L’impôt à abattre
Le gouvernement fédéral laisse toujours planer le doute sur ses intentions quant à une éventuelle augmentation du taux d’inclusion de l’impôt sur le gain en capital, de 50 à 75 %. Tous les Canadiens, y compris la classe moyenne chère à nos partis politiques, profiteraient en effet d’une réforme de cet impôt. Mais puisque ce type d’impôt est particulièrement nuisible, c’est d’une diminution dont nous aurions besoin, pas d’une augmentation! Comme d’autres pays l’ont fait, le Canada devrait réduire substantiellement l’impôt sur le gain en capital ou l’abolir.
Qu’est-ce qu’un gain en capital? C’est une augmentation de la valeur d’un investissement : un chalet, des actions, des parts dans l’entreprise de votre beau-frère. Lorsqu’un investisseur vend quoi que ce soit à un prix plus élevé que le prix qu’il a payé, un gain en capital est réalisé. Au Canada, la moitié de ce gain est imposée comme un revenu, avec quelques exceptions (dont la vente de votre maison). Au Québec, près de la moitié de ceux qui déclarent ces gains font moins de 50 000 $ par année.
Tout comme les taxes sur l’alcool et le tabac diminuent leur consommation, l’impôt sur le gain en capital ralentit l’accumulation de capital, qui est l’un des fondements de toute croissance économique. Réduire la quantité de capital affecte la création d’emplois et les salaires dans l’ensemble de l’économie, puisqu’une de ses fonctions est de rendre les travailleurs plus productifs, un prérequis pour que les salaires augmentent.
L’effet dommageable de l’impôt sur le gain en capital n’est cependant pas limité à l’emploi et aux salaires. Cet impôt encourage aussi les gens à « geler » leurs investissements. Contrairement aux autres types de revenus, réaliser des gains en capital est en grande partie une question de choix, et le moment où cela se produit peut être changé facilement en reportant l’instant de la vente. Cela décourage donc la réallocation du capital vers son utilisation la plus productive, ce qui est également néfaste pour la croissance économique et celle de notre niveau de vie.
Beaucoup de gains, peu de pertes
Dans une étude, le ministère fédéral des Finances a conclu que chaque dollar de réduction de l’impôt sur le gain en capital entraînerait des gains économiques d’environ 1,30 $. Cela en fait le type d’impôt dont l’abolition entraînerait les gains les plus importants (accessoirement, on peut se demander pourquoi le ministère n’agit pas selon les conclusions de ses propres études).
En outre, les revenus relativement peu élevés que le gouvernement fédéral tire de cet impôt ne permettent pas de justifier son existence : 4,3 milliards $, soit seulement 1,5 % de ses revenus totaux.
En plus de toutes ces considérations, l’impôt sur le gain en capital est plutôt régressif. Bien que certains investisseurs puissent éviter facilement de payer cette taxe en retardant la réalisation de leurs gains, les contribuables à faibles et moyens revenus, les personnes âgées ou des investisseurs qui connaissent moins de succès ont habituellement moins de flexibilité financière. Ils sont donc, dans un sens, beaucoup plus touchés par l’imposition du gain en capital que ceux qui gagnent un revenu élevé.
Des exemples à suivre
Toutes ces raisons expliquent pourquoi plusieurs pays n’imposent pas le gain en capital à long terme réalisé par les individus, tandis que la Nouvelle-Zélande, la Suisse et Hong Kong, eux, ne l’imposent pas du tout.
Une étude qui s’est penchée sur le cas de la Suisse a conclu que son abolition avait augmenté la taille de l’économie de 1 à 3 %. Une autre sur Hong Kong a déterminé que le taux d’épargne du territoire est bien plus élevé que celui d’économies développées semblables, justement en raison de l’absence de cet impôt. En Nouvelle-Zélande, l’élimination de la taxe sur le gain en capital a contribué à l’amélioration de la situation économique du pays.
Le gain en capital découle des efforts des investisseurs et des entrepreneurs pour augmenter la taille de l’économie, efforts qui sont essentiels à notre prospérité. Imposer ce gain entraîne une foule d’effets pervers et ne génère pas des revenus importants pour le gouvernement.
Les exemples internationaux démontrent que l’abolition de notre propre impôt sur le gain en capital pourrait favoriser la croissance de la productivité au Canada, et donc améliorer le niveau de vie de tous les Canadiens. C’est la voie qu’Ottawa devrait emprunter.
Mathieu Bédard est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteur de « Impôt sur le gain en capital : il faut le réduire, pas l’augmenter ». Il signe ce texte à titre personnel.
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