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Impôt sur la richesse : un échec prévisible

Point sur les conséquences inattendues de la proposition d’impôt unique sur la richesse récemment analysée par le directeur parlementaire du budget

À la veille d’une annonce sur la tenue d’élections fédérales, les politiciens canadiens mettront de l’avant des propositions de politiques qu’ils jugent populaires auprès du public. Les politiciens de gauche ont fait la promotion de l’idée d’un impôt unique sur la fortune visant à financer les dépenses excessives. Cette publication se penche sur la proposition d’un impôt unique sur la richesse analysée récemment par le directeur parlementaire du budget.

En lien avec cette publication

L’impôt sur la richesse est voué à l’échec (Le Soleil, 5 août 2021)

No, a wealth tax is not a get out of fiscal jail free card: Montreal Economic Institute(The Hub, 6 août 2021)

Higher taxes won’t solve our fiscal problems (Financial Post, 10 août 2021)

Diane Francis: Wealth tax is a foolhardy ploy to keep spending (Financial Post, 10 août 2021)

 

Ce Point a été préparé par Maria Lily Shaw, économiste à l’IEDM. La Collection Fiscalité de l’IEDM vise à mettre en lumière les politiques fiscales des gouvernements et à analyser leurs effets sur la croissance économique et le niveau de vie des citoyens.

Alors que les taux de vaccination sont en hausse et que le nombre de cas de COVID-19 demeure faible, les rumeurs entourant la tenue prochaine d’élections s’intensifient. Les apparitions publiques du premier ministre aux quatre coins du pays, la multiplication des promesses de subventions pour diverses initiatives(1) et le mécontentement désormais bien connu d’être à la tête d’un gouvernement minoritaire(2) contribuent à alimenter les rumeurs d’un gouvernement prêt à se lancer dans une campagne électorale. Ainsi, bien que le gouvernement fédéral ne se soit pas prononcé sur la question jusqu’à présent, une annonce sur la tenue d’élections à l’automne semble imminente.​

L’un des plus grands enjeux auxquels sont confrontés les politiciens canadiens concerne la dette colossale accumulée par notre gouvernement au cours des dernières années – ou, plus précisément, la façon dont ils comptent y remédier. En raison des coûts liés à la pandémie de COVID-19, les impôts sur la richesse suscitent un regain d’intérêt pour remédier à l’état de nos finances publiques. Il y a tout juste deux semaines, le directeur parlementaire du budget (DPB) publiait un rapport estimant les recettes potentielles qui résulteraient de la mise en œuvre d’un impôt unique sur la « richesse extrême »(3).

La proposition prévoit un taux d’imposition de 3 % sur la valeur nette des actifs supérieurs à 10 millions de dollars et de 5 % sur la valeur nette des actifs de plus de 20 millions de dollars, dont le paiement serait échelonné sur une période de cinq ans(4). Compte tenu de ce seuil, un tel impôt toucherait quelque 87 000 familles canadiennes et permettrait de percevoir près de 82,5 milliards de dollars sur une période de cinq ans(5) – dans le meilleur des cas. Mais la probabilité de percevoir une telle somme auprès des plus riches est très faible, puisque ce scénario repose sur l’hypothèse que les familles touchées n’auront pas recours à des comportements d’évitement fiscal. De ce fait, l’estimation la plus réaliste rapportée par le DPB fait état de recettes nettes totales de 60,7 milliards de dollars sur cinq ans, perçues auprès de plus de 68 000 familles canadiennes(6).

À quoi serviraient les fonds?

Si cette proposition est adoptée, le gouvernement a l’intention d’utiliser les fonds ainsi obtenus pour « couvrir les coûts de la pandémie et des mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques, ou pour financer une partie des activités du gouvernement en matière de réconciliation avec les peuples autochtones »(7). Toutefois, même dans le scénario le plus optimiste, cette proposition d’impôt sur la richesse est bien loin des 240 milliards de dollars(8) dépensés en lien avec la COVID-19 en une période de seulement huit mois en 2020, sans parler du plan de relance de 100 milliards de dollars présenté dans le dernier budget(9). En fait, même si l’on additionne l’ensemble des nouvelles mesures d’accroissement des recettes présentées dans le budget, auxquelles s’ajoute l’estimation par le DPB des recettes maximales qui pourraient être perçues grâce à l’impôt unique sur la fortune (voir la Figure 1), les dépenses publiques épuiseraient l’équivalent d’un exercice financier complet de ces recettes en un peu moins de seize jours(10). Autrement dit, les mesures d’accroissement des recettes sont appelées à générer 18,7 milliards de dollars par an en moyenne, tandis que le gouvernement se prépare à dépenser plus d’un milliard de dollars par jour en 2022.

Les partisans d’un impôt unique sur la fortune considèrent également qu’une telle mesure pourrait répondre en partie aux préoccupations relatives aux « inégalités de richesse grandissantes et [aux] préoccupations d’équité entre les générations »(11). Or, en proposant de consacrer les fonds perçus au financement de mesures passées liées à la COVID-19 et aux politiques de lutte contre les changements climatiques, l’impôt sur la fortune ne contribuerait guère à améliorer le niveau de vie des personnes situées dans la tranche inférieure de la répartition ou à faciliter leur ascension dans l’échelle des revenus. Cela revient à amputer des parties de son corps pour perdre du poids : l’objectif numérique est atteint, sans toutefois atteindre l’effet escompté.

Limitons les dépenses plutôt que la richesse

En règle générale, un impôt se traduit rarement par un gain net. En instaurant un impôt sur la richesse, quelle que soit sa forme, on signale aux habitants de ce pays que l’accumulation de richesse n’est pas souhaitable. Or, celle-ci est en réalité profitable à l’ensemble de la population, dans la mesure où cette richesse est en fin de compte réinvestie dans l’économie – notamment, dans la création de nouvelles entreprises, dans la modernisation des usines ou dans la recherche et développement(12).

S’il peut être tentant de s’imaginer ces grandes fortunes personnelles entreposées dans un coffre-fort secret, ce n’est pas du tout le cas. En réalité, des coûts d’opportunité sont associés aux actifs liquides, de sorte que les économies des riches sont très actives. Bien souvent, les fortunes sont investies dans des actifs illiquides, comme de l’immobilier ou des entreprises dont les coûts d’exploitation sont considérables(13). Ainsi, un impôt sur la richesse – que l’on reconnaît volontiers susceptible de soulever des problèmes de liquidité pour les individus incapables de s’acquitter de la charge sans vendre quelques actifs pour en couvrir le coût(14) – pourrait inciter les entreprises de propriété canadienne à vendre à des investisseurs étrangers. L’économie canadienne ne devrait pas avoir à faire les frais de la perte des investissements des familles les plus riches, lesquels alimentent les projets à long terme, la prise de risque entrepreneuriale, la création d’emplois et la valorisation de potentiel encore inexploité. Sans parler des œuvres de bienfaisance qui bénéficient du fruit de leur travail.

Bien avant la pandémie, le gouvernement fédéral avait déjà le pied sur l’accélérateur, augmentant les dépenses canadiennes par habitant à des niveaux sans précédent. Au lieu de ralentir dans la foulée de la COVID-19, le gouvernement a promis de multiplier les nouveaux programmes permanents de dépenses pour les années à venir, dont un programme national de garderies et l’augmentation des transferts aux personnes âgées. Ces pratiques en matière de dépenses ont contribué à repousser considérablement le moment où le Canada pourra retrouver un semblant d’équilibre budgétaire. Selon le Rapport sur la viabilité financière du DPB, si Ottawa maintient ses plans budgétaires actuels, l’encre rouge continuera de couler pendant encore presque 70 ans, ce qui signifie que la dette publique ne sera pas éliminée avant 2090(15). Les dépenses excessives sont devenues la norme, mais il n’est jamais trop tard pour faire marche arrière. Plutôt que de s’acharner à trouver de nouvelles façons d’augmenter les revenus, le gouvernement devrait investir tout autant d’énergie et de créativité pour trouver des moyens de contrôler les dépenses.

Références

  1. Stephanie Taylor, « Trudeau hits road for green announcement in campaign-style appearance », The Globe and Mail, 5 juillet 2021.
  2. Stephanie Taylor, « Trudeau accuses Parliament of ‘toxicity’ as conversion therapy ban passes », Global News, 22 juin 2021.
  3. Bureau du directeur parlementaire du budget, « Estimation des recettes des mesures prévues dans la motion M-68 : Impôt unique sur la richesse extrême », 15 juillet 2021, p. 1.
  4. Bureau du directeur parlementaire du budget, ibid., p. 4.
  5. Idem.
  6. Idem.
  7. Jeff Labine, « Wealth tax could net billions for Canada: spending watchdog », iPolitics, 15 juillet 2021.
  8. Jonathan Gatehouse, « Ottawa has spent $240B fighting COVID-19 in just 8 months. A CBC investigation follows the money », CBC News, 6 décembre 2020.
  9. Rachel Aiello, « Budget 2021: Government unveils $101.4B in new spending, with deficit declining », CTV News, 19 avril 2021.
  10. Calculs de l’auteure. Bureau du directeur parlementaire du budget, op. cit., note 3, p. 4; Gouvernement du Canada, Budget 2021 – Une relance axée sur les emplois, la croissance et la résilience, 19 avril 2021, p. 304-306, 328.
  11. Chambre des communes, Trouver un député, Nathaniel Erskine- Smith, Motions émanant des députés, M-64 Inégalités de richesses − Nathaniel Erskine-Smith, consulté le 27 juillet 2021.
  12. Hillary Hoffower, « An entrepreneur who interviewed 21 billionaires says there’s a common misconception about how the world’s richest people spend their money », Business Insider, 25 juin 2019.
  13. Idem.
  14. Bureau du directeur parlementaire du budget, op cit., note 3, p. 5.
  15. Sarah MacPhee et. al., Rapport sur la viabilité financière de 2021, Bureau du directeur parlementaire du budget, 30 juin 2021, p. 17.
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