial Situation 2020-2021, Juin 2020, p. A11; Frédéric Tomesco, « No tax increases, Quebec finance minister pledges », The Province, 29 mai 2020.
  13. Hugo Pilon-Larose, op. cit., note 11.
  14. Jesse Snyder, « Tax hikes ‘unavoidable’ to offset raft of COVID-19 spending, federal budget watchdog says », National Post, 26 mai 2020.
  15. Statistique Canada, Le Quotidien, Tableau 1: Nombre de ménages, revenu médian et rang du revenu médian, Canada, provinces et territoires, 27 septembre 2017.
  16. Joe Oliver, « Brace yourself for brutal tax hikes—and not just for the rich », Financial Post, 11 juin 2020.
  17. Hugo Pilon-Larose, op. cit., note 11.
  18. Jesse Snyder, op. cit., note 14.
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