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Textes d'opinion

Hydro ne doit pas devenir un frein au développement

Longtemps, Hydro-Québec s’est présentée comme un moteur de l’économie québécoise. Ses vastes surplus d’énergie, vendus à faible coût, devaient mener au développement économique de nos régions.

Aujourd’hui, alors qu’on voit poindre la fin des surplus d’énergie, la société d’État est plutôt en train de devenir un frein au développement de nos régions.

On n’a qu’à penser à la filière de l’hydrogène vert, dans laquelle bon nombre de projets ont été rejetés par le ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, sous prétexte qu’il manque d’électricité. Ou encore, on peut penser à l’usine de batteries de Volkswagen, qui a choisi d’investir des milliards de dollars en Ontario plutôt qu’ici même au Québec, puisque les infrastructures d’Hydro-Québec n’étaient pas en mesure d’approvisionner son site potentiel.

D’ailleurs, M. Fitzgibbon lui-même le souligne : la capacité de puissance actuellement disponible pour de nouveaux projets de développement économique est très limitée; il ne reste que 1000 MW pour raccorder les nouveaux projets. En guise de contexte, c’est 21 000 MW de projets qui ont été soumis, dont environ 10 000 MW sont sérieusement considérés par le ministre.

En d’autres termes, le cadre réglementaire qui accorde un monopole de distribution de l’électricité à Hydro-Québec est en train de devenir un frein au développement économique de la province.

Devant cette réalité, le gouvernement provincial devrait ouvrir une soupape et permettre la contribution entrepreneuriale dans le secteur.

Face à cet écart entre le potentiel de développement économique et la capacité d’Hydro-Québec à raccorder les projets, il est nécessaire d’envisager d’autres solutions.

Dans la mesure où le ministère refuse qu’Hydro-Québec approvisionne en électricité un projet de développement, pourquoi ne permettrions-nous pas aux producteurs indépendants de répondre «présent»?

Cette approche offrirait davantage de flexibilité aux entrepreneurs ayant des projets, tout en éliminant le droit de veto du gouvernement sur le développement économique. Rappelons au passage que ce droit de veto auto-octroyé permet au ministre de l’Énergie, en collaboration avec Hydro-Québec, de choisir les heureux élus qui auront la chance de voir leur projet alimenté par la société d’État.

Libéraliser la vente d’électricité permettrait à un entrepreneur se voyant refuser le raccordement à Hydro-Québec ou apercevant des tarifs ou des offres plus avantageux du côté de la concurrence de mener à bien son projet sans subir les aléas de la planification de la société d’État.

D’ailleurs, ces modèles de production et de vente indépendantes font le succès d’entreprises québécoises à l’étranger. On peut penser à Innergex, une entreprise longueuilloise, et à son contrat d’approvisionnement de 200 MW avec Amazon en Ohio.

Pour répondre aux besoins en énergie verte du géant du commerce en ligne dans cet État, l’entreprise exploite un parc de plus de 600 000 panneaux solaires. Si Amazon demandait la même entente à Innergex dans son Québec natal, l’entreprise devrait la refuser en raison des lois en vigueur.

Dans le contexte actuel de manque de puissance disponible, une telle interdiction démontre sans ambiguïté le caractère anachronique du cadre réglementaire dans le secteur de l’énergie, et la nécessaire ouverture à la concurrence.

Mais les embûches réglementaires ne s’arrêtent pas là.

Fait méconnu : certains barrages du Québec appartiennent à des producteurs indépendants. À moins que ceux-ci n’utilisent eux-mêmes leur capacité, ils sont contraints de vendre leur énergie à Hydro-Québec.

Or, une loi interdit aux propriétaires de barrages indépendants de vendre leur électricité à Hydro-Québec si leur barrage a une puissance de production supérieure à 50 MW.

Cela signifie que, malgré les nouveaux besoins en approvisionnement de notre monopole d’État, un producteur ayant développé une expertise dans le domaine se voit limité dans ses réponses aux appels d’offres d’Hydro.

Étant donné la proximité de potentiels barrages avec leur territoire, les communautés autochtones pourraient largement contribuer à la production de nouvelles sources d’électricité, développant ainsi l’économie locale.

La contribution des Premières Nations en matière d’énergie prend d’ailleurs forme dans la province, comme on peut le voir avec le projet éolien Apuiat.

Le développement économique des prochaines décennies nécessite de nouvelles sources d’approvisionnement énergétique. La machine qu’est Hydro-Québec semble s’essouffler devant la tâche colossale, mais incontournable d’assurer l’approvisionnement électrique nécessaire pour répondre à la demande croissante. Les producteurs indépendants doivent pouvoir contribuer à cet effort.

Pour garantir une transition réglementaire et légale, le projet de loi sur l’énergie prévu dès cet automne devra ouvrir le secteur de l’électricité à davantage de concurrence.

Le ministre a ouvert la porte ce printemps, et il est maintenant temps pour lui d’en franchir le pas.

Gabriel Giguère est analyste en politiques publiques à l’IEDM et l’auteur de « Deux obstacles à la libéralisation du secteur de l’électricité ». Il signe ce texte à titre personnel.

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