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Des milliers de logements entravés par la Ville de Montréal

Point sur les projets de logements bloqués, retardés ou réduits en nombre d’unités depuis 2017, privant de nombreux ménages montréalais d’un logement abordable

Des projets totalisant près de 25 000 logements ont été entravés depuis le début de l’administration Plante à Montréal en 2017, selon cette étude publiée par l’IEDM. « En empêchant la construction de dizaines de milliers d’unités, l’administration Plante contribue à rendre Montréal de moins en moins abordable », affirme Gabriel Giguère, auteur de l’étude.

En lien avec cette publication

Crise du logement – Un groupe de droite recommande la construction d’habitations (La Presse, 3 juillet 2023)

Nearly 24,000 housing units obstructed under Plante: MEI (The Suburban, 12 juillet 2023)

Entrevue avec Gabriel Giguère (Alexandre Dubé, QUB Radio, 3 juillet 2023)

Entrevue avec Gabriel Giguère(Questions d’actualité, Radio Ville-Marie, 5 juillet 3023)

 

Ce Point a été préparé par Gabriel Giguère, analyste en politiques publiques à l’IEDM, en collaboration avec Elias Djabri, analyste en politiques publiques à l’IEDM. La Collection Réglementation de l’IEDM vise à examiner les conséquences souvent imprévues pour les individus et les entreprises de diverses lois et dispositions réglementaires qui s’écartent de leurs objectifs déclarés.

Depuis l’arrivée de l’administration actuelle en 2017, la construction de dizaines de milliers d’unités de logement a été bloquée ou retardée à Montréal, limitant ainsi de façon importante l’offre de logements. Dans le contexte actuel de pénurie, cette approche est particulièrement nuisible, et ce, pour l’ensemble de la population de la métropole, y compris les moins nantis. Si ces projets immobiliers avaient été mis en chantier et réalisés, ils auraient alors permis d’augmenter considérablement l’offre de logements, améliorant par la même occasion l’abordabilité, l’une des priorités de la Ville de Montréal.

Les unités de logements entravées équivalant à la moitié des mises en chantier

Une recension des projets de logements bloqués, retardés ou réduits en nombre d’unités depuis 2017 a permis de constater l’effet de l’approche contre-productive en matière de logements de l’administration montréalaise actuelle. En effet, selon une estimation prudente(1), pas moins de 23 760 logements sont bloqués ou retardés dans la ville (voir le Tableau 1).

L’un des cas emblématiques de ces blocages est la sixième tour du projet immobilier Square Children, où la municipalité, à la suite d’un désaccord avec le promoteur, a décidé de réduire la hauteur permise de 61 mètres à 12 mètres. Autrement dit, la Ville a bloqué le projet en le rendant non viable par voie réglementaire, et ce, malgré les recommandations de l’Office de consultation publique de Montréal(2).

D’autres projets immobiliers ont aussi été revus à la baisse. C’est notamment le cas du projet résidentiel de Bridge-Bonaventure, qui comptait au départ jusqu’à 15 000 unités dans la mouture présentée par les promoteurs, mais qui a été réduit de près de la moitié à 7600 unités à la suite d’une décision de la Ville(3).

Plus largement, l’ensemble des projets au point mort recensés représentent l’équivalent de près de 50 % de la totalité des mises en chantier dans la ville de Montréal de 2017 à 2021(4). Une telle approche est difficilement justifiable dans le contexte actuel de pénurie de logements(5).

Une approche pénalisant l’abordabilité des logements pour les plus démunis

Le constat est clair : que ce soit délibérément ou non, la politique de la Ville de Montréal freine le développement de nouveaux projets immobiliers. Or, cela va à contresens de l’un de ses objectifs affichés, à savoir l’abordabilité du logement. Même si les nouveaux logements construits sont haut de gamme, cela finit en effet par profiter à la classe moyenne et aux moins bien nantis de la société par un effet de déplacement qu’on ignore trop souvent dans le débat sur le logement.

Les logements non concrétisés nuisent à l’abordabilité des logements à cause de l’absence de ce qu’on appelle la « chaîne de déplacement ». Ce phénomène s’explique par le fait que le premier déménagement vers le nouveau logement haut de gamme se répercute sur une série d’autres déménagements. Des logements de gamme inférieure sont libérés ailleurs, ce qui rend plusieurs logements disponibles pour des ménages de la classe moyenne; de la même manière, en déménageant, ces derniers libèrent des logements pour les ménages plus modestes, qui voient aussi l’offre dans leur quartier indirectement augmenter.

Ainsi, empêcher la construction de logements, même de luxe ou de haut de gamme, se traduit en bout de ligne par un effet négatif sur la disponibilité des logements dans les quartiers plus défavorisés.

Cet effet de transmission entre l’offre de logements de luxe et celle disponible pour la classe moyenne ou les ménages en situation précaire a été quantifié par une étude(6) réalisée dans plusieurs grandes métropoles aux États-Unis. Selon celle-ci, la construction de 100 logements haut de gamme est associée à une augmentation à concurrence de 45 unités dans les quartiers dont le revenu moyen est inférieur au revenu médian. Pour les quartiers où le revenu des ménages appartient au dernier quintile, cette augmentation de l’offre s’élève à 17 unités de logement.

Même dans le cas extrême où les 23 760 unités de logement bloquées auraient toutes été dans la catégorie haut de gamme, ce qui n’est pas actuellement le cas, elles auraient donc pu libérer 6653 unités additionnelles pour les familles de la classe moyenne(7). Les répercussions positives de la chaîne de déplacement ne s’arrêtent pas là : les ménages moins nantis auraient aussi bénéficié de 4039 logements disponibles additionnels (voir la Figure 1).

L’administration montréalaise doit réaliser qu’en bloquant ou en retardant ces projets, elle choisit par le fait même de priver de nombreux ménages ayant besoin d’un logement abordable. C’est pourquoi elle devrait éviter de mettre des bâtons dans les roues des promoteurs et permettre à l’offre de logements de s’ajuster.

Dans un contexte où des actions constructives doivent être déployées pour augmenter l’offre, pourquoi la Ville n’établirait-elle pas un registre public de l’ensemble des projets immobiliers résidentiels soumis, bloqués, retardés ou amputés? Ainsi, les décideurs politiques de la Ville de Montréal feront preuve d’une plus grande transparence envers la population.

Références

  1. La recension a été effectuée avec les projets pour lesquels l’information est accessible. Il est possible que certains projets n’aient pas été compilés, ce qui en fait une estimation prudente.
  2. Office de consultation publique de Montréal, Rapport de consultation publique : Tour 6 du Square Children, 15 août 2022.
  3. Jeanne Corriveau, « Un potentiel de 7600 logements pour le secteur Bridge-Bonaventure », Le Devoir, 29 mars 2023; Jeanne Corriveau, « Des promoteurs immobiliers accusent Montréal de ne pas les écouter », Le Devoir, 11 avril 2022.
  4. Calcul de l’auteur. Ville de Montréal, Mises en chantier résidentielles, consulté le 19 juin 2023.
  5. Célia Pinto Moreira, « Améliorer l’abordabilité des logements à Montréal en réglementant moins la construction », Note économique, IEDM, février 2023.
  6. Evan Mast, « JUE Insight: The effect of new market-rate housing construction on the low-income housing market », Journal of Urban Economics, vol. 133, janvier 2023, p. 4.
  7. Ces familles de la classes moyennes ont un revenu sous la médiane (mais pas dans le dernier quintile). Elles ne font donc pas partie de la « haute classe moyenne ».
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